7 - Le vallon du sceau

659 35 24
                                    

Je me levai et attrapai les vêtements posés sur le dossier de la chaise de bureau.

Le père de Zelda nous avait donné en avance nos tenues de chevaliers, afin que nous soyons correctement habillés pour notre expédition sur terre.

C'était vrai que descendre sous les nuages alors que nous ignorions tout des dangers de cette terre avec ces légers vêtements de village que nous portions était peu approprié.

Nos tuniques étaient de couleur verte. Je n'avais pas spécialement de préférence pour ce coloris, tout m'allait du moment que mes habits soient solides et à ma taille. J'enfilai mes deux bottes et regardai de quoi j'avais l'air dans le miroir accroché dans la penderie.

Quel étrange choix, ce vert, tout de même, me répétais-je en tripotant le bout de mon bonnet, enfin, je ne ferai pas ma difficile, l'important est d'être bien préparé.

Quelqu'un frappa à la porte. Je délaissai mon allure et lui ouvris; c'était Link. Il avait également revêtu sa tunique de chevalier, et étrangement, le vert semblait être la couleur qui le mettait le mieux en valeur.

« Bonjour, T/P, me salua le châtain, une sacoche dans les mains. Tiens, voilà pour toi, avec ça, ton équipement sera complet.

- Oh, merci... répondis-je en la portant sur mon épaule. Ta tunique te va drôlement bien, dis moi.

Il me dévisagea durant quelques secondes, l'air surpris. Ses joues se teintèrent légèrement de rose, et il sourit, flatté.

C'était la première fois depuis la disparition de Zelda. Cela me mettait du baume au cœur qu'il soit plus en forme que la nuit d'hier soir; il ne fallait pas que l'on perde espoir, mais que l'on se serre les coudes pour retrouver notre amie.
Comme quoi, un simple compliment pouvait faire du bien.

- C'est gentil. À toi aussi, tu sais, me complimenta Link en retour, plus détendu. Maintenant, il ne nous reste plus qu'à nous procurer des potions et des boucliers, puis nous serons fin prêts pour notre voyage !

- Excellente nouvelle, fis-je, enjouée. Alors, allons de ce pas au marché couvert pour acheter tout ceci ! »

***

Je suivais Link dans la grande tente installée au milieu de Célestbourg. Il était à peine neuve heures, pourtant il ne manquait pas de clients, là-bas.

Plusieurs gaillards parlaient avec animation, assis à un restaurant dont les tables étaient jonchées de pichets de bière vides que s'empressait l'unique serveuse de ramasser sur son plateau déjà bien rempli.

Un homme imposant habillé d'un tablier sali de taches d'huile faisait joyeusement la discussion à ses clients, des chevaliers de Célesbourg, tout en rafistolant une épée rougie par le feu à grands coups de marteau.

En face de cette armurerie, un voyant aux grands yeux bleus racontait à un groupe de bonnes femmes pendues à ses lèvres ce qu'il voyait dans sa boule de crystal.

Un peu plus loin, contrastant avec la bonne odeur que dégageait la cuisine du restaurant, un fumet louche agressait nos narines; celui de la fabrique de potions dont Link me parlait.
Des grosses bassines en verre étaient disposées sur le bar, pleines à ras-bords de liquides colorés fantaisistes, comme du jus d'arc-en-ciel.

« Des apprentis chevaliers ! Bienvenue chez nous, la meilleure boutique de potions de Célestbourg, nous accueillit la vendeuse de sa voix tonitruante. Que recherchez-vous ?

- Ah heu... deux flacons de potion de soin, s'il vous plaît ? demanda Link en lui tendant les petits récipients.

- L'incontournable, la fameuse, la réussite de ma carrière; la potion rouge ! s'exclama-t-elle, nous faisant sursauter. Et hop, deux flacons, je vous sers ça, les jeunes !

L'excentrique remplit généreusement les flacons de la boisson rouge sang et les referma avec leurs bouchons en liège, rapide et efficace. Ça se voit qu'elle a fait ça toute sa vie, souris-je à moi-même.

- Voilà pour vous, mes enfants ! Ça fera soixante rubis !

- Tenez.

