Harvard Confidential (Harper + Ella)

Chapitre 6 ➳ Harper

Horrifié par la révélation d'Aspen sur mon passé, par l'amertume qui se peint peu à peu sur les traits de Mia, je me sens au plus mal. Un fossé béant se creuse dans mes entrailles, déversant sa bile jusque dans ma gorge, dans mon sang. J'ai l'impression qu'avec ce secret révélé au grand jour, c'est moi qu'on a trahi. Mon intimité, mon passé, ces souvenirs que j'aurais voulu garder enfermés dans une boîte. Ma peau se couvre de frissons, de petites échardes pointues et incurvées s'y plantant peu à peu et l'arrachant sans délicatesse.

— Tu veux en savoir plus ? susurre Aspen à l'intention de Mia.

— Tais-toi, m'indigné-je d'un râle blessé, avant même qu'elle n'ait pu lui répondre.

— Pourquoi est-ce que je me tairais ? Elle a le droit de savoir, non ? Harper aime les femmes avec de l'expérience et quelques kilomètres de plus au compteur. Je me demande bien ce qu'il peut te trouver, ma belle. Peut-être qu'il veut savoir ce que ça fait, d'être au-dessus, glousse-t-elle. Ou de se taper une nana qui n'aurait pas vu passer plus d'hommes que tu ne pourrais en compter.

Paniqué, humilié, je me tourne vers ma petite étudiante en me demandant comme elle prend tout ça. Comment... Merde, elle va croire que je me sers d'elle, à présent. Elle va penser que je ne suis qu'un connard qui cherche à s'amuser, sans rien vouloir de plus, alors que c'est à l'exact opposé de qui je suis.

— Mia, je...

Ma voix se coupe. Le bonheur fugace passé sur ses traits un peu plus tôt, quand nous déjeunions ensemble, s'est éteint avec violence.

Elle tourne le visage vers moi, furieuse, les joues rougies par une colère qui fait briller ses yeux.

— Écoute, Harper, me coupe-t-elle, tu as le droit d'avoir eu des aventures avec qui tu veux. Je ne vais pas te juger sur tes choix. Tant que tu ne me dis pas que tu es passé sur Asperge comme, probablement, toute la population masculine de Boston avec un Q.I inférieur à cinquante, ça me va.

Choquée, la rouquine rougit à son tour et réalise probablement qu'elle n'aurait jamais dû s'en prendre à Mia. Sa répartie est toujours au point quand elle est en confiance. Quand elle est près de moi...

— Non, je te rassure. Elle et moi, ça n'a jamais été plus loin d'un bonjour vaguement pensé. Ça ne se reproduira plus, en plus.

Mia semble soulagée. Aspen, elle, fulmine d'avoir été traitée de la sorte.

Nous nous détournons d'elle, et pour la faire enrager, je me penche sur Mia, et murmure à son oreille quelques mots qui l'apaisent à nouveau. Je ne veux plus la voir aussi furieuse et blessée. Plus jamais. Pour autant, la sentir se raidir quand je m'approche d'elle me blesse davantage que toutes les horreurs qu'Aspen pourrait révéler sur mon passé.

Notre professeur de Biophysique arrive quelques minutes plus tard, m'empêchant de m'excuser un millier de fois, comme je voudrais le faire. Fringuant et motivé, il nous sert un cours assommant qui a le mérite de faire peur à plus d'un élève. Le niveau est élevé. Beaucoup plus élevé que ce à quoi je m'étais attendu. Malgré mes soucis de santé, dernièrement, j'ai toujours été un très bon élève, habitué depuis la primaire aux établissements scolaires de haut niveau. Là, je crois que je vais devoir travailler d'arrache-pied pour arriver à la moyenne. Le défi pourrait me plaire et me faire oublier tout ce que j'ai perdu en cours de route. Ne dit-on pas que le meilleur moyen d'effacer un échec est de viser une autre victoire ?

Les étudiants de notre classe font partie du Département des Arts et des Sciences, la plus grande des sept facultés qui constitue Harvard. Elle est à la pointe de la technologie en ce qui concerne la recherche et l'enseignement. Si certains d'entre nous sont arrivés ici grâce aux comptes en banque fournis de leurs parents, d'autres ne sont là que parce qu'ils sont doués. Si je ne veux pas planter mon année, j'ai des efforts à fournir. Beaucoup d'efforts. Et ça ne me fait pas peur.