Je ferme un à un les boutons jaunes de mon chemisier écru jusqu'au tout dernier, enserrant mon cou. J'en rentre ensuite les pans dans mon pantalon noir et moulant, avant d'enfiler mes ballerines couleur poussin délavé. Mon pouls palpite à fond dans ma poitrine et j'ai l'impression que mes mains tremblent tellement que je me verrais incapable d'écrire la moindre ligne.
Aujourd'hui, en ce jour ensoleillé de septembre, c'est la rentrée universitaire et j'entame ma toute première année à Harvard. Une chance magistrale que je n'aurais jamais pensé un jour pouvoir vivre. J'ai envie de sourire, et de rire, et de partager ma joie avec quelqu'un mais... je suis seule au monde. Cette pensée me terrifie, et avorte l'ombre de joie passée furtivement sur mes traits.
Mes lèvres charnues entrouvertes se réchauffent au rythme de mon souffle brûlant. Je me tourne un instant vers le grand miroir au-dessus de mon dressing, et je peigne mes longs cheveux chocolat, méchés de miel doré, du bout de mes doigts.
Mon air terrifié me donne l'étrange impression de devoir faire face à une épreuve difficile et pourtant, j'ai vécu ce qu'il y avait de pire avant.
Avant... d'arriver ici, avant d'être libre, avant qu'on ne vienne me libérer de l'emprise d'un père abominable. Mes doigts lâchent mes cheveux soyeux avant d'effleurer lentement le col de ma chemise. Sous ce tissu, sur ma peau parée d'une légère marque, j'ai ce rappel constant de mon enfance, de mon adolescence difficile où ma personnalité s'est forgée, toute en froideur et en retrait. Voilà l'une des raisons pour lesquelles je suis si angoissée.
J'aimerais, pour la première fois de ma vie, pouvoir me faire de vrais amis et vivre comme toutes les filles de dix-huit ans peuvent vivre cependant, je ne sais pas comment faire. Et je ne sais pas si j'aurais le courage d'adresser la parole à la moindre personne autour de moi. Je suis trop timide, trop réservée et le pire, c'est que j'aime cette solitude de laquelle je m'entoure. Parce que je sais, au moins, que personne ne pourra me blesser.
Je fronce le nez, faisant bouger les taches de rousseur très claires sur ma peau blanche. Mon regard se pose alors sur mon lit et j'ai envie de m'y jeter pour me cacher dans cette chambre toute la journée. Je crois que mon courage a fondu comme un flocon de neige sur une plage des Bahamas en plein été.
Un gros soupir pas très distingué m'échappe et du bout de ma ballerine, j'éjecte ma valise noire qui glisse sur le parquet parfait pour finir par s'enfouir dans mon placard grand ouvert.
La classe !
Les mains sur mes hanches rebondies, je jette un regard circulaire autour de moi.
Dans le couloir de la résidence des premières années, c'est l'effervescence et les rires résonnent de partout mais ici, dans cette pièce, je suis toute seule. J'ai pu me payer un logement juste pour moi et j'en suis ravie. Je pourrais travailler mes cours sans avoir à m'occuper d'une colocataire.
Toutes les filles du dortoir sont arrivées ce matin à la première heure, moi y compris. J'ai commencé à déballer mes affaires, à décorer ma chambre en attendant le premier cours à dix heures.
Mon lit, censé être pour une personne, est assez large pour un peu de compagnie. Je rougis du simple fait d'y penser. Je n'ai jamais connu la folie d'une relation amoureuse, et je ne sais pas si cela me plairait ou me terrifierait. Probablement les deux, pourquoi choisir ?
Mes draps sont d'un blanc très neutre, mais j'ai cinq coussins qui s'étalent sur le matelas, tous dans des tons ensoleillés très jolis. Derrière la tête de bois foncé, le mur blanc est recouvert d'un sticker immense qui représente un cerisier japonais en fleurs. Des pétales roses tombent ça et là et le résultat me plait beaucoup. J'ai mis au moins une heure à l'installer.

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Harvard Confidential (Harper + Ella)
DragosteQuand elle débarque à Harvard, la seule chose qu'Ella souhaite faire, c'est d'aller en cours. Les études, c'est fait pour elle. Mais bien sûr, il a fallu qu'elle rencontre Harper ou plutôt, qu'elle entre en collision avec lui. Elle est solitaire. ...