Noir (2)

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Ils restèrent immobiles de longues minutes. Elle, affalée sur le sol du couloir, dos au mur. Lui, accroupi à côté, ne sachant pas quoi dire, essuyant maladroitement les larmes qui coulait sur les joues rondes de sa voisine avec le revers de son sweat-shirt. Il avait meublé le silence comme il pouvait, répété que ce noir emplissait  la totalité de l'air, que la réaction du chat pouvait signifier qu'il neii s'agissait pas d'une affection  limitée aux humains.

-Ce n'est pas possible, lui a-t-elle répondu. La densité de l'air ne permet pas cela.

Il l'identifiait, sans connaître son prénom. Il savait depuis combien de temps elle habitait dans l'immeuble, qu'elle prenait le bus de la ligne B, chaque matin, à 8h22, qu'elle aimait varier les bonnets de couleurs vives, qu'elle était abonné à Causette, qu'elle écoutait de vieux morceau de Stooges en boucle sur son MP4, le casque sur les oreilles, et faisait ses courses à Monoprix. Il avait appris son nom, S.Martin, en repérant sa boîte aux lettres sur le palier. Son prénom, dont seule l'initiales été précisée, lui restait toujours inconnu. Il avait imaginé Sarah, Solène, Suzanne, Sophie. Quel qu'il soit, elle pouvait que bien le porter.

À l'inverse, Julien savais que sa voisine ne l'avais jamais remarqué. En général, les gens lui accordaient un bref regard à la première rencontre, puis l'oubliaient aussitôt. Un type tout ce qu'il y a de plus standard, si la normalité existe. Ni laid, ni beau, ni méchant, ni gentil, ni mal fringué, ni original ; en un mot, il était plat. Cette insignifiance ne le dérangeait pas. Il aimait la discrétion. Son job à la boutique de jeux vidéo lui convenait parfaitement. Sa journée consistait à réparer les disques rayés et à négocier avec les gamers pour échanger leur occasions contre des nouveautés. Jusqu'à présent, il vivait dans l'ombre. Cet événement l'inquiétait à cause des obstacles indécelables, mais rester invisible, il s'en moquait.
Du dehors leur parvinrent des cris, puis des bris de verre. Une alarme anti-intrusion retentit.

-Qu'est ce que ça peut être ? demanda S.

-Certainement le magasin de hi-fi, au rez-de-chaussée. Des petits malins ont compris que les caméras de sécurité ne servaient plus à rien.

Il avait maintenant envie de rester là, auprès d'elle. Sa présence défiait l'obscurité.

-Ça veut dire que tout le monde est pris dans ce merdier, constata l'étudiante.》

Comme une évidence, ils sentaient tous les deux que cette situation englobait au moins le quartier, la ville, peut-être au-delà. Après quelques instants, elle ajouta, d'une voix plus grave :

-Il faut allumer la radio. Une chaîne d'État.

-Pourquoi ?

-En cas de catastrophe ou de guerre, la radio officielle transmet les consignes de sécurité.

Le chat était revenu dans l'appartement. Depuis le palier, on l'entendait vider la gamelle de croquettes. Ce calfeutrer chez soi n'est-elle pas la solution la plus sage ? La jeune femme trouva la main de son voisin dans le noir, se releva sans la lâcher, et dis dans ton décidé :

-J'ai réfléchi. Nous devons aller à l'université, au pôle scientifique. Une cellule de recherche il est spécialisée en cryptographie quantique. Les impulsions lumineuses, c'est leur dada. Ils auront une explication.

-Tu sors ça d'où ?

-J'étudie dans le département voisin.

Julien resta interdit. Elle lui tenait la main, fermement, comme on s'accroche aux barreaux d'une échelle pour ne pas tomber. Ses long ongles s'enfonçaient dans sa paume mais cela ne le dérangeait pas. Quelle drôle d'idée d'aller à la fac des sciences. Sa préoccupation n'était pas de connaître la cause de ce phénomène mais d'en sortir, de trouver une issue à ce noir étouffant.

-Tu veux dire que tu sais ce qui se passe ? Comment vas-tu t'y prendre pour y aller ?

