Chapitre 5 - Sublimer

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C'est agréable de se regarder dans le miroir dès le réveil et de se sentir belle. Malgré une mine épouvantable, je me sens belle et prête à attaquer cette nouvelle journée. Les poches sous mes yeux ne me dérangent plus, je leur trouve même un certain charme.

Aujourd'hui, les cornflakes que Nina vénère qui semblent d'habitude fades ont un goût de cuisine raffinée marinés dans le lait frais. Tout mes sens semblent être accentués. C'est une belle journée qui s'annonce. Seule tâche d'ombre dans cette journée radieuse, je travaille toute la journée. Donc, je n'ai malheureusement pas le loisir et encore moins la possibilité de voir Gregor, mais je compte passer mon lendemain au grand complet à ses côtés. Je ne peux pas l'abandonner de la sorte et j'ai besoin de le voir physiquement. C'est une façon de me prouver qu'il est en quelque sorte toujours là sur terre et non sous terre.

Nina dort encore signe que je me suis réveillée très tôt et je sors à pattes de velours de l'appartement. Même si je suis sortie en avance, Eva semble déjà m'attendre sac à la main. La routine commence à assombrir ma journée qui avait pourtant si bien commencé.

Les questions qu'Eva me pose semblent être apprises par cœur. J'aurais tellement aimé balayer notre discussion forcée d'un revers de la main, mais on ne m'a pas éduqué de la sorte. Je suis devenue ce que mes parents voulaient que je sois, une petite fille sage, obéissante, serviable et respectueuse. Il faut courber la branche tant qu'elle est humide, une fois sèche, elle risque de se casser. Ils s'y étaient pris dès la naissance faisant de moi une branche courbée, mais aussi une grande craintive et quelqu'un préférant s'effacer.
Je pense que la chance exceptionnelle d'avoir été accepté à l'époque en stage m'avait permise d'acquérir de l'expérience, mais aussi une grande confiance en moi. J'avais gardé ce que j'étais auparavant en superposant qui j'étais devenue avec le temps.

Aujourd'hui, comme tous les autres jours est un grand jour. On pourrait dire un jour, un pas dans l'évolution de notre société. C'est la seconde fois qu'un concours de beauté est annulé et même effacé provisoirement de notre vie. Nous avons accepté que la beauté ne se résumait pas à une morphologie précise ou à une dentition parfaitement droite. La compétition d'être la plus belle ne semble plus nous intéresser. Le combat constant du visage sans impuretés et des jambes épilées au millimètre près n'est plus qu'un lointain souvenir. Nous restons bien évidement des femmes et nous nous maquillons, coiffons, habillons avec soin pour celles qui le veulent, mais pas comme si la personne que nous aimions était encore là, non, plutôt pour nous-mêmes. Pour nous faire plaisir et le faisons uniquement pour nous.

C'est une longue et fatigante journée qui m'attend. Pour remplacer le fameux concours élisant notre Miss nous représentant mondialement, nous avons décidé d'instaurer un tout autre concours. Il ne se braque nullement sur le physique, mais bien sur la capacité à mémoriser et surtout des connaissances de culture générale. Je sais déjà qu'il me faudra une grande dose de café pour tenir jusqu'au soir sans flancher. C'est sur mon visage que sera braquées le plus de caméras.

En premier, il y avait eu une sélection à l'échelle régionale donnant l'opportunité à toutes personnes majeurs de se présenter et surtout de n'importe où sur le territoire. Ensuite, grâce aux résultats de réponses justes, une cinquantaine de femmes ont étaient retenues.
Ce qui est plaisant avec le concours, c'est qu'il n'y a pas de limite d'âge donnant l'opportunité à tout âge de participer tant que l'on est majeur. Notre plus jeune participante a dix-huit ans et la plus âgée a quatre-vingt-treize ans mais semble tellement plus jeune. Sans donner de limite de poids, de taille, d'âge, c'est laisser la liberté aux participantes, mais surtout de donner sa chance à toutes personnes, à chaque créature appartenant à ce monde qu'est le nôtre.

J'aime déjà me faufiler entre ces femmes toutes différentes les unes des autres pour les besoins de l'émission et les aborder pour leur poser des questions. Elles me racontent en bref leur vie et surtout ce qui les avaient motivé à participer à ce concours. Accompagnée d'un micro, mais surtout d'une cameraman, nous immortalisions cette première en commençant par la plus jeune, avec à ses côtés la doyenne.
À cette dernière, sa peau ressemble à une peau d'enfant, si pure, si lisse. Quelques rides strient son visage mais ne sont visibles que de très près quand elle sourit.

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