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« L'esprit oublie toutes les souffrances quand le chagrin a des compagnons et que l'amitié le console. »

– William Shakespeare.

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Des visages heureux et des éclats de rire... Pourtant, j'avais l'impression d'être hors de ce tableau de joie. De me tenir éloignée de ces gens qui constituaient ma famille. L'air se faisait frais, mais une chaleur dérangeante et presque meurtrière s'insinuait en moi. Avec le plus de discrétion que je pouvais fournir dans cette situation, je me dirigeais vers notre salle de bain, abandonnant ces invités venus spécialement pour moi. Mes jambes flageolèrent m'obligeant à me rattraper au lavabo de la pièce. Un seul regard vers le miroir suffit à ce que des larmes glissèrent le long de mes joues. J'avais du mal à m'y reconnaître. Un visage pâle, des cernes bleus, des joues creuses, et du maquillage pour camoufler ces dégâts aux yeux des invités. Il fut vrai qu'en premier lieu, j'avais ressenti une joie à la vu de ma tante, mais désormais, j'avais l'impression de croiser le regard fantôme de mon père dans les siens. Un vide qui me hantait, et que cette journée accroissait de manière pondérale. Le masque se fissurait, et je n'arrivais plus à faire semblant. Mon frère qui n'était pas là, et mon père qui ne le sera jamais plus. Mis-à-part cela, bon anniversaire, Samuel.

Je fermais les yeux, essayant de penser à des choses positives, pour retrouver un semblant de sourire, mais rien n'y fait. Je me laissais tomber lourdement sur le bord de la baignoire, défaitiste. Wesley ne m'avait envoyé aucun message pour ce jour. Je me sentais terriblement seule. Même Oliver n'avait pas pensé à moi, aujourd'hui.

La porte s'ouvrît doucement, mais je restais inlassablement le regard coincé sur mon téléphone. Je savais déjà qui venait de me rejoindre. Son eau de Cologne emplit mes narines, et dans un geste lent, mon oncle s'assit à mes côtés. Son large bras vint s'aventurer derrière mon épaule, pour me ramener près de lui. La barrière que j'avais érigé céda, et l'eau de mes yeux s'échappa dans un torrent de larmes. William ne parlait pas, il avait l'habitude que je pleure sur son épaule.

Depuis petite, il venait me consoler quand ça n'allait pas. Il me tenait compagnie aussi, quand je fuyais. Le fait qu'il n'ait que sept ans de plus que moi jouait peut-être pour grand chose, mais je me sentais à ma place avec lui. C'était assez rare, et l'un des seul qui arrivait à faire naître un sentiment de prospérité qui me calmait. Je regrettais seulement de ne pas le voir plus souvent, celui-ci habitant en Angleterre, terre natale de ma mère.

Et même si aujourd'hui il était là, et que d'autre personnes l'avaient rejoint pour fêter mes dix-sept ans, j'échouais à éprouver de la joie. Parce que cette journée ne cessait de me rappeler que mon père, lui, n'était pas là. C'était frustrant, de me dire que les autres jours j'arrivais plus ou moins à oublier son absence, mais qu'aujourd'hui, malgré toutes les personnes qui m'entouraient, elle me sautait aux yeux.

— Il serait fière de toi, là-haut.

Mes yeux me brûlèrent, mais je me rendais compte que je n'étais pas la seule quand mon regard se dirigea vers mon oncle. Ses yeux aussi, étaient humides. Je n'étais pas la seule à qui le manque de sa présence était douloureux. Une voix, presque un murmure ne cessait de hurler son chagrin et sa colère à l'intérieur de moi. Seulement, je n'arrivais pas à l'extérioriser. Zac était beaucoup plus fort que moi à ce sujet. Je me contentais de vivre sans lui. Seul le silence émergeait de mon désarroi.

William m'embrassa le front délicatement, avant de retourner auprès de nos invités. Je savais que je devais faire de même, mais mon reflet dans le miroir m'effraya. Je reniflais, et tentais tant bien que mal de rattraper les dégâts. Au bout d'un certain temps, le résultat me convenait, alors je sortis de mon refuge, et plaqua de nouveau un sourire sur mon visage. Il fallait bien ça pour affronter cette soirée.

Alumnus.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant