Chapitre 7:

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J'avais dormi durant l'après-midi entière. Parfois, j'entendais Axel venir de temps en temps jeter un coup d'œil discret dans ma chambre, sûrement pour voir si tout allait bien.
Je me redressai difficilement sur le matelas et regardai furtivement l'heure sur mon téléphone : 17h30.
Je passai ma main dans mes cheveux en bataille pour tenter de les recoiffer et levai la tête vers le plafond pour faire craquer ma nuque. J'appercevai dans la pénombre mes poignets : osseux et meurtri. Un sentiment de mal être s'empara de moi. Je secouai vivement la tête pour m'empêcher de pleurer, il fallait que je sois forte. Je frottai doucement mon visage avec la paume de mes mains et posai délicatement mon pied sur le parquet. Je me précipitai vers la lumière en prenant soin de ne pas trébucher. La lumière m'éblouit ; instinctivement, je fermai les yeux et malheureusement, en sortant de la chambre je percutai assez violemment quelque chose. Je sentis des bras m'enlacer tendrement.
- Tout va bien mademoiselle ? Dit-il d'un ton mielleux.
- Oh Axel pardon !

Il rigola doucement puis se décolla légèrement pour me regarder dans les yeux. Ses lèvres s'étirèrent jusqu'à sculpter un adorable sourire sur son visage.
- Tu es très belle les cheveux décoiffé comme ça.
- Arrête ! M'empressai-je de répondre vexée.

Il m'apporta une longue veste noire et une paire de basket : beaucoup trop grande.
- Arrête de faire la grimace je sais elles sont loin d'être à ta taille. Me dit-il en rigolant.

Je répondis amusée :
- Ça ira t'inquiète pas. Merci.
- Il va vraiment falloir qu'on aille t'acheter des affaires demain.

Je baissai la tête et triturai mes doigts encore un peu sale. Je sentai son regard insistant posé sur moi.
- Tu sais, ça me gène tout ça. On ne se connait que depuis hier et tout va si vite. Tu es tellement généreux avec moi, je ne pourrai jamais faire assez pour te remercier et...
- Hannah. Me coupa-il brusquement.

Je levai la tête pour le regarder perplexe.
- Euh oui ?
- Moi aussi je suis un peu perdu, je ne sais pas trop ce que je fais. Tout est flou. Mais tu sais quoi ? On vit au jour le jour et on verra ce qui se passera. Moi je te fait confiance, maintenant à toi d'y réfléchir.

Je souriai bêtement face à son touchant discours. Je ne savais pas vraiment quoi répondre, il semblait tellement sûr de lui. Lui faire confiance allait être pour moi un objectif très difficile.
Je répondis timidement :
- Merci.

Satisfait, il se contenta de sourire et me tendre la paire de chaussure. Elles étaient vraiment grandes, je ressemblai à un clown. Je voyais Axel se retenir de pouffer face à ce ridicule spectacle.
J'enfilai rapidemment sa veste, les manches dépassaient largement mes mains mais je m'y sentais au chaud.
- Bon aller on y va. Annonça Axel avec un air enjoué.

Lorsqu'il ouvra la porte, un brin d'air frais vint chatouiller mes joues qui commençaient à rougir. Axel déposa une main sur ma taille et me poussa légèrement vers la sortie. La rue était magnifique, bondée de maisons aussi belle les unes que les autres. Au dessus des toits on pouvait appercevoir les rayons du soleil qui venaient se refléter sur les tuiles noircits par le temps. Le ciel orangé était magnifiquement décoré de petits nuages roses et le soleil jaune éclatant laissait petit à petit place à un croissant de lune. Quelques flocons de neige se déposaient sur le bout de mon nez et une légère brise rafraichissante caressait ma longue chevelure brune.

Nous marchions côte à côte dans une grande avenue remplie de mille et une boutiques. L'ambiance de Noël battait son plein, il y avait des guirlandes partout, et même les branches d'arbres étaient décorées de petites boules blanches qui clignotaient dans la nuit.

