Chapitre 2. Yancy.

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Je partis à l'aube faire du surf pour éviter de supporter l'arrivée de Yancy. J'ignorais l'heure à laquelle il débarquerait alors je ne voulais prendre aucun risque et me préparer moralement à sa présence. Je fermai la porte le plus discrètement possible, ce qui n'était pas évident avec tout le matériel que je me trimbalais.

Deux heures plus tard, nous étions tous en combinaison, planche sous le bras, dressés face aux vagues, comme les Avengers face à l'ennemi suprême, Thanos. Ouais, j'aimais bien cette idée. Je me lançai sur chaque vague comme un acharné, même les plus pourries, pour m'épuiser physiquement afin d'anesthésier mon cerveau.

— Il va nous faire un AVC, grommela Kenneth, alors qu'un beau rouleau nous avait tous menés jusqu'au sable.

Je ne parvenais pas à me relever. Parce que je n'arrivais pas à reprendre ma respiration. Le paradis iodé qui s'étalait autour de moi devenait mon propre enfer et par ma seule faute.

— Calme-toi, Ty, me conseilla Alton en s'agenouillant dans la flotte pour me masser le dos. Respire par le ventre, puis tu pourras te redresser.

— Il faut qu'il arrête là, ajouta Cora. Tu en assez fait, mec.

— Je suis d'accord, renchérit Lesley, en rejetant en arrière ses cheveux bleus.

— On peut parler, si tu veux, proposa Alton.

Je me redressai sur les coudes, le menton dans l'eau, la figure pleine de sable et secouai négativement la tête.

— Manger un truc ? proposa Lesley.

— Ouais, quand il ira un peu mieux, dit Alton. Aidez-moi à l'asseoir contre un rocher, là-bas.

Les vagues roulaient, semblaient me gronder, m'inviter à me comporter autrement. Il y avait tellement longtemps que je discutais avec elles.

— En tout cas, tu n'y retournes pas, je ne veux pas que tu te fracasses la tête sur un rocher, estima Alton, tandis que la mousse hargneuse du Pacifique nous entourait. Repose-toi.

Dès que je me sentis mieux, je me redressai. L'air mécontent, Lesley agita son portable sous mon nez. Je haussai les épaules pour toute réponse et je m'emparai de mon poncho de surf en éponge pour me changer dessous.

— Ah non, tu ne te rhabilles pas tout de suite ! protesta-t-elle. Tu vas près de ta planche en combi et tu me fais un sourire. Il n'y a que toi qui as fait la gueule sur toutes les photos que j'ai prises de notre groupe.

— Est-ce que c'est ma faute si un connard de délinquant vient s'installer chez moi ? bougonnai-je.

— Non, mais faire la gueule au lieu d'essayer de t'amuser, oui, c'est ta faute, aboya-t-elle.

Elle n'avait pas vraiment tort. Je soupirai, lâchai mon poncho, m'approchai de ma planche et je lui lançai le sourire plus éblouissant que je pus.

— On dirait Ryan Gosling dans Drive, pouffa Cora. Cette joie sur le visage, tout ça.

— Merci, grognai-je, je suis flatté.

— Mouais, ça suffira, dit Lesley en observant sur son écran la photo prise.

— Attends de voir ton invité avant d'appréhender trop, me conseilla Alton, en me posant une main sur le bras, et je ne pus m'empêcher de sourire face à cette bouille douce, souriante, sous les cheveux blonds mouillés par les flots tumultueux du Pacifique.

— Ah, tu viens de rigoler, Ty, cette photo est chouette, je t'ai eu ! triompha Lesley en sautant en l'air.

Dès mon retour à l'appartement, je me dirigeai directement vers ma chambre, pour y poser contre le mur ma planche, bien rangée dans sa housse. Lorsque je ressortis de ma piaule, je m'aperçus que la porte du débarras était entrouverte. Je la poussai. Cette pièce, munie d'une fenêtre donnait sur la rue, tandis que nos chambres donnaient sur un parc. Plutôt que d'en faire un bureau aléatoire, nous en avions fait une buanderie et le lieu où ranger tout ce qu'on pouvait y mettre. J'ouvris davantage la porte. La table à repasser et le reste du bordel avaient disparu, pour laisser place à un lit tout simple, petit, un bureau minuscule, une chaise. Heureusement que le dressing était inséré dans le mur car il n'y avait plus aucun espace libre. La valise de notre hôte était ouverte sur le lit.

Toujours plus loin avec toi, roman édité, cinq chapitres disponibles.   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant