J'avais 18 ans à peine quand j'ai commencé a vivre cette vie, cette vie qui m'a ruinée. J'avais 18 ans et j'me croyais capable de tout surmonter, j'pensais que les épreuves de la vie n'étaient pas assez puissantes pour me démonter. J'étais persuadé d'être le meilleur de tous, plus fort que les autres, plus malin, plus intelligent, bref l'indétrônable. J'y croyais dur comme fer. J'y croyais et plus que ça, je faisais tout pour le prouver.J'étais froid, fort, fier. Personne n'avait vu une once de sentiment dans mes yeux. Je me persuadais que rien ne pouvait me toucher, me blesser, ni même m'attendrir. Et à force de faire semblant, je l'étais réellement devenu. Tout ce que je voulais, c'était m'éloigner de toute cette méchanceté humaine, dont j'étais moi-même le reflet.
Je vivais ma vie, en pensant que jamais la vie ne me rattraperait. Allez savoir pourquoi j'me sentais si invincible. Mais j'étais si vide, que j'pensais vraiment être intouchable. Parce que j'avais sûrement l'impression de ne pas avoir réellement de cœur, du moins, un cœur en bon état de marche. J'avais un cœur oui, quelque chose battait sous ma poitrine, mais le mien ne tenait pas la route : il était mauvais, me poussait sans cesse à faire du mal, à faire des conneries. A croire que la petite voix de gauche s'en était emparée.
C'est difficile à expliquer, mais j'avais l'impression d'être un simple corps vide. Quand j'étais plus jeune, vers l'adolescence, à l'époque où tout le monde part en vrille, à l'époque où certains décident de tout plaquer dans leurs vies pour faire n'importe quoi, j'ai décidé de léguer mon âme et mon cœur à ma mère. Ils me causeraient beaucoup moins de soucis s'ils étaient entre les mains de celle qui m'a donné la vie.
Ma mère m'avait appelé Djelil en pensant que j'serais comme mon oncle : heureux, avenant et au service des autres. Quelqu'un qui a la soif de vivre, qui aime "aimer". Mais c'est malheureusement tout l'inverse qui s'est produit.
Ça a été la plus grande question de toute ma vie, pourquoi mon cœur était en miette, alors que jamais personne ne me l'avait brisé ? Pourquoi j'étais si malheureux ? Pourquoi j'étais comme ça, hein ? Pourquoi j'avais si mal ?
Je n'avais jamais donné mon cœur à une autre femme que ma mère mais j'suis sûr et certain qu'ELLE aurait pu en prendre soin. Moi, j'étais trop flippé pour lui donner.Avec du recul, j'suis sûr à 1000% que Laura m'aurait aimé comme jamais on n'aurait pu le faire, elle m'aurait rempli d'amour et jamais elle ne m'aurait abandonné. J'm'en rends compte aujourd'hui.
Laura, c'était la seule femme en qui j'aurais pu avoir confiance, la seule qui m'a toujours soutenu. Elle se serait mis le monde à dos si je lui avais demandé. J'ai voulu la rendre heureuse, mais c'était trop fort pour moi. Je veux dire que ... c'était trop fort comme sentiment, elle ressentait trop de chose pour moi, c'était trop pour que je puisse m'en sortir un jour. J'crois que j'étais effrayé par l'idée d'être aimé, par l'idée qu'un jour, quelqu'un ferait battre mon coeur pour le sien.
Et puis ils ont tous fini en larmes : ceux qui sont tombés amoureux. Aucune larme n'avait jamais coulé sur mes joues, aucune douleur d'amour ne m'avait encore broyé la poitrine, il était hors de question que ça puisse arriver. J'voulais pas que quelqu'un me ramasse à la petite cuillère. Les blessures d'amour, c'était pas mon truc. Alors j'suis passé à côté d'elle, sans vraiment savoir pourquoi. Juste pour être encore plus fort que les autres, réussir là où ils ont échoué, c'est con, je sais.
Mais j'étais comme ça : têtu. Quand j'avais pris une décision je m'y tenais, même si ça n'avait aucun sens. Et j'suis sûr que là où elle est aujourd'hui, elle pense encore à moi. Peut-être même que je l'espère, quelque part au fond de moi. J'reçois des appels en inconnu quelques fois, tard dans la nuit et j'me persuade que c'est elle, qu'elle fait ça pour entendre ma voix, pour savoir si je vais bien, pour ne pas oublier mes mots, ma façon de parler. Au bout de quelques petites secondes, elle raccroche, rassurée. J'pensais vraiment qu'elle serait prête à tout pardonner, mais j'me suis planté.
Enfin bref, si j'devais vous parler de moi, je commencerais par dire que je refuse d'être heureux. Je considère qu'il n'existe pas de bien sans mal. Alors j'me protège au mieux, peut-être même que j'suis en train de gâcher ma vie en agissant comme ça, mais peu m'importe. Je préfère me détruire moi-même que laisser quelqu'un me détruire.
Pourtant, j'pense que l'amour existe, mais qu'il est rarement réciproque. J'pense que ceux qui sont fait pour être ensemble se tournent autour toute leurs vies et que, par peur de finir seuls, ils choisissent la mauvaise personne. Et quand bien même ce serait réciproque, l'un aime toujours plus que l'autre et moi, j'trouve ça triste..
Et c'est toujours celui qui aime le plus fort, qui perd la partie. Ça, c'est mon deuxième problème : je prends la vie un peu trop comme un jeu, sans savoir qu'un jour, elle m'emportera et que je perdrai le contrôle.
Je finirais par dire que j'suis pas éternel mais que je vis tout comme, c'est dingue, parce que j'm'en rends compte en plus... mais c'est pas pour autant que j'prends conscience que la vie défile à une vitesse folle. Ça, j'l'ai su quand les problèmes m'ont rattrapés, quand ils m'ont ravagé le cerveau, quand ils ont eu un impact sur ma santé, quand j'ai failli tout arrêter...
Enfin voilà, si j'devais parler de ma vie, je conclurais en disant que j'me suis perdu, depuis tout jeune, que ça fait longtemps que j'sais plus vraiment qui je suis, ce que je veux, ce que j'aime. J'pense même qu'en grandissant, ça s'empire, j'crois que j'suis pas prêt de me retrouver, j'suis pas prêt non plus de trouver quelqu'un qui me guide, quelqu'un qui me montre le chemin à suivre. Et j'crois que ça ne me rend pas si malheureux que ça, alors finalement, pourquoi s'en faire ?
J'crois ceci, j'crois cela, mais j'suis sûr de rien, j'étais juste sûr de Laura mais j'lui ai jamais tendu la main ..

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Djelil, l'Amour aux deux visages
RomanceDjelil a décidé de ne jamais donner son coeur à une femme ; par peur qu'un jour, elle finisse par le briser. Il s'est donc construit tout un empire intérieur, difficile d'accès. Il vit au jour le jour et rien ne semble pouvoir l'arrêter, rien sauf l...