Deux paires de yeux sombres s'ouvrirent simultanément, ceux d'une demoiselle répondant au nom de Meesha et ceux d'Haisal, son fils aîné. La première se leva hâtivement de son immense lit, qu'elle occupait seule, tandis que le second restait allongé à fixer le plafond. Elle s'approcha de la fenêtre à proximité et admira les nombreuses réflexions qui se présentaient à elle, qui vivait dans l'endroit le plus coloré de tout Eriast, Zeljya. Lorsqu'on parlait de lui, on racontait que ses habitants avaient capturé des arcs-en-ciel et qu'ils les avaient brisés en milles morceaux afin de construire le plus chatoyant des royaumes. C'était fort réussi, personne d'autre ne pouvait se targuer d'en avoir un aussi vif et original, à l'image de son peuple joyeux et vivant. Hélas aujourd'hui était un jour bien différent, Zuldar, sa capitale, était morne, les marchands si prompts à attirer du chaland étaient restés cloitrés chez eux. Meesha appréciait particulièrement ce calme, elle se dirigea vers la sortie et esquissa un sourire plein de satisfaction avant d'ouvrir sa porte. Elle se rendit dans la chambre de son enfant, qu'elle somma de se lever et de la suivre. Ils se retrouvèrent dans une salle d'eau, qui se remplit d'un arôme fort et désagréable pour les narines du jeune Haisal.
- Mère, est-ce bien nécessaire de faire cela dès aujourd'hui ?
En guise de réponse, elle agrippa fortement ses mèches de cheveux sur lesquels elle appliqua un colorant bordeaux. Cette scène n'avait pas échappé à Fizah, fidèle servante à l'âge avancé qui comprit très vite ce que sa maîtresse faisait à son insu, elle secoua la tête et s'en alla, sachant pertinemment qu'elle ne pouvait point la raisonner. Elle fut stoppée par Milraj, l'intrépide cadette des Riznashlid qui était à la recherche de sa mère.
- Tu ne peux pas la voir maintenant, elle est occupée. De plus, je t'ai déjà dit de ne pas sortir de ta chambre toute seule.
- Mais Fifi je m'ennuie toute seule... Dit-elle à s'accrochant à sa jambe.Si elle acceptait une telle familiarité, c'était bien parce que la fillette était âgée de seulement huit ans, mais aussi parce qu'elle savait que la pauvre serait bien délaissée dans les jours à venir.
- Il va falloir te canaliser aujourd'hui jeune fille, tu ne dois pas te faire remarquer.
Ils allaient déjà bien attirer l'attention, il ne fallait pas qu'elle en rajoute une couche.
- D'accord Fifi.La servante l'accompagna afin de la confier à sa gouvernante, avant d'entamer une longue marche pour joindre la partie opposée du palais, où se trouvaient les ailes les moins grandioses, mais également occupées par des membres de la famille royale. C'est avec une grande précaution qu'elle s'approcha de la plus grande chambre. Elle avait distinguée des pleurs, ceux de Nyariad, une jeune femme qui traversait le plus grand drame de son existence. Elle ferma ses yeux l'espace d'un instant, devait-elle lui rendre visite ? Ou la laisser tranquille ? La domestique décida finalement de lui laisser sa pudeur, ce qui devait être la plus sage décision.
La noirceur s'était emparée de Zeljya, tous ses habitants portaient des habits et bijoux dénués de couleurs, les seules couleurs vives que l'on pouvait distinguer étaient les différentes mèches abordées, qui étaient des signes d'appartenance aux plus puissantes familles ainsi que la position occupée dans celles-ci. Les plus foncées étaient portées par ceux qui en occupaient la plus éminente. Les chevelures féminines étant cachées par des voiles et les masculines par des turbans, tout le monde semblait désormais au même niveau. Néanmoins, le changement opéré sur la tête d'Haisal ne passa pas inaperçu, Uzsir, le premier enfant de Nyariad, le discerna rapidement et lui lança un regard noir. Une action qui n'échappa pas à sa mère, qui déposa sa main sur son épaule.- Ce n'est pas le moment.
- Mais c'est une véritable provocation.Comment pouvait-il penser à cela alors qu'aujourd'hui ils allaient enterrer Nabas, son père et souverain du royaume ? Elle ne pouvait penser qu'au chagrin que la perte de son bien aimé lui procurait et non aux actions de sa rivale, parce qu'elle n'était pas dupe, cette idée ne pouvait venir que d'elle.
- Nous réglerons cela plus tard.
Il sembla avoir intégré que ce n'était pas l'heure d'en parler, d'autant plus que la bâtisse se remplissait de plus en plus, ce qui l'incita à se taire puisqu'il avait déjà une mauvaise image auprès de ses pairs, même s'il n'en était pas responsable. Meesha, accompagnée de toute sa tribu, les devança et ils s'installèrent au premier rang, sans leur accorder un seul regard. Elle avait strictement interdit à sa progéniture de le faire, même si certains membres s'entendaient bien avec eux.
Le maître de la cérémonie fit son apparition devant le cercueil du monarque, aux dorures moins nombreuses que celles de ses prédécesseurs, signe que Zeljya n'était pas épargnée par la crise que subissaient ses lointains voisins. Ce n'était pas seulement une preuve de l'amoindrissement des richesses, c'était également une façon de dire au peuple qu'on ne le délaissait pas, en préférant préserver ce qu'il en restait pour s'occuper de lui. Cela avait quelque peu froissé la reine, Meesha, mais elle était suffisamment intelligente pour savoir que c'était un mal nécessaire, pour conserver son statut de femme favorite de Nabas auprès des Zeljéens.
- La mort vient de saisir notre plus grand homme, notre souverain bien aimé, Nabas Riznashlid. Il fut l'un de nos rois les plus illustres, l'un des plus proches de son peuple. Nous ne pouvons que nous incliner pour tout ce qu'il a fait pour nous...
Meesha ne put s'empêcher de rouler des yeux, il enjolivait un peu trop son époux, qui avait brisé une loi certes récente, mais qui l'interdisait d'avoir plus d'une épouse. C'était un affront qu'elle n'avait jamais pu digérer, parce qu'il aurait dû prendre l'exemple de son beau-père qui fut toute sa vie l'homme d'une seule femme. Fort heureusement elle avait une consolation et pas des moindres, puisque seul son fils était légitime pour reprendre le trône. La mort de Nabas lui procurait donc bien plus de joie que de peine, même si celui-ci lui donna de son amour jusqu'à son dernier souffle, la rancune de la reine n'avait que peu d'égale. Les choses allaient changer, elle tenait désormais les rênes. Il y avait dans ses mains, un royaume oublié ou plutôt ignoré par les autres, qui ne faisaient guère d'alliances avec lui, mais elle se jura en cet instant que Zeljya sortira la tête du sable dans lequel il était enseveli depuis bien trop longtemps.
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Eriast, l'ère du renouveau
FantasyUne guerre qui dépassait tout le monde se jouait au-delà des nuages, mais celle-ci se termina avant même qu'un vainqueur n'en sorte. Brusquement ceux qui l'avaient initié disparurent, laissant derrière eux des fidèles sans repères. L'équilibre du mo...