Chapitre 12 - Utiliser

25 5 1
                                    




C'est agréable de se sentir utile. J'ai l'impression d'aider la planète Terre à reprendre son souffle et de lui permettre de se libérer de ce poids que nous causions à force de jeter chacune de nos poubelles à même le sol.

Cela fait déjà deux bonnes semaines que je me retrouve sur les plages nord américaines à ramasser des ordures aussi anciennes que récentes. Les sachets poubelles s'entassent loin de l'eau léchant de plus en plus le sable.

Tous les jours, nous nous levons à sept heure pour prendre un bon petit-déjeuner copieux, ensuite nous nettoyons les plages jusqu'à midi et nous reprenons le travail de quatorze heure jusqu'à dix-huit heure. Nos journées sont remplies d'excitation à nettoyer cette planète que nous osions avant saccager comme si nous l'avions façonné de nos mains.

À force de travailler en plein air, ma peau s'est tannée par le soleil. Et quand le soir arrive, avec mes voisines de chambre, nous comparons la démarcation au niveau de nos bras et de nos cuisses. Cela nous permet de discuter un peu surtout après ces longues journées sans s'adresser un sourire ou même un regard. Nous étions bien trop concentrées par le nettoyage des plages.

Les premiers jours, j'avais brûlé n'ayant pas eu l'ingéniosité de me tartiner le corps et le visage de crème malgré les chapeaux que nous portions. J'avais passé mes premières nuits dans la souffrance de bouger dans mon lit étroit. Heureusement, j'avais rencontré Charlotte, la seule francophone de ma chambre. C'était agréable de pouvoir parler avec elle, et elle avait été d'une grande aide ; elle m'avait gentiment proposé de me badigeonner le dos de crème. Elle était une bénédiction pour mon dos, pour mon sommeil et pour ma locution.

J'avais appris à force de parler avec elle que au moment de l'arrivée du virus, elle fréquentait un homme du nom de Victor. Il était décédé et pas une larme n'avait coulé le long de la joue de sa bien aimée. Elle m'avait raconté leur histoire à deux qui était des plus étrange pour moi. Je ne savais même pas que ce genre de relation ou plutôt d'arrangement existaient entre un homme et une femme en dehors des films.

— J'étais là pour le sexe. Et il le savait très bien, même s'il espérait plus. Nous nous étions mis d'accord dès le début, pas d'amour, juste du sexe. On ne devait pas s'accrocher l'un à l'autre pour se permettre de tout arrêter du jour au lendemain si nous avions envie de construire quelque chose, avec quelqu'un d'autre qui nous plaisait. Alors pas d'attache. Mais Victor n'avait pas respecté cette seule condition, ce qui faisait qu'il devenait trop tendre et que parfois j'avais envie de le repousser. Il était très attentionné et surtout doux dès le début de notre entente. Ça ne me déplaisait pas, mais avec les jours et les mois qui passaient, je sentais clairement que quelque chose avait changé entre nous, il en voulait plus. Après chaque partie de jambes en l'air, il voulait que je reste avec lui ou encore une fois il avait voulu me présenter à ses amis. Si j'avais accepté, la prochaine étape aurait été de rencontrer sa famille. Je ne voulais pas. Par contre, je regrette les dernières paroles que je lui ai dis, c'était quelques semaines avant l'arrivée du virus. Je n'ai pas été polie avec lui et il ne méritait pas cela. Il ne méritait pas que je le traite de la sorte. Je l'avais mis plus bas que terre.

Elle avait ri jaune, puis avait continué.

— Après tout, il est sous terre en ce moment.

Elle s'était interrompue dans ses paroles et tirait sur sa cigarette une grosse bouffée de nicotine.

— Mais, c'est ce que j'ai fait. Je l'ai repoussé alors que peut-être c'était l'homme de ma vie. J'ai la côte pour toujours tout gâcher et avant même de songer à construire une véritable relation amoureuse, je m'étais imaginée un million de manières de détruire ce que nous aurions pu créer à deux. Je suis tellement conne.

Un monde sans Eux  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant