Redresse toi

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Je manque le premier bus, que je vois partir devant mon pas détendu mais je ne fulmine pas, je ne jure pas, je ne soupire même, je continue ma conversation avec Jaemin. Du coin de l'œil, les quelques personnes déjà en train de discuter autour de l'arrêt de bus se dessinent et on s'en rapproche lentement. Le soleil entame sa descente mais il est encore généreux et le chahut qui a résonné à l'intérieur de mon crâne pendant toute la durée du cours commence à se dissiper; je sais que le prochain bus qui ira jusque chez moi n'est que dans une demi-heure et ça m'est égal, j'ai tout mon temps.

Finalement, le bus de Jaemin finit par arriver et je me dis qu'un peu de marche ne me ferait pas de mal. Il me parle, je l'écoute, je ris, il rit, il me claque parfois l'épaule mais ça ne me dérange pas puis je me rends compte qu'il ne descends pas à l'arrêt le plus proche de chez lui et qu'une fois tous les deux dehors et l'engin reparti continuer son chemin. On reste plantés à cet arrêt sans jamais cesser de discuter; des passants pourraient penser qu'on ne s'est pas vus depuis plusieurs années et en un sens ils n'auraient pas totalement tort. La dernière fois que l'on a eu une conversation aussi longue et passionnante, ça devait être au début de l'année après avoir passé les grandes vacances séparés.

Malgré la mention de son petit ami de temps en temps, je ne me lasse pas de ses histoires, de ses anecdotes. On dirait qu'il a tout vécu, et moi je n'ai rien d'aussi palpitant à lui partager alors j'écoute, impressionné.

Pendant qu'il répond un appel de Jeno, j'en profite pour regarder autour de moi, essayer de deviner où nous sommes mais tout ce que je vois ce sont des devantures de magasins, de supermarchés mais surtout, un nombre impressionnant de bars et je m'aperçois que je ne suis jamais venu ici mais rien ne m'inquiète, j'ai tout mon temps, j'attends que Jaemin raccroche et fais mon possible pour ne pas entendre ce qu'ils sont en train de se dire comme paroles fleur bleue à tel point que c'en est gerbant. Pour ça, je m'éloigne un peu, traverse la route jusqu'à l'un des bars dont la devanture m'inspirait et m'assois à l'une des tables. Je m'y sens immédiatement à l'aise, malgré les quelques voitures qui se fraient un chemin à travers les gens.

Des quadragénaires assis à des tables voisines discutent en sirotant allègrement leurs bières; ils ont l'air de bien s'amuser. Des plus jeunes font la même chose, s'échangent quelques mots avant de prendre des photos, probablement pour les exposer sur les réseaux sociaux et qu'une flopée d'inconnus les voient passer un soit disant bon moment. Puis ils ne s'adressent plus la parole et paraissent beaucoup plus intéressés par ce qu'il y a d'affiché sur leurs écrans. C'est vraiment à ça que se résume l'amitié? C'est un peu lamentable. Mais enfin. Dans le fond, je suis certain qu'ils pensent comme moi, mais qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils se comportent comme ceux qu'ils critiquent.

Je regarde les passants, de tous les âges, me passer devant, un fin sourire apaisé aux lèvres. J'ai tout mon temps, il n'y a pas cours demain. Mais passées plusieurs minutes, je me demande quand est-ce que Jaemin va enfin être capable de raccrocher. Le connaissant, je suis certain qu'il est en train de lui dire d'être prudent sur la route, de faire attention à tout un tas de trucs évidents une fois qu'il sera rentré, peut-être même de lui indiquer des choses manquantes à aller acheter au supermarché.

De loin, je le vois enfin ranger son fichu téléphone et me trouver du regard avant de marcher en ma direction et pendant qu'il regarde à droite puis à gauche pour pouvoir traverser, un homme m'accoste.

-Je vous sers quelque chose, jeune homme?

Je n'ai pas forcément pensé à ça mais je me rends compte en entendant sa proposition que je meurs de soif alors je lui fais comprendre que mon ami est en train de me rejoindre et que l'on commandera ensemble une fois qu'il sera installé. Sur ces mots, il me fait signe et s'éloigne vers une autre table. Jaemin atteint enfin le bar et regarde autour de lui, l'air détendu et pose ses affaires de cours au pied de la chaise avant de s'asseoir.

Fuck off, sweetheart || renhyuckOù les histoires vivent. Découvrez maintenant