Nous venions de sortir du parc et ce fut très agréable. Nous n'avions pas énormément discuté mais la présence de l'un et de l'autre nous comblait mutuellement.
Axel brisa le silence :
- Du coup je vais t'emmener dans un café qui me tient vraiment à cœur.
- Avec plaisir, répondis-je doucement.

Il me bouscula légèrement en rigolant. Je passai alors ma main dans ses cheveux pour le décoiffer ; il l'a retira précipitamment en râlant :
- Nan mes cheveux !
- Une vrai fille celui là, gloussai-je.
- Tch.

Il m'attrapa par les cuisses et me déposa sur son épaule. Je poussai un léger cris de surprise. Il me demanda fier de sa connerie :
- Alors c'est qui la fillette ?
- Aller c'est bon repose moi ! Rigolai-je
- Mhhh laissez moi y réfléchir quelques instants belle demoiselle.

Je soufflai désespérée et agitai mes jambes dans le vide pour qu'il me repose.
Une fois debout face à lui je lui lançai le regard le plus méprisant que je pouvais faire.
- Hannah t'es pas crédible arrête...

J'essayai tant bien que mal de rester sérieuse mais sans aucun contrôle mes lèvres s'étirèrent légèrement.
Il attrapa l'une de mes joues satisfait.
-Eh tu vois tu souris, me chuchota-t-il.
- Idiot va.

Je lui donnais un léger coup sur l'épaule en faisant la moue.
- T'es toute belle. M'avoua-t-il en passant une main derrière sa nuque.

Je n'étais pas forcément très à l'aise, et je ne savais pas quoi répondre.
- Merci Axel, murmurai-je.

Mon instant bonheur s'arrêta brusquement lorsque mon regard se posa sur une jeune femme emmitouflé dans une couverture au bord d'un trottoir, juste à côté d'une boutique de vêtements. Elle avait le bras tendu, avec dans les mains, un petit bol bleu qu'elle secouait lassement vers les passants. Je restai bloquée là quelques secondes. Une main se posa sur ma tête et j'entendis Axel me demander :
- Tout va bien ?

Je ne répondis pas, restant fixée sur cette femme. La veille j'étais moi même assise sur les pavés froid de Paris à espérer pouvoir récolter quelques pièces.
Je me sentais terriblement mal de la voir, personne ne méritait cette situation : ne plus avoir de foyer, ne plus avoir de repère, se retrouver complètement seul face à cette vie malsaine. Continuer de s'accrocher à un espoir, une illusion, des souvenirs, des choses qui nous tiennent en vie, qui nous permettent de se dire que tout ira mieux le lendemain.
Mais au fur et à mesure c'est la détresse qui nous envahit, la haine et l'incompréhension. La plupart du temps on sombre sans même s'y attendre, sans pouvoir empêcher la vie de nous noyer au cœur du désespoir. Les plus forts relèvent la tête et s'acharnent ; les autres, comme moi, se lassent et se laisse plonger, sans plus aucune envie de continuer. Une main s'agitait devant mon visage et j'entendis une voix, distinguée comme un écho.
- Hannah ! Hannah putain qu'est ce qui te prend !

Je sentis une violente poigne sur mes deux épaule et quelqu'un me secoua. Cette action me fis penser à mon agression de la veille et je commençais à paniquer. Je me débattis en gesticulant mes bras dans tout les sens. Axel me serra fort dans ses bras pour que j'arrête de bouger et me calmer.
- Cale ta respiration sur la mienne.

Je sentis son torse se soulever et s'abaisser lentement.
Une fois calmée je me détachai de son étreinte et pris une grande inspiration pour relâcher la pression.
- Ne me refais plus jamais ça, me dit-il les yeux remplis de quiétude.

Il passa une main entre ses mèches brune pour enlever les quelques flocons rebelles qui s'étaient posés dans sa chevelure.
- Je pense qu'il serait plus judicieux qu'on rendre maintenant, me dit-il maussade.
- Excuse moi.

Je le regardai droit dans les yeux. Même si j'avais honte je voulais qu'il voit qu'il pouvait compter sur moi, que ce n'était pas parce que j'avais perdue une bataille que j'avais perdue la guerre. Je voulais qu'il voit que j'allais m'en sortir et qu'il ne serait pas déçu.

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