Chapitre 1

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Le pare-brise

Je marche. Ça va bientôt faire une demi-heure, mon sac de cours sur le dos. Je trouve ça fou comme marcher est un moyen de réfléchir. De toute façon il n'y a pas grand chose d'autre à faire. Simplement placer un pied devant l'autre encore et encore. J'ai beaucoup de mal à me figurer que des gens marchent pour le plaisir. Dans mon cas c'est une nécessité. Tout les matins et tout les soirs, une demi-heure de marche. Parfois on me prends en stop. J'ai toujours peur du stop et de sur qui on peut tomber. On est pas à l'abri d'une très mauvaise rencontre.

Bref je continue de marcher et enfin, me voilà dans ma rue. Heureusement car mon sac semble peser mille fois plus lourd. Je traverse la route devant une voiture qui me laisse passer. Enfin c'est ce que je croyais, car au lieu de s'arrêter, elle me fonce dessus, en accélérant. Je n'ai pas le temps de m'écarter. Le choc est inévitable. Je m'écroule, les jambes fauchées. Ma tête heurte le bas du pare-brise de la voiture, mon corps retombe lourdement, devant le pare-chocs. La voiture se déporte et freine à mon niveau, côté passager, dans un crissement de pneu. La portière conducteur s'ouvre puis se referme. J'entends une respiration calme qui se rapproche.

La douleur à ma tête est insoutenable, mon corps entier hurle. Ma jambe gauche est totalement inerte et me fais atrocement souffrir. Un liquide chaud s'écoule le long de mon cou et dans mes yeux. D'ailleurs mes lunettes ne sont plus sur mon nez. Normal puisqu'une voiture vient de me rentrer dedans. Malgré cette atroce souffrance un éclair de lucidité me pétrifie. La voiture n'a ni ralentit ni déviée de sa trajectoire alors que j'étais au milieu de la rue. Au contraire elle a accélérée. Le conducteur m'a volontairement renversé. Ce n'est pas un accident. Je suis une proie... et cette voiture mon chasseur.

Je n'ai nul part où aller. Avec ma jambe impossible de m'enfuir en courant. Les seules choses à faire sont temporiser et improviser. Il n'y a rien à proximité et évidement, la rue est déserte. Ma seule option directe reste la voiture. Sauf que je ne vois pas quoi y faire. A part monter dedans et faciliter la tâche de mon agresseur... Soudain je remarque que la voiture est vraiment surélevée par rapport à la route. Je pourrais me glisser dessous et... De toute façon je n'ai pas d'autres options. Alors je retire mon sac, réveillant la douleur partout dans mon corps et je me traîne sur le béton chaud. Avec de très grandes difficultés, je me glisse, sous la voiture dos à la route (on ne s'imagine pas comme c'est étroit ! ). Le son des pas, lents et lourds se rapprochent inexorablement. J'oberserve les abords de mon refuge et malgré ma vision rougie par le sang, vois une paire de rangers noires s'arrêter au niveau de mes pieds. Je m'empresse de reculer vers l'arrière du véhicule. De larges mains se tendent, se posent sur le bitume. L'homme s'agenouille. À la seconde où je verrais sa tête je lui enverrais mon pied droit en pleine face. Alors que je prends cette décision une voix grave retentie, un seul mot est prononcé mais pourtant, il m'envahit d'une terreur froide, telle que je n'en avais jamais ressentie :

- Diego ?

A l'appel de mon prénom, mes membres se figent. Je ne m'étais pas trompé. C'est une attaque ciblée et j'en suis la cible. Tout était planifié, je ne suis pas au mauvais endroit, au mauvais moment. Soudain je vois le visage de l'homme, l'oreille frôlant le bitume, et lui balance mon pied droit aussi fort que possible. Alors qu'il rentre en contact avec son nez, j'entends un craquement sinistre qui me fais frissonner. Moi 1 point, lui 0.

Malgré cette petite victoire je sais que ce n'est que partie remise. Bientôt il reviendra à l'attaque et je ne pourais rien faire. Soudain je me remémore une émission que j'avais vue. Comme quoi, ces heures passées devant la télé pouvaient être utiles. Dans l'émission, une femme avait saboté le dessous de la voiture de son mari. Le pauvre bougre avait fini dans un ravin. Hors je me trouve sous une voiture. Alors je me mets à tirer sur tout ce qui me viens sous la main. C'est à dire pas grand chose, excepté de la ferraille. Après quelques efforts je réussis à mettre à l'air libre un câble qui lie les deux roues arrières. Je ne m'y connais pas en mécanique mais j'ai bien l'impression que c'est le câble de frein. Alors je tire dessus de toutes mes forces. Ma tête me lance et je fais une pause.

Un grognement me parvient étouffé et soudain une main s'abat sur ma jambe droite. Un ricanement triomphal s'élève. Je suis tiré avec une force incroyable vers l'homme. Je m'aggripe au câble, tel une huître à son rocher. Je sens un léger relâchement de sa tension. J'en conclus que j'ai réussi à endommager quelque chose et ça me suffit amplement. De toute façon, je n'ai pas trop le choix de lâcher car il vient de mettre son autre main sur ma jambe gauche. Un éclair de douleur me fais hurler. Je délaisse le câble et me laisse traîner jusqu'à l'homme.
Comme je m'en doutais j'ai réussi à lui péter le nez, il saigne abondamment, tachant son pull noir. Son visage large est totalement dénué d'expressions. Ses yeux froids me fixent, m'évaluent. Il se demande sûrement si je vais continuer à résister. Je baisse la tête en signe de reddition. Alors il me soulève, tel un pantin désarticulé. La douleur décuple. Je halète. Une seringue s'enfonce au plus profond de mon cou et mes pensées s'échappent. Je sombre dans le noir.

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