- Merci bien ! N'hésitez pas à revenir ! »

Nous lui sourîmes timidement et sortîmes de la file pour nous tourner vers le bric-à-brac derrière nous.

Le vendeur avait un air particulièrement hypocrite, avec cette expression joyeuse forcée qu'il affichait en donnant à ses clients leur marchandise. Nous lui achetâmes deux boucliers, plutôt chers, d'ailleurs, mais Gaepora couvrait nos frais, alors nous n'avions pas de soucis à se faire.

Nous y étions. Nous allions enfin partir. Je fixais la colonne verte s'élevant dans le ciel, les poings serrés.

Tout à coup, j'avais presque le vertige en me disant qu'un immense monde inconnu et sauvage nous attendait, ici-bas. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Link et moi nous regardâmes, peu rassurés.
Nous échangeâmes un sourire un peu crispé, pour nous encourager mutuellement. Puis, nous basculâmes dans les airs d'un seul mouvement.

Les sensations fortes de cet envol étaient décuplées par la peur, le stress qui me rongeait depuis hier soir. Comment ma situation avait-elle pu autant changer en quelques jours ?

J'étais tourmentée par mon amnésie, en ouvrant les paupières à Célesbourg. Tourmentée de poser les yeux sur certaines choses, et de les reconnaître sans avoir l'impression de les avoir déjà vues. C'était Zelda qui m'avait tendu la main, en m'aidant à retrouver mon prénom.

Cette personne au bon cœur, amicale et douce, je n'avais même pas eu le temps de continuer à tresser le lien qui nous unissait depuis le jour où je m'étais réveillée.

Zelda... Ne bouge pas, on arrive...

Nous piquâmes vers la colonne verte. Les nuages s'étaient écartés pour la laisser passer. Lorsque mon oiseau planait au-dessus du trou, je sautai de son dos, et déployai le parachâle de Zelda. Il supporta très bien mon poids, je descendais lentement dans les airs.

Un nouveau paysage se dévoilait sous mes yeux, une grande forêt où la verdure s'était laissée développée sans limite.

Nous atterrîmes au sol. Je regardais celui-ci avec curiosité; cette sensation était étrange. Une barrière rouillée, installée ici, était le signe qu'une civilisation humaine fut bel et bien passée par ici, un jour.
En me rapprochant du bord, je me rendis compte que nous étions dans une espèce de spirale creusée dans la terre, un vallon.

Link et moi nous mîmes à marcher le long du chemin, sans rien dire. Nous ne trouvions pas les mots face à l'immensité, la beauté et la richesse de ces terres que nous explorions.

En nous approchant de grandes infrastructures en pierre, nous découvrîmes un bâtiment, ainsi qu'une porte.
Mais celle-ci était scellée par de la magie, je le devinais; nous avions beau forcer sur la poignée, nous avions même tenté de la défoncer, pourtant, rien à faire, elle ne s'ouvrait pas.

Link frottait son épaule endolorie par sa tentative d'ouverture tandis que je réfléchissais au meilleur moyen de l'ouvrir. Soudain, il tourna la tête vers le bas, au centre du vallon, et y descendit en utilisant son parachâle.

Lorsque je l'appelais, il ne répondait pas, alors je le suivis pour lui demander ce qui le faisait courir là-bas.

En le rejoignant, je vis un nouvel artefact, plus intrigant que ce que nous avions découvert jusque-là: un pilier de pierre en forme de triangle, sur lequel on avait gravé des symboles.
Cela ne s'arrêtait pas ici, une aura indescriptiblement repoussante en émanait, même physiquement. Il flottait dans les airs, au dessus d'un trou paraissant aussi profond que les abysses.

Link leva son épée droite vers le ciel et absorba dans sa lame son énergie. Il donna une suite de coups très précis, fendant l'air de son éclat céleste, comme s'il l'avait toujours fait. Les marques écrites brillaient de plus en plus, puis le pilier tout entier.

Le châtain dirigea son épée vers le sol d'un geste tout aussi sec: le pilier s'enfonça brutalement dans le sol, et une fresque tout aussi mystérieuse se dessina au sol, autour. Tout redevint normale, les lumières s'affaiblirent et les oiseaux recommencèrent à piailler aux alentours.

L'écho du Temps【Link x Reader】SSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant