rainbow in red

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Écouteurs dans les oreilles, Maëlle parlait au téléphone avec Milo. C'était leur quotidien depuis plusieurs mois déjà. Elle souriait un peu, mais moins que quand il était là. Alors pendant qu'ils s'appelaient, pendant qu'elle marchait dans la rue et pendant qu'il regardait le plafond au-dessus de son lit, ils s'imaginaient le visage de l'autre. C'est ça qui arrivait à les faire sourire.

Pour la millième fois depuis cette fin de juillet, Maëlle repensait à la façon dont Milo était parti en coup de vent, emmené par ses parents à l'autre bout du pays. Elle avait reçu un message juste avant qu'il décolle pour Bordeaux, impossible de lui dire au revoir une dernière fois. Maëlle en voulait à Milo. Milo s'en voulait mais il n'avait pas choisi.

S'il avait pu, Milo serait resté aux côtés de Maëlle. Mais à seize ans, on a beau se croire grand, on est encore un enfant et les parents font encore des choix sans que tu n'ais ton mot à dire. Et du haut de ses seize ans, Milo a subit, s'est tu et s'est laissé emporter dans un futur incertain. Un futur qu'il voyait avec les lèvres de Maëlle sur les siennes, avec ses potes en train de le traîner dans un caddie du Carrefour Market du coin, avec sa chambre tapissée d'étoiles fluorescentes au plafond.

Ce futur n'est plus qu'un espoir pour lui. Et aussi pour Maëlle qui pensait finir le lycée avec Milo.

Et Maëlle, à l'autre bout du fil, faisait semblant de s'intéresser à la nouvelle vie de son petit copain. En réalité, elle avait peur qu'il oublie tout ce qu'il avait vécu avec elle et ses amis. Et plaçait des ''Ça a l'air super !'' par ci, par là. Plus les minutes de discussion s'écoulaient, plus, l'un comme l'autre, avaient l'impression de s'éloigner de la personne dont ils étaient si proches auparavant.

Et pourtant, ils étaient réellement heureux de se parler régulièrement : ils avaient l'espoir que le déménagement de Milo n'avait pas tout gâché, qu'ils n'avaient pas traversé un an de relation pour tout lâcher d'un coup. Mais c'était dur moralement pour les deux amoureux. Ils voulaient tenir pour de vrai.

Chacun se remémora des souvenirs de quand ils pouvaient se toucher. C'est comme s'ils avaient des regrets, le regret de ne pas s'être assez dit « Je t'aime » sincèrement, le regret d'avoir sacrifié un moment intime pour rejoindre leurs amis, le regret d'avoir été trop pudiques pour passer le pas.

Milo et Maëlle s'aimaient et se désiraient mais ils savaient tous les deux en entendant la voix de l'autre au téléphone que ce déménagement n'était pas une bonne idée. Ils le savaient mais tentaient quand même, tant pis s'ils se rataient. Tant pis si tout ça c'était du temps perdu. Tant pis s'ils pouvaient trouver l'amour ailleurs, l'espoir était trop fort.

Milo se souvenait de Maëlle et ses écouteurs. Il aimait la regarder balancer sa tête au rythme de la musique, emportant quelques mèches brunes dans son headbang discret. Et savoir qu'elle les portait au moment de cet appel raviva ce souvenir et le réjouit. Maëlle se souvenait des étoiles fluo dans le noir que Milo avait collées à son plafond. Et savoir qu'elle n'étaient plus dans sa nouvelle chambre l'attrista.

Maëlle était le premier amour de Milo. Pour Maëlle, Milo était comme son premier parce qu'elle préfèrait ne pas penser aux quelques cons qui avaient joué avec ses sentiments. Et même si leur présence physique leur manquait, les deux adolescents se plaisaient toujours par téléphone. Ils continuaient à se découvrir et ils trouvaient ça vachement beau.

- Maëlle ? T'es toujours avec moi ou tu viens de croiser un beau gosse dans la rue ?

- Tu déconnes, tu sais bien qu'ici ya soit des vieux qui vont faire les courses en claquettes chaussettes ou des kékés shootés au cocktail vodka-jus d'orange. De quel beau gosse tu veux parler ?

- Du coup tu t'es rabattue sur le seul gars potable du coin.

Sans que Milo puisse le voir, Maëlle esquissa un sourire qui accentua ses paumettes. Maëlle avait toujours trouvé Milo mignon et son ton restait léger et positif. Milo c'était un peu le type de garçon dont on tombe amoureux une nuit de printemps, dans un champ sous la voûte céleste. Milo allait parfaitement avec ce paysage de rêve. Il avait un truc qui faisait qu'on avait envie de sourire en le voyant. Milo c'était un prénom qui inspirait les après-midi d'été.

Pendant deux minutes, Maëlle ne put placer un seul mot. Le petit frère de son copain braillait et piquait encore une crise. C'était le quotidien de Milo et à vrai dire, il en avait plus qu'assez. Il le disait souvent à ses parents mais ils étaient trop occupés par leur boulot. Milo posa son téléphone sur sa couette et partit calmer son petit frère, laissant Maëlle dans un silence agréable. Elle enleva un écouteur et prit un peu de temps pour sentir le vent caresser doucement son visage. Le soleil commençait à décliner et elle n'était toujours pas rentrée chez elle, préférant traîner dehors, sans but.

Maëlle aimait bien son chez soi mais parfois, elle étouffait et avait besoin d'air pendant plusieurs heures. Durant ces moments, elle en profitait toujours pour appeler Milo pour limiter un maximum de lui parler pendant que sa famille entière écoutait derrière sa porte.

Sa famille se composait en réalité que d'un père. La mère étant partie avec l'enfant qu'elle portait en son sein.
Mais son père comblait tout le vide qu'une mère morte pouvait creuser. Maëlle ne l'avait que très peu connu alors elle ne lui manquait pas. Elle s'était un jour dit que quand même, elle était morte pour un gosse chiant qui chialerait à longueur de temps et qui en plus de ça, n'avait même pas survécu.

- Maëlle, désolé pour l'attente. Ma mère veut que je prépare le dîner, tu sais à quel point mes parents sont doués dans le domaine de la cuisine. Incapables de réchauffer des pâtes sans cramer tout l'appart'.

- On se souvient de l'épisode où ta mère a mis le poulet au four micro-onde en pensant que c'était le four...

Maëlle entendit le rire discret de Milo qu'elle aimait tant avant qu'il ne crit à sa mère qu'il arrivait bientôt. Ils raccrochèrent, quelque peu déçus de cette discution qui n'avait duré qu'une demie heure.

Tandis qu'elle glissait la clé dans la serrure, Maëlle vit son père endormi sur le canapé. En y pensant, sa maison était bien calme par rapport à l'appartement de Milo où résonnaient sans cesse des cris ou des pleurs. Elle préférait cet aspect apaisant de sa vie, c'était bien plus vivable qu'un endroit où il n'y a pas un moment tranquille.

La vie adolescente de Maëlle n'était pas triste, elle était juste compliquée et pleine de regrets. Seulement, Milo en était un et une pensée la hantait chaque jour depuis des mois et elle n'osait rien dire.


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Premier chapitre d'une histoire de 8 chaps! Je crois que pour l'instant, c'est l'oeuvre dont je suis la plus fière au niveau de la beauté de mon écriture parce que les autres franchement, pas ouf. Voilà voilà, pas dingue comme mot de départ mais tant pis, jsuis pas très douée avec les mots. Je précise que c'est une histoire complètement fictive, contrairement à d'autres où je m'inspire de mon environnement.

Au plaisir d'écrire,
_imaginarium

rainbow in greyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant