Je marche derrière mon ombre. Je marche au devant des ténèbres.
Seule.
Je me traîne, j'ai mal. Je continuerais à avancer. J'ai le souffle rauque, les pieds douloureux. Je continuerais à avancer.
Seule.
Le vent me repousse en arrière, il veut m'arracher à mon but. Je continuerais à avancer. Mes organes souffrent de déshydratation, mes yeux se brûlent à regarder le Soleil. Je continuerais à avancer.
Seule.
Les ombres hurlent derrière moi, je ne peux les ignorer. Je continuerais à avancer. Elles m'agrippent les bras, les jambes, les cheveux, les mains. Je continuerais à avancer.
Je continuerais seule.
Sans mes ombres, sans l'autre. Je continuerais à avancer. Je veux me brûler en touchant le Soleil. Je refuse de refroidir dans les bras de la Lune. Je continuerais à avancer.
Je veux des étoiles dans les yeux.
Je veux la chaleur, le sourire.
Je veux avoir mal pour me rappeler être vivante.
Mes démons n'ont plus aucune emprise sur moi.
Je les entends crier, s'agripper lamentablement à mes bras, mes jambes, mes cheveux, mes mains, mon cœur.
Je les sens vouloir me tirer en arrière. Elles me hurlent " Tu ne trouveras rien là-bas. Nous sommes tes amis. Tu ne trouveras rien là-bas. Reste avec nous. Reste dans nos bras ! "
Mais elles ne m'auront pas.
Elles veulent tirer ma lame, m'amadouer par le sang. Je décroche mon fourreau et leur jette, en arrière, derrière mon pas. Avec le passé, ce qu'elles sont.
Je cherche mon avenir dans les brumes. J'abandonne mon monstre. J'abandonne ma peine. J'abandonne la solitude. J'abandonne les blessures. J'abandonne les ténèbres.
Mais elles aboient, ces cabots, cherchent à me mordre. Elles ont arraché leur laisse. Moi également.
Je suis libre. Je voudrais être un ange. Mais les anges se meurent au Soleil. Je suis encore sur le territoire de la Lune.
Elle veut m'avoir, me duper, avec son sourire maternel, ses grands bras froids que sont le vent. Son cœur n'est que pierre. Alors que celui du Soleil est éruption, joie, feu ardent.
Je veux me brûler au Soleil. Je refuse de me noyer dans les ombres.
J'oubliais une chose.
Je suis une ombre.
Noire, froide, gantée, invisible, encapuchonnée, cruelle, vaporeuse.
Je suis l'autre. L'autre est moi. Pour l'éternité.
Le souffle me manque, mes membres se raidissent. Je continuerais à avancer quand même. J'ai froid, mon œil se ternit. Je continuerais à avancer. Je continuerais à me battre.
Je vois la vie, face à moi. Des fourmis dont je tairais le bruit et brûlerais le foyer, si je prêtais oreille aux ombres qui me hurlent.
Mais le Soleil aurait sourit à ces fourmis. Alors je fis de même. Ils n'étaient qu'une étape, une barre supplémentaire gravie sur l'échelle.
Ces fourmis m'offrirent une lanterne.
Je me rendis compte qu'elle faisait fuir les ombres. Alors je la garda le plus clair de mon temps allumée, paniquai dés qu'elle mourrait.
Je ne veux plus être l'esclave des ombres, je suis devenue trop lucide.
Je veux marcher, ramper si il le faut, dans les rayons meurtriers du Soleil.
J'en ai assez de soupirer dans les bras froids de la Lune et ses ténèbres.Je continuerais à avancer.
Seule.
Mais j'étais aveuglée par mes envies, avais ignoré mon cœur. Or, ce dernier murmurait, péniblement, tentant vainement de se faire entendre par dessus les hurlements de ma dérision.
Il me soufflait " Ne cherche pas l'extrême, cherche ton bonheur, et cherche leur bonheur. Tu te trompes en t'acharnant à l'impossible, les ombres t'ont marqué au fer rouge. Tu ne peux pas atteindre la lumière en voulant y baigner, tu peux seulement la ressentir. "Alors je m'arrête, je respire, je refais le point. Refaire le point, chose que jamais je n'ai songé.
J'en tira la conclusion que vouloir me brûler de joie dans le Soleil était effectivement impossible. Je devais me contenter, apaisant ma cupidité, d'un de ses rayons dans mon cœur. Etre la lanterne des ténèbres, sourire dans la nuit, rire dans les ombres. Juste un rayon du Soleil me rendrait heureuse, où que je sois.
Inconsciemment, je chercha le passé, source de lumière que je fuyais.
Luttant, m'accrochant, je parvins à me remémorer quelques visages, quelques rires qui m'emplirent le cœur d'un joie sans nom, une euphorie séduisante et traîtresse.
Des amis, des bonnes personnes, des confidents, des camarades. Ils étaient tout cela à la fois.
Ils chasseraient mes ombres.
Nous chasserons les ombres.
Ensemble.
J'aurais une question pour toi, lecteur. Qui est-elle ? Comment la vois-tu ? Quel est son passé, son futur ?
Sur ce, j'ai hâte de voir ton imagination travailler...
Et peut-être que la plus fleurissante de vos interprétations deviendra la longue épopée de cette femme...
VOUS LISEZ
In Tenebris
Short Story" Un matin je me suis levée. Sans ami, sans famille, sans foyer, sans humanité. Puis le soir est arrivé. " Qui est cette femme ? Plongez dans la noirceur... Il ne faut pas craindre les ténèbres.