-Descendons voir Micky. Tu sais, l'accordeur de piano.

-Je sais très bien qui est Micky.

Ils devinèrent l'accès de la cage d'escalier à la fraîcheur des murs et aux effluves de poubelles qui montaient depuis le rez-de-chaussée. En descendant les marches, la fille posa la main sur Julien. Le jeune homme glissa son bras autour de l'épaule de S. pour la guider à chaque nouvelle marche, pas à pas. Il respire et le parfum les boisé de l'étudiante. Chaque mot prononcé résonnait dans le vide et accentuait l'impression d'isolement. La descente dura de longues minutes, interminables à cause de l'appréhension du vide, délicieuse par la promiscuité qu'elle offrait au solitaire.
Micky habitait le seul appartement du rez-de-chaussée, minuscule T1 coincé derrière les réserves des boutiques donnant sur la rue. Ils n'eurent pas besoin de frapper à sa porte. Ils avaient reconnu son rire, venu percuter les parois du couloir depuis l'extérieur. Ils devraient le rejoindre dans la rue. L'appréhension envahit la fille.

-Nous aurions peut-être dû rester là-haut, et attendre que tout redevienne à la normale.

-Non. Tu as eu raison de penser à Micky. Tu connais l'expression. Au royaume des aveugles...

-Oui, je connais.

-Dans cette situation, il doit être comme un poisson dans l'eau. Il saura nous aider.

Par habitude, Julien fut tenté de rabattre la capuche de son sweat en sortant de l'immeuble. Il se ravisa, ce réflexe n'avait aucune raison d'être quand chacun est invisible. Il avait espéré deviner, au-dehors, la faible lueur d'un réverbère, le halo d'un phare, ou, à l'horizon, les prémices du jour, mais le même mur d'encre remplissait l'air. Étrange sensation d'étouffement alors que le vide les entourait. Guidé par la voix de l'aveugle, le jeune homme se précipita. Il heurta la carrosserie d'un véhicule stationné en bordure de trottoir. La douleur au genou lui arracha un cri. L'alarme de la voiture stria le noir. Julien continua de marcher en boitillant.  De son côté, Micky avait tout de suite compris l'ironie de la situation. L'aveugle se déplaçait en plein milieu du boulevard Dubreuil, afin de rassurer et guider les rares passants.

Il s'agissait  principalement de personnes surprises alors qu'elles gagnaient leur lieu de travail.

-J'y crois pas, c'est le monde à l'envers, n'est-ce pas ? s'esclaffait le vieil homme, en conseillant à un inconnu de laisser une main collée contre le mur du bâtiment pour ne pas s'égarer》

Le ton de l'aveugle dégageait une assurance impressionnante. Comme si l'ordre des choses venait de basculer et que cette situation offrait aux invisibles l'occasion de s'affirmer. Le pauvre piéton désemparé parlait sans cesse.

-J'étais au volant, tout est devenu noir d'un coup. Plus de phares, plus de réverbères. J'ai percuté... Je ne sais même pas qui j'ai percuté ! Ma voiture est restée au milieu de la route, impossible de savoir où. Je dois rejoindre ma famille. J'habite rue des Ardennes, mais dans quelle direction est la rue des Ardennes ?

-Sûr, c'est pas la porte à côté, lui répondit Micky. Je vais vous conduire, enfin vous guider. Vous vous rendez compte, c'est l'aveugle qui fait le guide ! Et posez-vous un instant pour vous calmer, mon petit monsieur. En vous énervant comme vous le faites, vous allez perdre vos repères.

Julien les héla, sans savoir précisément comment les rejoindre car l'accordeur de piano s'éloignait avec le passant.

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Bonjour les gens !! J'espère que cette deuxième partie de l'histoire "NOIR" vous a plu !!🤗🤗

Je suis DÉSOLÉ mais je n'ai pas respecté ce que je vous avez dit lors du dernier chapitre 😖😖. J'espère pourvoir me rattraper, même si j'ai du mal à garder un bon rythme...

Bisous à tous et à plus tard pour de prochaines  histoires !! 😘😘

°HISTOIRE SECRÈTE° [LIVRE 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant