Prologue :

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Assis sur cette chaise beaucoup trop dure pour être confortable, je regarde les minutes, qui me mèneront à la fin de mon calvaire, défilées sur l'horloge accrochée au-dessus de la porte. Je tape le tempo avec mon stylo, au même rythme que les secondes qui avancent à pas de tortue. Mon meilleur ami, qui est assis juste devant de moi, grogne de mécontentement pour essayer de me faire comprendre que je dois arrêter et que je lui tombe sur les nerfs, mais ce n'est certainement pas lui qui réussira à m'arrêter. J'en ai marre d'être assis dans cette classe chaque jour. Écouter madame Tremblay nous parler de l'histoire du Québec me gonfle énormément.

- Monsieur Malik, pourriez-vous, je vous prie, me répéter ce que je viens de dire ?

- Aucunement madame.

- Vous devriez peut-être écouter un peu plus durant les cours si vous voulez augmenter votre moyenne jeune homme.

- Qui a dit que c'est ce que je voulais ? Je lui réponds sèchement.

Elle lève les yeux au ciel, sachant pertinemment qu'elle n'aura jamais le dernier mot avec moi. C'est la même histoire avec tous les profs d'ailleurs, sauf peut-être celui de mathématique puisque je suis très fort en maths. Plus personne n'a l'espoir de me voir repartir d'ici avec mon diplôme, et personnellement, c'est bien le dernier de mes soucis. Ce n'est pas comme si j'avais besoin de ce diplôme de toute façon. Si ce n'était pas de ma mère, je ne perdrais même pas mon temps à venir en cours, mais ma mère y tient, et ce que ma mère veut, j'exécute. J'aime ma mère, et je suis prêts à tout pour elle, même lui décrocher la lune si elle me le demandait.

C'est justement pour elle que j'ai commencé à faire des petites magouilles le soir après les cours. Bien sûr, elle n'en sait rien, et croit que je me suis trouvé un petit job dans un café où je travaille le soir pour rapporter un peu d'argent à la maison. Ma famille est très atypique. Un père qui a foutu le camp après avoir fait trois gosses à sa femme, une mère qui s'est retrouvée seule pour nous élever mes soeurs et moi, sans autre moyen financier qu'un petit boulot dans une librairie qui ne paye pas des masses. Elle prend le plus d'heures que sa patronne peut lui offrir, mais ce n'est pas suffisant pour nous élever tous les trois. Elle fait de son mieux malgré tout. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai vu ma mère ne pas dîner le soir pour pouvoir nous nourrir. Quand j'ai découvert son petit manège, j'ai commencé à en faire de même pour qu'elle puisse manger aussi. Je rentrais plus tard en lui disant que j'avais déjà mangé chez mon meilleur ami, ou je disais simplement que j'avais un peu mal au ventre et qu'il ne valait mieux pas que je mange ce soir. Mon petit manège a duré plus ou moins trois semaines avant qu'elle ne comprenne ce que je faisais. Je me rappelle alors son expression lorsque je lui ai dit avoir diné chez Louis et que mon ventre a décidé de me trahir en se mettant à gargouiller. Elle aurait très bien pu me punir à ce moment, mais à la place, les larmes sont montées dans ces yeux et elle m'a serré très fort dans ces bras en me faisant promettre de ne plus jamais refaire ça, que j'avais besoin de bien me nourrir pour devenir un beau et grand jeune homme. C'est à ce moment que j'ai compris que je devais faire quelque chose pour l'aider.

J'ai d'abord essayé de trouver un petit boulot, mais un étudiant libre que deux ou trois soirs par semaine, ça ne paye pas des masses, et je n'arrivais pas à rapporter assez pour aider ma famille. C'est à ce moment que j'ai rencontré Christopher, alors que j'étais au plus bas, complètement désespéré.

La sonnerie de fin de cours me sort de mes pensées, et je range rapidement le peu d'effet personnel que j'ai sorti de mon sac au début de l'heure.

Butterfly Effect || Tome 1 || LarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant