Ils l'appelaient Charlee

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Elle saisit le micro de ses deux mains, nerveusement, avec toute la timidité de celle qui pour la première fois, se met en danger. L'adrénaline montait rapidement. Elle entendit vaguement le batteur donnait ses dernières consignes. « Trois, quatre » prononça-t-il. Ses battements de coeur semblaient résonner plus fort encore que la musique débutant. Son souffle se faisait court et rapide. C'était son tour. Elle inspira, ferma les yeux et laissa sortir une voix que personne dans la salle n'avait soupçonné. Ca y est, elle se sentait libre.

Très vite, chacun stoppa toute activité pour se tourner vers la scène. En face d'eux, cette jeune fille, pas si grande, plutôt menue, les yeux fermés et les mains rythmants ses paroles. Et avant même qu'ils ne s'en soient rendu compte, tous retenaient leur souffle. Incapables de détacher leurs regards, comme complètement figés. Certains semblaient en pleine incompréhension, fronçants les sourcils et entrouvrants la bouche, d'autres, l'air ébahi, avaient l'air de s'être perdu, happé par cette inconnue. Ses gestes, ses expressions, ses yeux qui tout d'un coup s'ouvraient, empli d'une détermination et d'un plaisir immense non dissimulé, tout en elle suscitait à ce moment, une fascination sans limite. Elle même semblait se perdre dans sa musique, dans sa propre voix naviguant d'un naturel insolent entre force et douceur. Et parfois, elle souriait, subtilement, d'une façon qui lui était propre, et qui paraissait dire « je suis libre ». Et ce sourire en coin en hantera plus d'un à la fin de la soirée.

Elle n'avait pas conscience de son propre pouvoir et s'en était sans doute toute la beauté. Alors qu'elle s'abandonnait pleinement à cet univers qui était le sien, qu'elle ne pensait plus, qu'elle ne luttait plus, tous avaient déjà succombé à la fascination qu'elle suscitait. Elle avait l'air si loin, comme faisant partie d'un monde merveilleux auquel elle seule avait mérité d'y être. Elle explosait, se répandant dans toutes la salle, dans toutes les pensées, les désirs, les regards. Et les hommes, mon dieu les hommes n'avaient plus même conscience de l'existence de leurs femmes. En quelques instants ils étaient habités par ce désir, si douloureux et intense, de la posséder. De la voir chanter, danser, sourire, seulement pour eux-mêmes. Ils voulaient se lever et l'emmener loin, si loin que le regard des autres ne parviendrait à l'atteindre, seulement le leur le pourrait. Et pourtant, ils ne parvenaient à bouger, à peine à respirer. Elle appartenait pleinement à ce lointain si proche et ils le savaient. Inaccessible. Une seule question était surement toutes les lèvres, Qui diable était-elle ? 

Tumultueuses penséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant