II. Nishiki Nishio

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- Vingt trois ans ?! Tu ne les fais pas...!, s'exclama Ken. 

Saki haussa des épaules. 

- J'ai raté plusieurs années d'études, vu qu'on était scolarisés à la maison. Puis je devais m'occuper de mon petit frère, aussi. 

- Oh, je vois...  

Ils sortirent de l'amphithéâtre tout en discutant.

Ken évoqua la littérature, son petit boulot à l'Antique et Hideyoshi.

- Hideyoshi Nagachika ?
- Oui, tu vois qui c'est ?

L'image d'un joli garçon aux mèches décolorée lui revint à l'esprit.

- Je le connais, oui, il est dans la Commission.
- Ah c'est vrai qu'il y est...j'avais oublié !

Ken était plutôt quelqu'un de sympathique. Peut être pas si jovial et bruyant que Hideyoshi mais très gentil.

Ils se dirigèrent vers la cafétéria en face du bâtiment des sciences. Et tout naturellement, ils s'assirent face à face. Elle, Saki, ne connaissait personne de toute façon. Et Ken, qui, quand il ne restait pas avec Hide, préférait rester seul, l'accueillait à bras ouverts.

- En parlant de lui...Il est pas là ? Il devait ramener une cassette pour le festival d'après demain., se rappela Saki.
- Non..., il secoua la tête, Hide s'est blessé lors d'un accident de voiture.
- Quoi ?! Comment ça ? Il va bien ?
- Oui oui, il va mieux. Il sera de retour après demain. Il avait une commotion et quelques égratignures.

Ken sortit un peu de monnaie de sa poche.

- Mais comment ça s'est passé ? Il te l'a dit ?

Ken se gratta la nuque, embarrassé.

- Tu sais j'étais avec lui lors de l'accident. Nous étions tr-quatre. Avec Nishiki Nishio et le chauffeur.

Le coeur de Saki fit un bond.

Elle était blême.

- Tu... Quoi, tu le connais ?

Nishiki Nishio. Un peu, qu'elle le connaissait.

Elle savait ce qu'il était. Elle l'avait côtoyé dans le 10ème d'où il était originaire. Pendant un an et demi, certes. Peut-être est-ce bien court par rapport aux relations amicales que l'on entretient d'ordinaire.

Nishiki.

Un sale gamin à qui elle avait fini par s'attacher.

Cela devait bien faire sept ans qu'elle ne l'avait plus vu. Mais son nom raviva quelques souvenirs dans sa mémoire.

Une canette de café partagé sur un banc, assis en tailleur. Leur apprentissage commun de l'absorption de nourriture humaine. Et ses lunettes qu'elle avait cassé un jour en s'entrainant.

On se faisait si peu d'amis, en étant goule. Pour éviter de souffrir de la perte, pensait-elle.

- Il va bien ?

Ken répondit dans un mélange de gêne et se voulant rassurant. Il venait seulement de comprendre, au ton de Saki, qu'il était quelqu'un qu'elle appréciait.

- Je...Je ne sais pas...Désolé...

Saki sentit une inquiétude et un peu de culpabilité l'envahir. Elle se disait qu'elle s'en faisait peut-être un peu trop. Un accident d'humains n'arriverait pas à bout de ce garçon. 

Dans son monde à elle, elle ne cherchait pas à savoir comment allaient les autres. Pour éviter le danger si l'un des deux se faisait attraper, mais pas uniquement. Elle évitait surtout de côtoyer un autre des siens car elle ne voulait pas avoir mal si il mourait. Il était presque "normal" de mourir jeune en étant goule.

- Je ne connais pas bien Nishiki. Mais en revanche, je sais où sa copine et lui habitent... On pourrait leur rendre visite, si tu veux.., proposa Ken.

- Oh...oui. Oui, merci beaucoup...

Pendant quelques minutes, les éléments s'assemblaient dans ses pensées. Savoir Nishiki dans son campus était assez troublant. Y'avait t-il d'autres goules dans Kamii ?

- Je... Désolé d'avoir annoncé ça comme ça. J'ai manqué de tact.
- Tu pouvais pas savoir.

Saki se redressa.

Ken éprouvait un certain malaise.

Il parlait de trop. Se dire cela aussi, lui conférait sentiment étrange. D'habitude, il était si taciturne, mais cette fille, qu'il, il fallait se le dire, ne connaissait pas une heure auparavant, avait ouvert cette partie de lui enjouée et dynamique qui se montrait si peu.

- Tu veux un truc au distributeur ?, proposa t-il pour se faire pardonner sa bourde.

Saki refusa.

- Non, je ne veux pas abuser.
- C'est de ma faute. S'il te plaît, ça me ferait plaisir si tu disais oui.

Ken planta un regard sincère dans ses prunelles. Après quelques secondes de réflexion, elle accepta avec gratitude et se leva.

- J'aimerais bien un café, s'il te plaît.

Le distributeur était juste à côté de l'entrée. Ken sélectionna le numéro 9 après avoir inséré son billet.

Deux canettes tombèrent simultanément.

- Wah ! Quelle chance !

Il prit sa monnaie et tendit son café à Saki. Ensuite, ils retournèrent à leur table.

Bizarrement, le fait que le hasard...ou la chance, sait-on jamais, fasse tomber ces deux canettes ensemble, suffit à redonner sa bonne humeur à Saki.

Le malaise disparu, ils discutèrent encore deux heures durant puis se quittèrent le sourire aux lèvres.

𝙒𝙚𝙖𝙠  [ 𝙏𝙤𝙠𝙮𝙤 𝙂𝙝𝙤𝙪𝙡 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant