Chapitre 1

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Appuyée contre la portière de la voiture, je fus tirée de mon sommeil lorsqu'on me secoua vivement.

— Sérena. Hé, réveille-toi.

La voix de mon petit frère Gabriel me parvint. Avec un petit grognement, j'ouvris les yeux et le regrettai aussitôt. La lumière du jour me brûla la rétine et accentua mon mal de crâne. Retenant un juron, je tirai sur la capuche de ma veste pour me couvrir le visage et retournai à ma position initiale. Le rire de mon frère résonna dans l'habitacle.

— Allez, bouge-toi ! Ça fait plus d'une heure qu'on est arrivés !

Une heure ? pensai-je, surprise. Pas étonnant que je sois enfin parvenue à m'endormir. Je détestai lorsqu'on roulait aussi longtemps. Cela me donnait la nausée et un mal de crâne insupportable. J'avais dû m'endormir en cours de route et visiblement mes parents m'avaient laissé me reposer.

— Si ça fait plus d'une heure, tu peux bien me laisser cinq minutes de plus, Gaby, marmonnai-je en sentant mon frère me secouer à nouveau.

— Papa m'a dit de te réveiller pour qu'on choisisse nos chambres ! Si tu ne te bouges pas, je vais choisir pour toi et il ne faudra pas venir te plaindre !

— Une chambre ou l'autre qu'est-ce que ça peut faire ? On ne restera pas longtemps ici non plus...

J'entendis parfaitement le soupir agacé de Gabriel. Seulement le coup de jus que je reçus à son contact me prit complètement par surprise. Sursautant, je me redressai sur mon siège et lui lançai un regard noir.

— Gaby, putain ! jurai-je en entrapercevant la charge électrique de son pouvoir glisser au bout de ses doigts. Ça fait un mal de chien !

— Papa m'a dit de te réveiller, il n'a pas précisé comment !

— Et Maman t'a déjà dit de ne pas utiliser ton foutu pouvoir d'électro-kinésiste sur moi !

— Ce n'était qu'une petite décharge de rien du tout. Ne fais pas ta chochotte, S.

Assis sur la banquette arrière de la voiture, mon petit frère ignora avec enthousiasme mon irritation. Sortant un feutre de son sac, il déplia sa carte fétiche et l'étala entre nos deux sièges. Lorsque je le vis ouvrir le vieux papier jauni, je ne pus contenir un soupir. Il y a quelques années, mon frère avait commencé à entourer les villes dans lesquelles nous avions séjourné. J'ignorai à quoi cela lui servait, mais en voyant les nombreux cercles sur la carte, un goût amer se glissa dans ma bouche.

— Tu devrais te débarrasser de ce truc. C'est déprimant.

On n'avait clairement pas besoin qu'un bout de papier nous rappelle l'instabilité de notre situation. La réalité était suffisamment déprimante comme ça. En onze ans, nous avions connu vingt-deux villes. Vingt-deux déménagements décidés du jour au lendemain par nos parents. Ces derniers nous entraînaient sur la route prétextant que la carrière professionnelle de notre père exigeait ce maigre sacrifice. Pourtant, mon frère et moi connaissions la véritable raison de ces incessants déménagements. J'étais cette raison...

— À quoi ça te sert d'ailleurs ? m'enquis-je pour tenter d'oublier la cause de ces va-et-vient qui bouleversaient notre quotidien.

Tout en parlant, je m'étirai. Mes muscles firent aussitôt la grimace. Bordel, dormir recroquevillée contre la portière de la voiture était une vraie torture ! Mes jambes, raides d'être restées immobiles pendant des heures, me lançaient et ma nuque me faisait un mal de chien. Je détestai vraiment les voyages en voiture...

— Ça me servira un jour.

Tout en s'affairant sur sa carte, je vis Gabriel esquisser un étrange sourire. Je compris immédiatement à quoi servait cette carte. Elle avait pour but de l'aider à se rappeler quelles villes nous avaient chassés et humiliés. Elle allait lui servir dans la quelconque vengeance qu'il prévoyait dans l'avenir.

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