Chapitre 15

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Le vieil me voit approcher et tourne délibérément la tête. Je repense à mon attitude de toute l'heure et je sais que j'aurais réagit exactement de la même façon que lui. Je m'agenouille à côté du sdf sous son regard étonné. Je lui souris et lui tend les achats que j'ai fait pour lui. Il me regarde méfiant et je ne lui en veux pas.

- Je suis désolée pour tout à l'heure, commencé-je en lui tendant les boîtes de conserves. Je n'aurais pas du me montrer irrespecteuse envers vous.

- Ne t'inquiète pas dit-il de sa voix éraillée en posant une main sur ma jambe.

Il l'a retire aussitôt.

- Excuse-moi ! S'exclame-t-il précipitamment. Tu me fais penser à ma fille c'est pour ça.

Son geste ne m'a pas effrayée. Ça se voit que toutes ses actions sont dénuées de violence et de comportement louche.

- Ne vous inquiétez pas le rassuré-je, mais dites moi où sont votre fille et votre femme ?

Je le vois qui se crispe.

- Si ce n'est pas insdicret, rajouté-je précipitamment en m'asseyant en tailleur à côté de lui.

- Ne t'inquiète pas et surtout vouvoie moi s'il te plaît. Je m'appelle Éric.

- Camille dis-je en lui tendant la main.

Il me l'a serre doucement après s'être assuyé les mains sur son manteau. Je souris de la façon dont il se comporte. Il est vraiment très respectueux envers moi.

- Camille... Tu sais dans la vie on n'a pas tout ce qu'on veut. Je voulais une femme parfaite, j'ai eu quelqu'un qui me trompait, je voulais un mariage parfait, j'ai obtenu un divorce 10 mois plus tard, je voulais rester avec ma petite fille mais ma femme a obtenu sa garde. Elle a repris l'appartement que nous avions acheté ensemble et je me suis retrouvé dans une petite résidence. Je pensais que je pouvais tenir et ne pas m'effondrer mais j'ai commencé à boire et à arriver en retard à mon travail de livraison à domicile ça faisait ralentir toute l'entreprise et ça donnait une mauvaise image surtout. J'ai finalement été licencié. C'était le karma comme disent les jeunes.

Je souris. Il a un ton bouru mais il est super attachant.

- Quoi ? Fait-il en voyant mon sourire.

- Non, rien, continue.

Je regarde les gens passer tandis qu'il me raconte l'histoire de sa vie. Je me rends compte encore plus qu'avant que c'est dégradant d'être assis par terre et voir tout ces gens riches passer sans prendre la peine de lui donner une pièce. Est-ce que 2euros en moins va vous tuer, bordel !?

- Et toi ? Demande-t-il après son récit.

Je lui adresse un regard interrogateur.

- Pourquoi as-tu l'air triste ?

Je lui souris. Les personnes les plus pauvres sont sans doute les plus attentives aux autres.

- J'ai mis ma meilleure amie en colère. Moi aussi j'ai fait de grosses, grosses conneries.

- Tu vas pouvoir les résoudre ?

Je hausse les épaules et secoue la tête. Les larmes débordent.

- Ooooh mon enfant essuie-moi ça tout de suite et raconte peut-être que je pourrais donner des conseils ?

Je commence alors à lui parler de Mia, de Marc je n'omets rien à part mes parents car ce n'est pas un problème que je peux résoudre tout de suite. Parler de ça à un inconnu me fait du bien et me vide.

- Je vais moi aussi te raconter quelque chose qui va peut-être être bénéfique pour toi. Il y a quelques mois j'avais rencontré un vieux chat. Il venait souvent là avec moi. A chaque fois que j'ouvrais une boîte de nourriture, il accourait

Je l'écoute parler sans rien dire, les larmes dégoulinant sur mes joues. Je l'observe parler de son chat. Il l'évoque avec pleins d'étoiles dans les yeux.

- Tu sais comment je l'avais appelé ?

Je secoue négativement la tête.

- Le Dalleux, s'exclaffe-t-il.

Je souris.

- Parce qu'il mangeait tout le temps, il avait tout le temps faim. Je partageais toujours mes repas avec lui. Je l'attendais toujours. Et puis un jour, ne le voyant pas revenir, et comme j'avais trop faim, j'ai commencé à manger. Je me disais que ce n'était qu'un chat et que je pouvais manger sans lui. Il est arrivé après mon repas,m'a regardé et voyant que je n'avais rien à lui donner, il est reparti.

Je plisse les yeux ne voyant pas où il veux en venir.

- Ce fut le jour le plus horrible de ma vie. Je ne voyais plus le chat. Je ne savais si il était encore en vie, si il m'en voulait ou si il avait trouvé un foyer. Je me sentais énormément seul et bête. Le Dalleux était devenu un chasse-routine-chiante pour moi et ne plus le voir me faisait l'effet d'avoir perdu un membre de ma famille. J'ai attendu plusieurs semaines, quand je pouvais je me levais et essayais de le chercher. Je mettais de ma nouriture sur le sol et attendais dans l'espoir qu'il vienne.

Il se tait, semblant être pris dans ses souvenirs.

- Et le Dalleux ? Fais-je pour qu'il continue.

- Un jour que je faisais ma sieste, reprit-il, je fus réveillé par des miaulements. Le chat était revenu ! Depuis je n'ai pas arrêté de l'attendre pour manger même si je devais passer deux jours à jeun.

Son histoire me fait du bien. Elle est marrante et remplie de légèreté et de gentillesse.

- La morale de l'histoire est que même si quelqu'un ne veut plus te voir, si tu te fais pardonné en l'attendant, la personne reviendra vers toi !

J'eclate de rire. Éric est tellement chou à me faire reprendre espoir. Je suis contente de lui avoir parlé.

- Et le chat ? Demandé-je, qu' est-il devenu ?

Le vieil homme me regarde tristement.

- Il est mort quelques semaines plus tard dans mes bras. Il était très vieux.

- Pardon, fais-je attristée, je ne voulais pas te rappeler de mauvais souvenirs.

- Au contraire jeune fille ça m'a fait du bien de te raconter mon histoire. Ce qui m'attriste le plus c'est de ne plus pouvoir me lever et marcher pour voir et fleurir la tombe du Dalleux.

Je me lève rapidement et lui tends les mains.

- Eh bien allons-y ! Qu'est-ce qu'on attend ?!

Une si jolie petite fleurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant