Une nuit étrange

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Quand rien n'est prévu, tout est possible...



"Laisse moi du temps" avait finalement prononcé Gabrielle dans la pénombre de la nuit. Juliette se faisait plus insistante et ne comprenait pas ce changement d'avis soudain. Gabrielle lui avait pris la main, elle l'avait embrassée et lui avait même fait sentir que sa présence comptait. Pourquoi se rétractait-elle subitement ? Pour Juliette c'était un "oui" ou un "non" catégorique, pas un entre-deux. Gabrielle semblait jouer. La concernée savait que Juliette ne voulait pas obligatoirement prolongée la soirée dans un même lit, mais là, elle venait de l'embrasser pour finalement la repousser. Juliette ne broncha pas, et raccompagna Gabrielle devant son appartement. Depuis cette nuit-là, la jeune fille n'avait plus eu de nouvelles de Juliette. Elle n'en donnait pas non plus. Finalement, elle n'en ressentait pas le besoin puisque cela impliquait de faire un choix. Gabrielle voulait se donner du temps pour réfléchir mais elle ne réfléchissait pas, fuyant toute responsabilité. Alors il ne se passait rien depuis deux semaines. Si Juliette était passée à autre chose cela se comprenait mais étrangement, elle n'avait pas envie de la perdre.
Gabrielle ne faisait plus la fête avec ses amis tous les soirs et son corps l'en remerciait. Pourtant cette nuit-là, il se passa quelque chose d'étrange. A minuit, un soir d'hiver, les pièces devaient être toutes chauffées et pourtant il faisait froid. C'était même cette température qui avait réveillée Gabrielle. Elle ne s'était pas inquiétée, pensant que c'était une simple panne, jusqu'à ce qu'elle entende un bruit. Un bruit qui ressemblait étrangement à celui qu'elle faisait lorsqu'elle fouillait dans les placards du salon. Prise d'un courage qu'elle ne connaissait pas, Gabrielle attrapa sa vieille batte de baseball qu'elle avait apportée seulement pour ce genre de situation, espérant ne jamais s'en servir. A pas de loup, Gabrielle traversa le couloir pour parvenir à la cuisine. D'ici, elle aurait une vue d'ensemble sur le salon sans être aperçue pour autant. Son cerveau ne l'avait pas trompé, il y avait bien une ombre dans le salon, accroupie devant un des placards. L'adrénaline prit possession de son cerveau, lui hurlant de courir à grandes enjambées ou au moins d'appeler les flics au lieu de rester planté là avec une bête batte de baseball en guise d'invincibilité. Pourtant, elle n'en fit rien, non pas figée par la peur, mais retenant un détail qui captiva toute son attention. Ce placard, c'était celui où elle stockait toute la nourriture qui n'allait pas au frigo. La personne en face d'elle venait ici seulement pour manger. Son ordinateur et son portefeuille se trouvait à un mètre de ce dernier, bien en vu, et il n'y avait même pas touché. Gabrielle s'approcha de lui le plus discrètement possible. Etait-elle folle de risquer sa vie à ce point ?

- Si tu bouges d'un seul pouce, je t'assomme. Compris ? avait durement annoncé la suicidaire.

L'inconnu ne dit mot, comprenant qu'il était piégé par une voix derrière son dos. Gabrielle profita de son intimidation pour fermer la fenêtre grande ouverte et appuyer sur l'interrupteur. La pièce s'éclaira. Prise de court, l'inconnu avait profité de ce moment d'inattention pour se lever  et semblait prêt à bondir sur Gabrielle mais il ne fit rien, se contentant de toiser froidement la locataire. Quant à Gabrielle, elle était plutôt sonnée par la beauté que dégageait la voleuse. C'était une fille qui semblait avoir le même âge qu'elle et n'avait même pas pensé à mettre une cagoule. Ses yeux d'un bleu perçant, semblait mettre à nue la jeune fille qui se trouvait seulement à un mètre d'elle. Satisfaite de son effet hypnotique, la brune arqua un sourcil.

- Alors c'est toi qui est censée m'assommer ?

Par ce ton ironique, Gabrielle se sentait déstabilisée.

- Je... Je l'aurait fait si tu ne m'en avais pas laissé le choix.

Le ton n'était visiblement pas aux vouvoiements. 

- Ca m'étonnerait qu'avec cette épaisseur de bras, t'arrive à assommer qui que ce soit.

Cette discussion en plein milieu de la nuit semblait à la limite de l'absurde. Ce voleur semblait se foutre littéralement de sa gueule alors que c'était normalement l'hôte qui devait avoir un avantage dans ce genre de situation. Elle était en pleine illégalité !
Mais par cette beauté sans égal et son vol, qui n'était autre qu'un besoin vital, Gabrielle prenait du recul. Si la voleuse voulait au moins avoir l'avantage dans une discussion, soit. Après tout, Gabrielle avait un foyer et de la nourriture.
Et puisque la brune ne semblait même pas désolée, Gabrielle analysa que cette dernière avait beaucoup trop de fierté pour qu'elle accepte un don de nourriture.

- Je n'ai pas appelé la police, tu peux t'en aller. Répondit simplement Gabrielle.

- Attends, quoi ? Tu vas me laisser m'en aller alors que j'étais en train de te voler et que j'allais probablement te foutre mon poing dans la tronche pour me casser d'ici. Intervint la voleuse grandement déstabilisée. 

- Contente que tu ne l'ais pas fait, ajouta la jeune fille.

La brune resta muette, se demandant si Gabrielle était complétement jetée ou d'une bonté infinie.
Silencieusement, elle lui adressa un regard de remerciement, que la jeune fille n'oubliera jamais, attrapa un sac et claqua la porte derrière son passage.
Gabrielle ne dormit pas de la nuit, se maudissant de ne pas lui avoir proposé de se reposer ici. Mais pour la brune, c'était un acte bien au delà de toutes ses espérances.

GabrielleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant