Chapitre 5

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Je pleure, mais Nils est là. Il me prend dans ses bras. Il me réchauffe. Mais pourquoi tant de larmes ? Et pourquoi lui ? 

Nils est gentil. Nils est bienveillant. Nils est étrange. 

Il place une mèche de cheveux derrière mon oreille, et me répète des mots si gentils.

" Tout ira bien Meïla " ; " Imagine-nous, toi et moi " ; " Et si tu ne rêvais pas ? ".

Des phrases qui ne cessent de rimer, et de se répéter, de plus en plus fort. Comme un écho qui ne s'arrête plus. 

Fin du rêve. 

04:02

Je sursaute. J'ai comme l'impression d'avoir fait un cauchemar, mais ça n'en était pas un. J'ai pourtant peur, et ne comprends pas. Jusque 07:00, je ne me rendors pas, je cogite seulement. 

Mon réveil sonne alors, mais tout ce que j'arrive à faire, c'est frotter mes yeux. Je suis fatiguée. 

Je me lève, me prépare, je traîne. Ma mère m'appelle et me dit de me dépêcher. Elle n'hésite pas une seule seconde à rajouter : 

- Je me disais bien que des matins comme hier c'était trop beau ! En se moquant. 

Je rigole doucement. 

Dans la voiture, je regarde toutes les maisons défiler devant mes yeux. Il est tôt, et le soleil tape déjà si fort. 

Ma mère m'embrasse et me dépose. Dehors, un courant d'air frais s'abat sur mon visage. Je frissonne. 

La matinée s'enchaîne. 

12:13

Je m'assois dehors, au bord du même trottoir sur lequel j'ai commencé à connaître Nils. Mon rêve me traumatise, je n'arrête pas d'y penser. Rêver d'un contact si proche avec quelqu'un que l'on ne connaît pas, c'est étrange. Tout est étrange avec lui. 

Il s'assoie à côté de moi. 

- Encore ici ? Qu'est-ce que tu fais toute seule ? Où est ton amie ? 

Trop de questions d'un coup, je le regarde perplexe.

- Pourquoi est-ce que tu t'approches comme ça de moi ? Dis-je d'un ton agacé.

- Excuse-moi, je t'ai seulement vue toute seule, et ce n'est pas ton habitude. 

- Comment tu sais ça ? Tu m'espionnes maintenant ? Répliquais-je sous la colère. Une colère née d'une incompréhension dans son entièreté. 

Il a remarqué que quelque chose n'allait pas.

- En réalité, non. 

Un silence s'installe, puis il baisse la tête et continue.

- Quand j'étais plus jeune, j'étais la risée de mon école. Tout le monde me donnait des noms que je n'ai jamais supportés. Dans ces moments-là, quand je m'asseyais dans la cour, tout seul, j'avais besoin que quelqu'un vienne et me demande ce qui n'allait pas, mais personne ne l'a jamais fait. Je ne souhaite à personne ce sentiment-là. Celui de solitude, qui laisse mourir quelqu'un à petit feu. Personne n'est venu au monde pour se trouver seul parmi des milliards d'autres individus. 

Surprise par ses mots, je lui demande des excuses, et lui explique que j'ai seulement mal dormi. 

Quand j'étais plus jeune, j'ai moi-même vécu la moquerie de certains, et la solitude qu'ils m'obligeaient à adopter. Dans son histoire, je m'y suis reconnue. 

- Tu veux qu'on aille boire quelque chose ? Me propose-t-il. Un café te réveillera. 

J'accepte, et lui souris. Il sourit à son tour, les yeux remplis d'espoir. 

Quand il est là, je ne me sens plus seule. Il arrive toujours à me remonter le moral, même dans mes rêves. 

12:36

Nils me regarde, je n'ai pas terminé mon café, je ne cesse de scruter l'écran de mon téléphone. Embêté, il me demande alors pourquoi. Je lui réponds.

- Lyse, c'est le nom de cette amie avec qui je passe mon temps. Cet après-midi, elle a décidé de sécher les cours, je me retrouve alors un peu seule.

- Elle sèche les cours pour être avec son petit ami ? 

Je rigole gentiment. 

- Non, Lyse n'a pas de petit ami, elle n'aime pas ça. Dans deux semaines, je fête mes 19 ans, et comme chaque année, elle se tue à m'acheter des tas de choses pour me faire plaisir, et s'organise pour créer une super fête. 

- Alors, qu'est-ce qui t'embête comme ça ? Me demande-t-il. 

- Et bien, elle ne répond pas à mes messages.. 

Il s'empresse alors de me répondre : 

- Tu sais, préparer un anniversaire ça demande beaucoup d'amour et de temps. Elle a peut-être peur que tu découvres ce qu'elle se tue tant à t'offrir ce si grand jour ? 

Bingo, il répondait à toutes les questions que je pouvais bien me poser. Je lui souris de bonheur.

- Tu as sans doute raison. 

J'éteins mon téléphone. 

Ça me paraissait si simple de me confier à lui, personne n'avait jamais pris aussi soin de ma tête. 

---

Durant les deux semaines qui ont suivi, Lyse a continué de sécher les cours. Pas tous les jours, mais souvent. Je me suis sentie coupable, un bon nombre de fois, mais je me disais que dès que mon anniversaire serait passé, tout redeviendrait calme. De mon côté, je recopiais ses cours pour ne pas qu'elle s'y perde, et lui envoyais. On a toujours besoin de quelqu'un sur qui compter. Il fallait bien que je lui rende les absences qu'elle s'imposait pour me faire plaisir. Je trouvais ça normal. 

J'ai appris à connaître un peu plus Nils aussi. C'est un garçon très gentil, j'ai pris l'habitude d'aller boire un café avec lui, pour parler des journées que nous passions. Il adore dessiner, comme moi. En me montrant ses dessins, je me suis rendue compte du réel talent qu'il avait, j'en reste encore bouche-bée. Il est aussi repassé, une ou deux fois à ma fenêtre, toujours sur le même cheval. D'ailleurs, j'ai même appris que sa fidèle monture se nommait April. Quand j'étais petite, j'avais un chat qui portait ce même nom, je l'aimais tellement fort. 

Avec Arron, on s'est beaucoup rapprochés. Il y a quelques jours de ça, avant de s'en aller, il m'a prise dans ses bras. J'étais tellement proche de lui, que mon corps tout entier s'est senti s'en aller. J'aurais pu faire tellement de choses pour qu'il ne me lâche plus. Tout ce que mon être ressent à son égard, n'est que de l'amour et du respect. Je n'ai jamais eu beaucoup de copains. Je me suis séparée du seul que j'avais parce que je ne ressentais plus cette petite chose au fond de moi. Parfois, c'est ainsi que certaines histoires se terminent, et que d'autres commencent. Pour ce qui est du contact, c'est un peu la même chose. Je n'ai jamais reçu beaucoup de câlins de la part de ce même garçon, mais c'est tout de même à lui que j'ai laissé ma virginité. 

Nous sommes donc un dimanche, la veille de mon anniversaire. 

Seule.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant