CE QU'ENFANCE NE VEUT PAS DIRE

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C'est soudain. C'est si surprenant et pourtant si familier qu'elle sursaute à peine. La voix

de Warren, c'est sa voix qui dit doucement :

— J'ai vu les fenêtres ouvertes, je me suis arrêté. Elles étaient closes depuis si longtemps !

Je regarde toujours cette maison, ta maison, quand je suis dans le Faubourg. Surtout depuis la

mort du Vieux.

— Warren, Warren, oh, mon Dieu ! ... Comment est-ce possible ? À peine je rentre dans

cette maison, à peine tu apparais ? Oh ! je suis tellement désolée !

— De quoi ? De me voir, tu es désolée ?

— Oh, non ! Pour tout le reste, mon absence, mon silence... J'ai pensé si fort à toi ! C'est

comme si je t'avais fait surgir d'une boîte magique !

— Oui, j'étais dans la boîte du passé, et il semble bien que tu sois revenue pour l'ouvrir.

— Tu as pensé à mon retour ? Je veux dire... tu as pensé que j'allais revenir maintenant ?

Avec la mort du père et cette maison vide ?

— J'y ai pensé. Mais j'avais tellement espéré ça pendant tant d'années... Je n'osais plus y

croire.

— Ça n'aurait pas dû se passer comme ça...

— Quoi ? Ton retour ?

— Non, mon départ. Oh, je suis tellement désolée, je ne crois pas que tu puisses me

pardonner !

— Te pardonner ? Mais je ne t'en ai jamais voulu, jamais ! Comment aurais-je pu ? Après

tout ce qu'il s'est passé ?

— Eh bien, mon silence...

— Non, j'ai compris, je n'ai pas admis, mais j'ai compris, je t'assure.

— Tu n'as pas changé... pas changé... comment ai-je pu me passer de toi ?

— Oui, comment ?

— Regarde cette maison, regarde tout ce qu'il y a à faire ici ! Je sens que ma colère n'est

pas morte, elle couvait alors que je la croyais éteinte. Comment je vais faire avec cette haine

qui me brûle à nouveau, comme si le temps n'avait rien guéri ?

Elle s'est approchée de lui en parlant et reste à présent là, sans bouger. Il hésite, puis la

prend dans ses bras et la serre doucement, comme s'il avait peur de la casser ou qu'elle

s'évapore. Elle s'abandonne à son étreinte. La lumière du soleil s'engouffre dans la maison et

illumine la poussière confinée. Il se demande s'il ne rêve pas. Un doux bonheur l'envahit

pourtant. Clara contre lui, Clara revenue, Clara là.

— Tu tombes à pic, dit-elle doucement. Je perdais pied, toute seule, avec ces fantômes...

c'est trop, tout ça, trop...

— Tu veux dire le retour dans cette maison, les souvenirs ?

— Et ce grand écart que je dois faire entre ma vie actuelle et l'ancienne.

ROUGE COMME LA HAINEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant