La fille avec les cheveux ternes

Les araignées de Mars

« Ziggy? » L'homme-étoile se retourna. Il avait fini pas s'habituer à ce surnom que lui avaient donné les araignées de Mars deux ans plus tôt, lors de leur première rencontre. Elles avaient apprécié sa musique et avaient donc accepté de l'accompagner lors de ses tournées. C'est pourquoi elles étaient avec lui, dans la loge, toujours aussi monstrueuses, bien plus grosses et répugnantes que les araignées de la Terre. « Qu'est-ce qu'il y a? » demanda Ziggy en se retournant vers le miroir et en continuant à se maquiller. « Tu as l'air beaucoup plus stressé que d'habitude. Quelque chose ne va pas? » La première araignée qui lui servait de guitariste avait pris sa forme humaine et s'était rapprochée de lui, ses longs cheveux blonds lui cachant la moitié du visage. « Je vais très bien, répondit l'homme-étoile. C'est juste que, si mes calculs sont exacts, je devrais revoir ce soir une personne que je n'ai pas vue depuis cinq ans. Et c'est entre autre grâce à cette personne que je suis ici ce soir, donc je stresse un peu. » En entendant cela, les deux autres araignées prirent à leur tour leur forme humaine et se précipitèrent vers Ziggy. « Vraiment? Tu attends une personne? Et quel genre de personne? demanda la deuxième araignée.
- Connaissant le petit Ziggy, sûrement une jolie brune avec une poitrine... imposante, dit la troisième avec un petit sourire.
- Tu veux plutôt dire: « connaissant le petit Ziggy, sûrement un joli garçon avec des yeux craquants dont il ferait bien son quatre heure! » s'écria la deuxième, et les deux araignées partirent dans un rire gras. Mais l'homme-étoile ne répondit pas. Il était trop occupé à se regarder dans le miroir. La fille avec les cheveux ternes le reconnaîtra-t-il seulement? Quand il l'avait quittée, il était seulement un jeune homme qui pouvait facilement se fondre dans la foule. Maintenant... c'était un peu plus compliqué. Il s'était métamorphosé en une sorte d'extraterrestre ultra glamour, avec des cheveux rouges flamboyants et le visage étrangement fin. Pour un peu qu'elle fusse loin dans la salle, elle ne verrait jamais que s'agissait du même. Mais ses chansons... oui, elle reconnaîtrait ses chansons. Il jouera celle qu'il avait chanté la nuit de leur rencontre, et celle qu'il avait composé en utilisant les mots exacts qu'elle avait utilisés lorsqu'il lui avait demandé ce qu'elle était. Elle saura que c'est lui, oui, elle saura. « Je sais comment te calmer, dit soudain l'araignée guitariste.
- Ah, vraiment?
- Oui. Sors moi le petit sachet de poudre blanche.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Allez, dit l'araignée avec un sourire. Fais moi confiance. » A contrecœur, l'homme-étoile sortit le sachet de sa poche. Il le gardait tout le temps avec lui, attendant le « moment venu ». Il semblait être finalement arrivé. L'araignée en versa le contenu sur la table et forma une ligne fine. « Voilà, dit-elle. Maintenant, respire tout ça d'un coup, et vite.
- Tu es sûr? Demanda un Ziggy inquiet.
- Certain. » L'homme-étoile, fidèle à sa promesse, tenta alors de se remémorer le crâne sombre de Major Tom et ses joyaux étincelants. Mais c'était décidément une image très étrange, alors il se contenta de la combinaison avec l'étoile noire et respira d'un coup la ligne de poudre. Alors, il ne se sentit pas décontracté, mais plutôt prêt à affronter n'importe quelle situation. Pas désagréable, comme sensation. Il se leva de sa chaise et, tout en fermant la fermeture éclair de son costume moulant et brillant, dit d'un ton plus qu'assuré: « Allons-y. »