Le bar

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Quand elle m'a murmuré : Moi aussi, je t'aime, bien sûr je ne l'ai pas crue.
Une coïncidence comme celle-là, ça n'arrive qu'une fois par siècle !
Abel Castel

L'été approche. La chaleur revient et les vêtements se raccourcissent. Gabrielle a trouvé du travail dans une agence de tourisme. Elle ne sait pas vraiment en quoi va consister sa tâche mais elle est contente de pouvoir couper avec la fac. Il y a presque un an, son ex-copine la quittait. Elle ne ressent plus de colère ni même de tristesse lorsqu'elle y pense. Gabrielle a l'impression que des années se sont écoulées depuis cet évènement. Parfois un lieu, une odeur ou une réflexion lui rappelle sa vie avec elle et la jeune fille se surprend à sourire. Elles avaient vécu de belles choses et c'était de ça qu'elle voulait se rappeler. Gabrielle ne se trouvait pas dans la même posture lorsque le prénom de Juliette surgissait de sa mémoire. Elle n'avait plus aucune nouvelle et elle lui manquait. Gabrielle savait qu'elle ne pouvait pas ressurgir ni même demander de nouvelle après ce qu'elle avait fait. Pourtant ce soir, elle avait décidé d'arrêter de se morfondre seule dans son appartement et partit retrouver ses amis pour faire la fête. Déjà accoudés au bar, ils lui firent de grands signes pour signifier leur place. Gênée, elle se dépêcha de les rejoindre, évitant d'attirer l'attention plus longtemps. Leur conversation n'avait pas grand intérêt pour la jeune fille mais elle essaya néanmoins de s'y intéresser. Elle avait parfois l'impression de venir d'une autre planète. Elle n'aimait pas parler pour parler ni même avoir des relations pour combler une quelconque solitude. Gabrielle s'était vite rendu compte que ses amis de la fac étaient plutôt des connaissances. Elle se trouvait trop différente et leur enviait cette facilité à se satisfaire dans des amitiés bancales.

Au cours de la soirée, la jeune fille parvint à se détendre. Les verres et la brise chaude étaient parvenus à la soulager. Le bar dans lequel elle se trouvait étant le dernier de la ville à fermer, des étudiants de partout venaient profiter des dernières heures. Ses amis avaient pu s'installer en terrasse malgré le monde et Gabrielle se frayait un chemin vers le bar pour profiter des dernières bières. C'est à ce moment précis qu'elle se trouva nez-à-nez avec une chevelure blonde qu'elle connaissait. Surprises, les deux jeunes filles se toisèrent quelques secondes avant que l'une d'entre elles prennent la parole, élevant la voix pour se faire entendre.

- Comment tu vas ?

- Bien, merci et toi ?

- Ca va, c'est drôle de se croiser ici.

- Oui c'est marrant... J'ai des amis qui m'attendent, je suis désolée, faut que j'y aille.

- Juliette attend ! Parvint à crier Gabrielle avant de la saisir par le bras. On peut parler cinq minutes...

Réticente, Juliette finit par acquiescer. Elle demanda à ses amis de l'attendre encore quelques instants pendant que Gabrielle l'amenait dehors pour plus de tranquillité.

- Je suis désolée pour ce que j'ai pu te faire... Tout ce qu'on a vécu, ça me manque et... Tu me manques. Je voudrais qu'on soit amies.

Juliette, déstabilisée par cet élan d'affection, se rétracta face aux dernières paroles de Gabrielle.

- Je ne peux pas être amie avec toi... Ce que tu as fait, c'était trop douloureux à encaisser. Dit-elle visiblement gênée par ses paroles.

Gabrielle eut envie de pleurer. C'était vrai. Elle aurait fait le même choix si ça lui était arrivé. Et pourtant Juliette avait l'air peiné par la réaction de la jeune fille.

- Est-ce qu'on peut au moins en reparler demain ou dans quelques temps ? Quand tu voudras...

- Gabrielle, je ne préfère pas. Visiblement mal à l'aise elle ajouta, j'ai pris ma décision et même si j'ai aimé ce qu'on a vécu, c'est mieux comme ça. Ces derniers mois ont été difficiles pour moi et je ne veux pas risquer de les revivre.

La jeune fille ne sut quoi répondre, elle avait les larmes aux yeux pendant qu'elles se faisaient la bise. Puis elle fonça en direction du bar après qu'elle soit partie. Gabrielle était en colère contre elle-même et puis contre Juliette qui la rejetait après qu'elle lui a montré sa vulnérabilité. Même durant ce court échange, elle avait ressenti la distance colossale qui s'était installée entre elles-deux alors qu'elles partageaient tout il y a quelques mois. Elle en avait assez de ces souffrances et décida de les noyer dans l'alcool. Le monde diminuait, ses amis aussi avaient fini par partir tandis qu'elle en redemandait pour tenter d'oublier son mal-être.

- Continue comme ça et tu vas terminer la réserve. Intervint une voix féminine derrière son dos.

Gabrielle se retourna un peu trop brusquement et trébucha lamentablement sur un obstacle imaginaire. Elle se releva avec l'aide de la fille et une fois debout dévisagea cette dernière un long moment. Elle avait déjà vu cette personne. Soudain son visage s'éclaira.

- Mais c'est ma cambrioleuse ! Dit-elle hilare avant de boire cul-sec son dernier verre.

GabrielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant