10. Épilogue mélancolique d'une année de terminale - Souvenirs de Jarno

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Une végétation sèche et aride, un soleil toujours haut accompagné d'un ciel d'un bleu hypnotisant, la montagne visible de la plage et la plage visible de la montagne, cette charcuterie qui sentait le fromage et ce fromage qui sentait la charcuterie, le vent dans les cheveux, le bonheur... Kilian adorait la Corse. Depuis tout petit, il y allait tous les étés avec Martin et sa famille. Pour la première fois, il n'y avait pas d'adulte pour le contrôler. C'était encore mieux. Une bande de garçons bien décidés à enfin fêter la fin du lycée, entre mecs, pendant quinze jours, dans les hauteurs non loin du petit village de l'Ospedale, c'était ça la liberté.

« Kilian, je ne sais pas pourquoi tu écris tout ça par e-mail à ton frère en parlant de toi à la troisième personne alors qu'il t'a simplement demandé si la traversée en bateau s'était bien passée, mais j'te rappelle que je passe en terminale, moi. J'ai pas encore fini d'en chier... Et bande de garçons... la casse-couilles en moi s'émeut de cette généralisation ! »

« Ta gueule, Camille ! »

« Nan mais c'est surtout qu'Aaron a fini de cuir les merguez, et il m'a dit de te dire que si tu ne te bougeais pas rapidement, il filait ta part à Pata. Pata est d'accord, il attend sagement à côté du Barbecue. »

Refermant précipitamment son ordinateur, le blondinet sortit sur la terrasse se dégourdir les pattes et réclamer sa pitance. Cédric attendrait bien. De toute manière, il n'avait pas grand-chose à lui raconter. Le voyage en train jusqu'à Marseille avait été sans histoire. Là-bas, toute la troupe avait embarqué sur un ferry à destination de Porto-Vecchio. Personne ne manquait à l'appel. Martin, Aaron, Gabriel, Cléo, Camille, Justin – qui avait passé en prime quelques jours à Lyon avant cela –, Jarno, les chiens et bien entendu sa blondeur Kilian premier, roi des mers du sud et du puissance quatre. Pour s'occuper pendant la traversée, il avait glissé la boite de son enfance dans son sac et avait défié chacun de ses camarades. Il avait gagné plus de la moitié des parties, quand même, avant de se lasser et de retourner à ses jeux vidéo.

Arrivés sur place, les vacanciers avaient été récupéré par Doume et son pick-up. Dominique, pour les touristes, était un local qui s'entendait bien avec les parents de Martin. Il possédait la maison louée pour quinze jours ainsi que celle juste à côté où il vivait lui-même.

Les adolescents avaient eu bien du mal à réunir leur petit budget. Transport et bouffe comprise, il avait fallu trouver plusieurs milliers d'euros, heureusement partagés en huit. Le logement possédait deux chambres avec lit doubles – squattées par les deux couples –, une chambre simple avec deux lits et un canapé convertible où finirent Justin et Gabriel. Les chiens dormaient dans la cuisine. À quinze minutes en voiture des plages et à dix des balades en montagne, c'était le plan idéal pour des continentaux véhiculés. Ce qui n'était malheureusement pas le cas de la petite troupe. Heureusement, Doumé faisait à loisir office de chauffeur. Lui, de toute manière, à part s'occuper de ses trois vaches et gérer ses petites locations, il n'avait pas grand-chose à faire. Passer un peu de temps avec les jeunes ne lui déplaisait pas du tout, au contraire, ça l'occupait.

Les activités étaient fixées le matin par un vote à la majorité. Ceux qui désapprouvaient pouvaient rester toute la journée à la maison. Pour eux, il y avait une piscine en plastique au fond du jardin. L'altitude n'aidant pas, l'eau y était plus fraiche qu'en bas, ce qui faisait tout de même au moins un heureux qui y piquait une tête tous les matins.

Parfois, quand il prenait le temps le soir, Aaron écrivait. Il voulait terminer la nouvelle dont l'idée avait germée lors de l'anniversaire de son petit ami. Jarno lui emboitait souvent le pas. Son éditeur lui avait commandé un nouveau tome de sa saga. La déception d'avoir raté Sciences Po avait été rapidement évacuée. Revanchard, il était déterminé à prouver sa valeur et faire une bonne licence dans le coin avec sa copine, avant de retenter sa chance pour une admission en master. Pour les autres aussi, les heures du crépuscule, avant le diner, étaient souvent consacrées à des activités personnelles. Cléo et Camille faisaient ensemble à manger. Martin jouait à sa console. Gabriel peignait le paysage avec Justin comme apprenti. Décidé à développer un peu son style, le chaton lui posait plein de questions. Après tout, son propre look était déjà un art en lui-même, preuve qu'il avait la fibre en lui. Gabriel l'avait bien vu et avait très rapidement fini par craquer et par se prendre d'affection pour ce charmant petit animal aux cheveux colorés, aux gestes doux et à l'apparence fine et épurée. Il était un parfait disciple autant qu'un modèle très intéressant, surtout quand il chahutait avec les chiens ou leur faisait des câlins. Justin accepta à loisir de poser, à condition qu'on ne lui demande pas de se promener dans les mêmes tenues que Kilian. Il était même prêt à continuer de temps en temps à la rentrée, si cela pouvait rendre service, puisqu'ils allaient étudier dans la même ville. L'artiste avait brillamment était accepté aux beaux-arts et, comme prévu, le petit félin avait connu un beau succès à l'oral de Sciences Po, tout comme Aaron. Le plus dur avait été de dire au revoir à sa copine qui restait en Suisse, même si cette dernière lui avait promis de toujours être là pour lui et d'accourir dès qu'il réclamerait un peu d'affection féminine et maternelle.

Les chroniques mélancoliques d'une année de terminaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant