Chapitre 1.1 - Comme chaque jour

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Le soleil se levait timidement derrière les vieux immeubles de la ville, se reflétant sur les vitres du petit deux pièces. Sacha se réveillait avec douceur de son canapé, ploc ploc, l'eau du robinet fuyait, goûte par goûte, elle laissa échapper un soupir et se leva, se dirigeant vers celui-ci pour y prendre un verre d'eau. L'habitude, les rats qui couraient dans les murs, le plafond, les bruits de tuyauterie, les travaux en bas du bâtiment, les cris des enfants de l'appartement du dessus... Elle sauta le petit déjeuné, comme bien souvent, la nourriture étant de plus en plus chère et son argent de moins en moins présent. Comme avant chaque sortie en extérieur, elle passa par la salle de bain pour y mettre ses lentilles de couleur et ses lunettes de soleil opaques. Elle réarrangea sa courte chevelure brune et mis son pull gris de tous les jours, pull dont l'état était similaire à celui de l'appartement. Quelques secondes de plus devant le miroir fendu à observer son visage avec une certaine forme d'incompréhension. Une grande inspiration, elle prit son sac de cours et sortit de son appartement, le fermant à clef. Ses pas se suivaient dans les rues de la ville, sa tête basse, elle avançait. Voulant limiter ses dépenses, elle ne pouvait pas se permettre de payer le bus ou tout autre moyen de transport pouvant l'emmener à son lycée. Ce dernier était à un bon kilomètre de chez elle, il lui fallait donc presser le pas chaque matin pour ne pas arriver en retard. Au moins, elle ne risquait pas d'être dérangé par les retards de bus ou le monde sur la route. Son quartier était plutôt tranquille bien que dangereux, la vie ici n'étant pas très chère, beaucoup de personnes peu fréquentables y séjournaient.

Arrivée au lycée, elle prit le temps d'observer l'immense bâtiment et la foule qui l'accompagnait, toujours les mêmes surveillants, les mêmes groupes de personnes ; ceux reclus qui préféraient se faire discrets, loin des autres ; ceux voulant se fondre dans la masse, être comme tout le monde ; ceux qui se mettaient en avant, parlant sur les autres, les rabaissant pour se donner de l'importance ; les couples, qui n'hésitaient pas à bien l'exposer aux autres ; ceux faisant partie de groupes bien distinct et souvent critiqués car ne respectant pas la norme imposée par le reste du monde... Bien que chaque être vivant soit différent, peu de personnes ne rentrent pas dans des cases. Sacha avait ce sentiment d'exclusion face à tout ça, sentiment qu'elle gardait pour elle, le dissimulant tant bien que mal, mais après des années ainsi, on finit par s'habituer, et c'est ce qu'elle fit, elle s'habitua. Encore une journée de cours qui commence, comme la veille, le jour d'avant, le jour précédant le jour d'avant et le suivant encore.

Une couleur orangée recouvrait le ciel en ce début de soirée. Le vent envoyait les vagues s'écraser sur les rochers de la falaise où était perchée Sacha. C'était encore l'été mais les nuits commençaient à se rafraîchir, c'était un temps idéal pour elle pour se mettre à réfléchir, penser... Debout à quelques mètres du vide, elle commença son monologue intérieur. Elle n'avait personne pour l'écouter à par elle-même, alors parler à haute voix, à cet endroit, lui donnait la sensation d'être entendu, comme si le vent dans les feuilles, dans l'eau, dans ses cheveux, sur son visage... était une réponse qu'on lui transmettait, comme si elle n'était pas seule.

« Le visage de mes parents, leurs voix, leurs habitudes, leurs odeurs... je me demande à quoi ressemble tout ça, d'où est-ce que je viens, pourquoi suis-je aussi différente des autres, j'aimerais me souvenir. De manière générale nous ne nous souvenons que très peu de notre jeune enfance, mais à ce point, est-ce aussi flou et inconnu pour tout le monde ? Ne pas savoir comment on est arrivé là, comment on a fait pour se retrouver dans cette situation. Je commence à manquer cruellement d'argent, de présence rassurante autour de moi... c'est vrai que je ne fais pas tellement d'efforts pour palier à ça, mais ça parait si difficile, par où commencer ? »

Elle s'interrompu en sentant arriver quelqu'un au loin.

« Ça t'arrives souvent de parler tout seule ? » Dit une voix masculine se rapprochant d'un pas tranquille derrière elle

EYES | L'introduction d'un nouveau mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant