L'instant d'une vie

Chapitre 4

     Face à la question inattendue de Sasha, mon cerveau s'arrêta net et mon sang ne fit qu'un tour. Le jeune garçon lâcha un sourire amusé. 

« Non, je déconne ! »

L'adolescent se mit à rire, alors que pendant ce temps, mon cerveau se reconnectait d'une lenteur que je lui avais rarement connu. Il sourit doucement en posant sa tête contre la paume de sa main. 

« Blague à part, je pense que tu sais pourquoi je t'ai fais venir. 

- Je crois, répondis-je simplement encore sonnée sous le coup de sa blague.

- Tu aimes Juliette ? 

Sasha n'était pas passé par quatre chemins et de nouveau, une tension plana au-dessus de nous. Son regard avait changé, il était sérieux. Je sentis ma gorge s'assécher au rythme des secondes qui défilaient en silence. Comme s'il avait compris mon état actuel, il reprit la parole. 

- Tu sais, j'aime Juliette et d'ailleurs c'est réciproque. On pense à sortir ensemble. Mais Léonard m'avais laissé entendre que tul'aimais aussi... Je pense aussi que Juliette s'en doute. Donc, j'aimerais savoir si c'est vrai.

Une boule se forme dans ma trachée, étrangement, ces mots ont eu raison de moi. J'ignore pourquoi, mais sur le moment mon cœur a commencé à battre à tout rompre. Je pouvais sentir le moindre de mes battements sur le bout de mes doigts. J'ai tout de suite compris que ma réponse allait influencer la suite des événements. Que faire ? Dire la vérité à Sasha ? Je risquerai de perdre mes amis à tout jamais et une sorte de gêne commencerait à s'installer entre moi et Juliette. Je ne supporterai pas de la voir progressivement s'éloigner de moi. Serait-elle capable de prétendre que tout cela n'est jamais arrivé ?M'ignorera t-elle ? C'est définitif, elle aime Sasha. Je n'ai donc pas à lutter, je suis obligée de baisser les bras et de laisser leur amour s'épanouir. Je suis obligée de mentir, de me résoudre à la laisser partir. Je ne sais pas ce qu'il m'a prit mais, après une grande inspiration je répliqua sur le moment :

- Qu'est-ce que tu racontes ? Je n'ai jamais aimé de cette façon Juliette, avouais-je sans hésitation et avec le sourire.

- Vraiment ? demanda-t-il étonné de ma réponse. 

- Juliette est comme ma meilleure amie. C'est vrai que j'aime les filles, mais, pas Juliette. Elle n'est vraiment pas mon style ! confirmais-je en appuyant sur ces derniers termes,je pense que Léonard t'a joué un tour ! »

Je riais pour souligner mes propos devant la mine soulagé de mon ami qui était quand même gêné d'avoir bêtement cru les dires de mon ami d'enfance. Je n'ai pas arrêter de le taquiner à ce sujet, lui qui se faisait constamment avoir par Léonard, semblait croire mon mensonge. En réalité, je craignais qu'un silence gênant se mette entre nous et que Sasha finisse par comprendre qu'effectivement j'avais des sentiments pour elle et qui était bien plus puissants que ceux qu'il possédaient envers elle. C'était un mélange de tendresse, d'amour et de passion qui me liait à Juliette, je suis sûre qu'il l'aimait juste parce qu'elle était belle et intelligente, et qu'il ne pourra jamais l'aimer autant que moi. 

Par la suite, on discutait de comment il trouvait Juliette et ce qui lui avait dit hier en sport. J'avais totalement raison, il ne ressentait pas ne serait ce qu'un tiers de l'amour que j'éprouvais la première fois que je l'ai vu. Ils ne resteront pas longtemps ensemble c'est sûr. Quel dommage qu'il n'ait pas réellement développé leur discussion, mais au fond cela m'apaise, je ne pense pas que j'aurais supporter l'entendre donner des détails sur à quel point Juliette l'aime. Rien que de le savoir me faisait bien assez du mal.

Je souriais, riais, le conseillais sur comment être avec Juliette. Le temps passait et il semblait que Sasha était ravi de savoir que je ne serai pas un obstacle à sa romance, je continuais donc de jouer cette comédie pour eux, mais je sentais bien que je ne tiendrais pas encore. Alors qu'il rayonnait à vue d'œil de joie, moi je plongeais lentement dans le gouffre de ma tristesse perdant petit à petit le moyen de remonter la pente. Au bout de quelques heures, je prétexta un rendez-vous avec mon père pour couper court à la conversation. Néanmoins sur le chemin du retour je ne pouvais m'empêcher de réfléchir.