~ Chapitre 4 : La révélation ~

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Les cloches de l'église retentissaient, seulement entendues par ceux qui vivaient à l'intérieur des montagnes ou logeant à proximité d'Isombard. L'heure de la prière avait sonné, mais les édifices religieux se remplissaient de moins en moins. Alors qu'à une époque pas si lointaine, le peuple le faisait de bon cœur, il était désormais réticent. Leurs yeux n'étaient point aveugles, le lieu que l'on surnommait le haut royaume verdoyant n'était plus aussi beau que par le passé. La foi ne suffisait pas faire à faire ignorer que les fleurs se fanaient de plus en plus vite, avaient de plus en plus de mal à s'épanouir. C'était un comble pour eux qui avaient une gardénia comme emblème, c'était non seulement un symbole qui s'effondrait mais surtout un des principaux fonds de commerces. Theresias, déesse de la terre, semblait devenir sourde. Ils avaient pourtant un bon roi prénommé Escald, qui ne manquait jamais une seule oraison et tradition en sa faveur. Même si cela ne représentait pas une corvée pour lui, il adorait se détendre juste après en se baignant dans une eau dorée délicatement parfumée. Hélas il ne pouvait pas y rester très longtemps, le devoir l'attendait puisqu'il devait s'atteler aux doléances. C'était l'une des tâches qui l'inspirait le moins, il sortit donc avec lenteur de sa piscine, dévoilant son magnifique corps à ses serviteurs qui l'attendaient avec des serviettes. Le regard de l'un d'eux était différent d'à l'accoutumée, mais il n'y prêta même pas attention pensant que ce jour serait comme tous les autres. Une fois prêt, il regagna son trône et fut rejoint par Hirlinda, son épouse et sœur d'Heldarion. Elle n'était là qu'en simple spectatrice, mais il était toujours bon que le peuple sache qu'elle était présente, à l'écoute. Il posa sa main ornée d'une bague à grosse émeraude sur l'accoudoir et le tapota de ses doigts. Le souverain profita que le premier plaignant ne soit pas arrivé pour jeter un regard complice à sa reine, à qui il sourit du coin de la lèvre. C'est à ce moment que débarqua une tête connue, qu'il lui suffit de découvrir pour avoir envie de rouler des yeux, mais Escald savait se contenir. Ses yeux marrons plongés dans les siens, donnèrent le signal qu'il fallait commencer à s'exprimer.

- Votre majesté...

L'homme sentait que sa présence l'importunait, mais il ne pouvait se résoudre à laisser tomber, son affaire lui tenait bien trop à cœur.

- Vous savez que j'ai la chance de produire l'une des plus belles fleurs du royaume. Cependant mon frère s'entête à croire que mes terres sont siennes, il n'hésite pas à écraser mes plantations pensant que cela serait suffisant pour me faire partir.
- C'est malheureux, mais vous devriez le faire venir ici, il serait plus simple de régler le problème ainsi.
- Il ne veut pas, il préférerait encore s'enchaîner à un arbre que de venir ici. C'est une vraie tête de mule, je ne sais plus quoi faire.

Cet entêtement n'était pas digne d'un Isombardien, mais cette querelle le fatiguait. Il aurait pu faire saisir ces terres, mais cela lui attirerait les foudres de certains nobles.

- Si cela continue vous ne serez plus fournis en roses, ajouta le fleuriste.

Il était malin de citer le nom des fleurs préférées de son épouse, qu'il appréciait également grandement, mais cela était insuffisant pour lui donner raison.

- Écoutez la solution est toute simple, essayez de vous partager équitablement les terres comme cela vous pourrez continuer vos activités. Si vous n'êtes pas capables de le faire, j'enverrai quelqu'un qui le fera.

Le ton était ferme, suffisamment pour lui faire comprendre qu'insister serait vain, l'homme le remercia donc de l'avoir écouté et tira sa révérence. Un groupe ecclésiastique pris rapidement sa place. Voilà des personnes qu'Escald attendait de pied ferme.

- Quelles sont les nouvelles ? demanda-t-il sans attendre.
- Elles sont à la fois bonnes et mauvaises, votre majesté.

Un des sourcils du roi se haussa, l'air pris par le prêtre était des plus inquiétants, il ne l'avait jamais vu comme cela alors qu'il le connaissait depuis qu'il était haut comme trois pommes.

- Nous avons recherché sans relâche les hérétiques les plus virulents du royaume, il n'est plus qu'une question de temps avant que nous attrapions les plus discrets, nous espérons que les châtiments seront à la hauteur de leur forfait. Il n'y a pas plus grave que de nier l'existence des dieux et vouloir faire rentrer cette sombre idée dans la tête des plus influençables, cela ne pouvait durer plus longtemps. Avoir plus de moyens nous permettrait d'avancer plus vite, plus nous attendrons et plus il y aura d'endoctrinés.

Le visage d'Escald était des plus sérieux, il ne badinait pas avec les règles, qui préservaient le royaume depuis des siècles. Il comprenait donc bien leur appréhension.

- Les hérétiques les plus passifs seront condamnés à vous servir, nettoyer les églises, à aider les plus pauvres. Cela leur rappellera les bienfaits de la religion. Quant aux plus virulents je n'hésiterai pas à être d'une grande sévérité avec eux, leurs langues seront coupées et leurs biens saisis. Ils seront emprisonnés jusqu'à ce qu'ils reprennent leurs esprits.

Le prêtre devint pâle, ces sanctions pouvaient-elles s'appliquer à tout le monde ? Il avait un doute, mais il se devait de lui annoncer les mauvaises nouvelles.

- Nous avons trouvé l'un de leurs meneurs, d'ailleurs vous le connaissez bien. Il fut dénoncé et attrapé, nous l'avons avec nous.

Le roi écarquilla des yeux, l'un de ses proches était donc responsable de cette hérésie ?

- Qu'on le fasse entrer, immédiatement !

Deux soldats entrèrent, tenant fermement le coupable dont le visage était caché par une capuche. Le silence s'était installé, la peur semblait avoir gagné la salle. L'un d'entre eux pris son courage à deux mains en dévoilant son identité. Hirlanda se leva immédiatement.

- Devoriath ! Cela ne peut pas être mon fils, c'est une grossière erreur.

Escald leva sa main, qu'il posa sur le ventre de sa bien-aimée pour la tempérer. Elle oubliait que leur enfant avait un caractère rebelle, qu'il était fort probable que cette accusation ne soit pas vaine.

- Avez-vous des preuves conséquentes et sérieuses ?
- Malheureusement oui, répliqua le pontife la tête baissée.
- Il ira donc au cachot jusqu'à nouvel ordre, une fois que cela sera vérifié nous agirons en conséquence.

La reine n'aimait guère cette décision, qu'il aurait dû prendre avec elle. Elle montra son mécontentement en quittant la salle tout en claquant la porte. C'était une preuve que son tempérament nevethenien ne l'avait pas complètement quitté, mais il ne pouvait se résoudre à la rejoindre immédiatement. Il congédia tout le monde pour se retrouver seul à seul avec son enfant.

Eriast, l'ère du renouveauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant