Huit mois plus tard.
Le temps file, et moi avec. Je cours, mes talons claquant contre le pavé londonien. Vingt minutes de retard. Une attente qui, je le sais, ne fera que nourrir son désir. Je pourrais accuser la circulation infernale, mais la vérité est plus simple : j'ai passé trop de temps à me préparer. L'excellence demande de la patience, et chaque détail compte dans cette partie d'échecs où la séduction est mon meilleur atout.
Coincée dans un embouteillage, je contemple la ville à travers la vitre du taxi. Les rues s'étirent sous une pluie fine, où se mêlent les néons vibrants et le scintillement des réverbères. Londres, la magnifique, danse sous une symphonie de klaxons impatients et de pas pressés. Chaque silhouette dissimule une histoire, un secret, une faiblesse à exploiter.
Je baisse les yeux vers ma montre en argent, un cadeau d'Andrew, offert après notre premier mois ensemble. Mon cœur s'accélère légèrement. Trois semaines sans lui. Trois semaines de distance, de doutes silencieux. Il me dit que je lui ai manqué, que personne ne compte autant que moi. Mais l'absence creuse des brèches, et dans son monde, la tentation rôde à chaque coin de rue.
Le taxi s'arrête enfin devant le restaurant, un havre de raffinement à l'abri du tumulte londonien. Je règle rapidement la course et descends avec aisance, ajustant ma blouse soyeuse. Dès mon entrée, la chaleur tamisée du lieu m'enveloppe. Les notes d'un piano flottent dans l'air, accompagnant le murmure discret des conversations.
Et lui... je le vois immédiatement.
Andrew est assis près d'une grande baie vitrée, son regard perdu sur la ville. Même plongé dans ses pensées, il dégage cette assurance qui me fascine. Son costume parfaitement ajusté, sa montre Rolex qui capte subtilement la lumière, la façon dont il fait tourner son verre de vin entre ses doigts... Tout chez lui respire le pouvoir.
Puis il me repère.
Son regard change, s'illumine, et ce simple instant suffit à balayer mes doutes. Je suis la seule qui compte.
Il se lève à mon approche.
— Tu es magnifique, murmure-t-il en m'attirant doucement contre lui.
Sa main effleure le creux de mon dos, un contact à la fois possessif et rassurant. Un frisson me parcourt, mais je le masque d'un sourire.
— Merci. Désolée pour le retard, la circulation était un cauchemar.
— Ça valait le coup d'attendre, souffle-t-il, déposant un baiser au coin de mes lèvres.
Il me tire la chaise avec élégance, et je m'installe en croisant les jambes. Le serveur approche immédiatement, et Andrew commande une bouteille de mon vin préféré sans même me demander. Un détail insignifiant pour d'autres, mais pas pour moi. Cela prouve qu'il fait attention.
— Comment s'est passée ta journée ?
Je feuillette distraitement le menu, même si je sais déjà ce que je vais choisir.
— Intense. Mais ça m'a permis de ne pas trop penser.
Un demi-mensonge. Je pense toujours. À nous. À ce que tout cela signifie.
Nous passons commande : lui choisit la spécialité du chef, moi un canard rôti au miel. Lorsque le serveur s'éloigne, un silence complice s'installe.
Je l'observe, détaillant chaque trait de son visage. Ses yeux d'un bleu clair, presque trop parfaits, sa mâchoire définie, la façon dont il repose ses coudes sur la table avec une élégance innée. Andrew Morton incarne tout ce que j'ai toujours désiré.
— Et toi, ta journée ? je relance, jouant distraitement avec le pied de mon verre.
Il me parle de ses réunions, de ses projets d'investissement, de la pression du conseil d'administration.
Le dessert arrive : un soufflé à la banane caramélisée, doré à la perfection. Une bouchée suffit à nous faire échanger un regard complice, amusés par notre gourmandise mutuelle.
Puis... je décide d'élever le jeu d'un cran.
Sous la table, lentement, imperceptiblement, je glisse mon pied contre sa jambe. Le frisson qui le traverse ne m'échappe pas. Il tente de masquer sa réaction, mais ses yeux trahissent un éclair de désir.
