15.

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"Prend garde à ne pas te perdre toi-même en étreignant des ombres."

– Esope.

🌹

Sur les quatres assiettes disposées sur la table de notre salon, deux se retrouvèrent vides. Une, dont ma mère et moi avions l'habitude puisqu'appartenant à mon frère, et l'autre celle de Julia.

Bien que ses activités ne m'intéressaient pas, je me demandais bien où elle pouvait être pour manquer le repas du soir. L'inquiétude inexistante de ma mère, tranquillement en train de déguster son plat indiquait qu'elle devait sans doute être au courant. Je soupirais bruyamment, attirant le regard quelque peu surpris de celle-ci.

– Sorry, it's oka...-

La porte d'entrée s'ouvrît en fracas laissant s'incruster une brise d'air frais alors que la voix stridente de Julia retentit dans l'appartement entier. Même les voisins, si ils avaient été là, aurait pu l'entendre. Quand on pense au loup...

— Vous savez pas quoi ! J'ai trouvé un travail ! s'exclama-t-elle le bonheur visible dans sa voix.

Mon sourcil tressauta tandis que ma mère la félicitait, heureuse également. Encore une fois, elle n'avait pas l'air surprise.

— T'es pas censée faire un stage pour tes études toi ? D'où la raison de ta venue ici ? Qu'est-ce tu vas foutre à chercher du boulot ? déclarais-je.

Mon ton n'était ni dérangeant, ni acerbe, seulement rempli d'une incompréhension qui ne cherchait que des réponses.

Si c'était pour gagner de l'argent, sa mère lui en envoyait déjà assez comme cela. Je ne comprenais pas pourquoi elle voulait perdre son temps. D'autant plus que je ne voyais absolument pas Julia travailler en tant que quelconque employée. C'était mon avis, du moins.

— Tu peux être contente pour moi, non ?

Son poignet sur la hanche m'indiquait qu'elle était légèrement froissée, ou bien déçu de ma réaction. J'haussais les épaules complètement indifférente.

— Elle l'est, ne t'en fait pas. Alors, raconte ! s'exclama aussitôt ma mère, impatiente de savoir le déroulement de son embauche.

Julia retrouva son sourire et vint s'asseoir à la table avant de remplir son assiette. Une odeur de poisson régna, me faisait avoir un haut le cœur. Peu friand du repas du soir, je m'étais concoctée un autre plat, bien plus appétissant mais l'odeur du premier me retirait presque toute envie d'avaler quoique ce soit. Néanmoins, personne ne fit attention à mes grimaces de dégoût, trop occupée à parler.
Pour le coup, j'avais envie de satisfaire une certaine curiosité, donc je m'efforçais d'écouter les propos de Julia.

— Bah à vrai dire, c'est du babysitting. Sauf que ça ne sera pas qu'en cas de dépannage ! J'ai les jours et tout où je sais qu'il faut que je garde le bébé.

— le bébé ? interrogeais-je.

— Oui. C'est un papa célibataire, son fils à huit mois.

Je reposais ma fourchette dans mon assiette creuse, mais ma mère me devança pour lui demander.

— un si petit bout de chou ! Il n'a pas peur de le confier à quelqu'un de si jeune ?

Fière de constater que je n'étais pas la seule à être surprise, je décidais d'en rajouter une couche.

— Surtout quand on te connaît. Même mon chien je ne le te confierais pas.

— Eh ! T'es la première à me le rappeler, je te connais pas, mais toi non plus ! Donc tes remarques tu te les gardes.

Alumnus.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant