Chapitre 1

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     Un son assourdissant retentit à mes oreilles. Je poussais un grognement en glissant mon index sur l'écran et je retournais sous mes couvertures. Cinq minutes plus tard, un nouveau son désagréable vint à mes oreilles. Ce n'était ni le téléphone, ni une quelconque horloge, c'était mon petit-frère qui courait dans la maison en direction de ma chambre. J'eus à peine le temps d'apercevoir l'ombre de son petit corps bondir dans les airs, que le fourbe s'écrasa de tout son poids sur mon ventre. Mon souffle coupé sur l'instant, je manquais de mourir pour la énième fois depuis qu'il avait décidé de me réveiller à la place de mon père. 

« Grande sœur, réveilles-toi !Il est l'heure ! cria-t-il dans mes pauvres oreilles. 

-  Théo, c'est le matin... !grognais-je en posant mon oreiller sur son visage.

- Oui, justement ! »

C'était avec le cerveau encore endormi que je me levais avec toute la mauvaise volonté dont pouvait faire preuve une personne de mon âge. Mes mèches de jais retombant sur mon visage, ne me laissaient même pas apercevoir ce qui se trouvait juste sous mon nez. Mon frère était reparti de ma chambre comme il en était venu, et j'entendais les cris de sa prochaine victime. Je rassemblais le peu de force que j'avais pour me mettre debout sur mes deux pieds et je me dirigeais vers la salle de bain. J'en ressortais trente minutes plus tard, en sous-vêtements. Puis j'enfilais un jean, un sweat et une veste et choisissais une paire de chaussure. Je ne me définissais pas comme compliquée, niveau habits, on pouvait juste me donner un jean et un t-shirt et j'étais contente. D'après moi, c'était parce que je ne vivais qu'avec des hommes. Avec la mort de ma mère quand j'étais enfant, je n'ai jamais eu de modèle féminin. Devant le miroir, je regardai mes cheveux ébouriffés. Les ayant à la nuque, ils n'étaient pas d'un réel problème. Ils étaient juste rebelles le matin. Quant à mes yeux, j'avais « les yeux noisettes de maman », d'après mon père. Il me le répétait sans cesse. Je me faisais rapidement une queue de cheval avant de prendre mes affaires et descendais les escaliers pour arriver dans la salle à manger. Je déposais mon sac auprès de ceux de mes deux autres frères, avant de m'installer sur une chaise. 

« Salut P'pa, ça va ? demandais-je machinalement en prenant une biscotte sur la table. 

- Oui et toi, ma chérie ? merépondit-il avec le sourire.

- Ouais. 

- Je vais bien aussi, merci de vous en inquiéter, dit une autre personne sur la table en s'incrustantsarcastiquement dans la conversation. 

- Tant mieux pour toi, Nathan,répondis-je en mangeant.

Il n'eut pas le temps de me répondre, que mes deux autres frères descendirent l'un en courant, et l'autre en se plaignant.

« Papa, empêche Théo de nous réveiller comme ça c'est vraiment douloureux ! 

- Oui oui, va t'asseoir. »

Le petit-déjeuner se passa entre chamailleries et soupirs. Ma famille avait toujours eu cette capacité insolite d'avoir de l'énergie à revendre dès le matin. C'était devenu un rituel pour moi, le matin ne pouvait être calme. 

     Arrivée comme d'habitude à l'arrêt, une dizaine de minutes à l'avance, je commençais à jouer sur mon smartphone jusqu'à l'arrivée du bus. J'y rentrais en saluant le chauffeur, et me dirigeais vers le fond à la recherche d'un visage familier. Je scrutais les sièges, espérant apercevoir un signe. Je finissais enfin par voir une main se lever, accompagnée d'un sourire éblouissant. J'emboîtais alors le pas vers elle. Lorsque je l'atteignais, la jeune fille déplaça son sac du siège pour m'offrir une place.

« Salut, commençais-je, ça va ? 

- Oui et toi ?

- Théo a encore attenté à ma vie ce matin, dis-je en plaisantant. 

- Tu as de nouveau survécu à ce que je vois, répondit-elle sur le ton de la rigolade aussi. 

La jeune fille m'observa comme à son habitude. C'était une sorte de coutume maintenant, mais j'étais toujours aussi gênée quand elle le faisait. C'est-à-dire que, son visage au teint clair et aux traits si fins était si proche de moi que j'en rougissais presque à chaque fois. Mais j'en profitais toujours pour la détailler du regard aussi, avant d'être de nouveau complètement embarrassée et de détourner le regard en sortant la même rengaine : 

- Arrête Juliette, c'est vraiment bizarre quand tu fais ça...

- Mais j'essaye de prédire la météo avec la nuance de tes yeux !

- Oui, c'est bizarre... 

- De toute façon, il pleuvra à un moment, il y a une nuance grisée sur tes pupilles, répondit-elle en s'éloignant de moi. » 

Sa bouille remplie de tâches de rousseur et son sourire ravageur me regardaient de nouveau pendant que je réfléchissais aux milliers de phrases que je pouvais lui dire au cours du trajet.

L'instant d'une vie Où les histoires vivent. Découvrez maintenant