Je souris. Amusée.
Mais un serveur s'approche, et je retire mon pied avec une innocence feinte. Andrew toussote légèrement, retrouvant sa contenance, tandis que nous refusons poliment la carte des digestifs.
Dehors, la nuit londonienne nous enlace de son air frais. Nous marchons côte à côte, nos pas en parfaite synchronisation. À l'entrée, le chauffeur d'Andrew nous attend, et dès que nous montons dans la voiture, l'intimité reprend ses droits. Nos mains se trouvent, s'entrelacent. Chaque minute qui nous rapproche de son appartement attise la tension latente entre nous.
Arrivés chez lui, il referme la porte et se tourne vers moi.
— Tu es magnifique, murmure-t-il en effleurant ma joue du bout des doigts.
Nos lèvres se rencontrent, le baiser d'abord tendre, puis plus exigeant. Et pourtant... une partie de moi reste en retrait.
Andrew Morton est bien plus qu'un homme puissant et influent. Il est un nom, une dynastie, un ticket d'entrée vers un monde où le luxe n'est pas un caprice mais une évidence. Je le décrypte. Derrière chaque sourire qu'il m'offre, chaque regard empreint de tendresse, je devine les rouages d'un empire façonné depuis des générations. Ses ambitions, ses projets, ses désirs—tout cela, je l'absorbe, le dissèque, l'adapte à ma propre ascension. Je l'écoute parler de l'avenir, veillant toujours à ce que ses rêves s'alignent parfaitement sur les miens.
Parce que je ne peux pas me permettre de me perdre dans l'illusion de l'amour. L'amour est un luxe que seuls ceux qui n'ont rien à prouver peuvent s'autoriser. Une faiblesse séduisante, mais destructrice. Moi, je joue un jeu différent—un jeu où les sentiments ne sont qu'une monnaie d'échange, un atout bien manié plutôt qu'une entrave. Je ne suis pas une femme qui attend qu'on la sauve. Je suis celle qui trace sa route, et Andrew... Andrew est une étape essentielle sur ce chemin.
Il s'éloigne légèrement, mon regard suit le mouvement. Lorsqu'il en sort une petite boîte rouge, le temps semble suspendre son vol.
Mon cœur rate un battement. Il l'ouvre lentement, révélant un diamant étincelant, posé sur son écrin de velours noir. La pierre capte la lumière en un éclat hypnotisant, chaque facette réfléchissant une promesse : richesse, stabilité, pouvoir. Plus qu'un bijou. Une clé.
Une clé vers une vie que je n'ai jamais eue. Une vie où l'on ne manque de rien, où l'on dicte les règles au lieu de les subir.
Andrew relève les yeux vers moi.
— Mia, acceptes-tu de devenir ma fiancée ?
Sa voix est posée, mais je perçois l'ombre d'une vulnérabilité sous son assurance. Il me veut. Il a besoin que je dise oui. Je laisse le silence s'installer, assez long pour qu'il retienne son souffle, pour qu'il se demande si je vais accepter. Je savoure cet instant de pouvoir absolu, où tout repose sur un seul mot.
Puis, lentement, je hoche la tête.
Une larme, soigneusement calculée, glisse le long de ma joue, et Andrew l'accueille comme une preuve d'émotion sincère. Un sourire illumine son visage, le soulagement se lisant dans chacun de ses traits.
Il passe la bague à mon doigt, et à cet instant précis, je suis à lui.
Dans un élan emporté par l'adrénaline et l'euphorie, il m'attire contre lui et m'embrasse avec passion. Ses bras m'enlacent, forts, possessifs, comme s'il venait de décrocher le plus beau des trophées.
Mais moi, dans cet instant parfait de victoire, je ne pense déjà plus à son étreinte.
Je pense à la suite.
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Usurpatrice Tome 1 : Tentation (EN REECRITURE)
ChickLitMia, 23 ans, a toujours su tirer parti de son charme ravageur. Née dans la misère, elle s'est juré de ne jamais y retourner. Séduire, manipuler, jouer avec les désirs des hommes riches... Tout est bon pour gravir les échelons et s'offrir la vie dont...