Chapitre 3

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Toute la matinée m'a semblé inquiétante. Je tremblais comme une feuille. Mais le déjeuner se passera sans doute à merveille...

Après midi, comme à chaque 7 avril, on ira voir la tombe de maman, avec le prêtre qui nous parlera d'elle et nous laissera lui dire plusieurs mots. Ce sera la première fois que j'irai car avant, j'étais trop petite et qu'il fallait avoir dix ans pour pouvoir le faire.

Au déjeuner, on mange maigre. Juste une petite soupe aux légumes et du fromage.

- Blanche, Aloyse, Ysandre, c-a-k-e, ordonne papa la mine sombre en épelant le dernier mot.

Je fais une drôle de tête. Non seulement il a juste demandé à Blanche, à Aloyse et à Ysandre d'aller chercher ce « cake ? » et en plus il dit un mot bizarre. Alors je me lève et commence à débarrasser quand papa me prends par le bras et m'oblige à me rasseoir.

- Papa...

- Reste ici.

Je me dis que ça fait sans doute partie de la mort de maman. Alors j'obéis.

- Papa ? appelle Blanche depuis la cuisine. Viens voir !

Papa me regarde, se lève et me fait signe de ne pas bouger. Ce que je fais. Pourtant, ça me tracasse et mon cerveau me dit d'aller voir ce qu'il se passe. Mais mon instinct me dit que je dois leur faire confiance. Pendant un instant, je crois voir le chien. Hope... Hope ! C'est le nom du chien ! Puis, j'entends :

- Joyeux anniversaire, Cébren, chantent tout le monde.

Mes yeux s'illuminent. Ils continuent la chanson jusqu'à poser le gâteau sur la table avec dix bougies autour. Je ne sais pas quoi dire. Je reste figée là, comme si j'attendais que les bougies s'éteignent. C'était là, la première fois qu'on fêtait mon anniversaire comme ça...

- Vas-y, s'empresse Aloyse. Souffle !

... comme si on oubliait maman. Mes yeux se remplissent de larmes. Ma respiration ralentit et j'ai l'impression que tout passe au ralentit aussi. Je tourne lentement la tête vers papa qui se mouche dans un mouchoir, les yeux rouges. Les miens commencent à être embrumés. Je me lève et m'en vais en courant. En montant des escaliers, je sens mes larmes tomber. Je sanglote et entre dans ma chambre en me cognant vivement l'épaule contre l'encadre de la porte. Je pousse un gémissement et passe ma main dessus en sentant une douleur : un bleu. Comme dans mon « rêve »... Je ferme la porte d'un coup de pied et m'effondre au sol, les mains mouillées. Je les regarde un bon moment, sanglotante, tremblante... C'était ça l'épreuve : ne pas me souvenir de maman. Mais pas que. Je crois qu'ils voulaient m'expliquer sa mort. Mais moi, je n'avais pas envie.

L'eau de mes mains devient rouge sang. Je pleure tellement que je pleure du sang. Des gouttes de sang. J'essuie mes yeux d'un revers de manche et quand je la regarde, une trace rouge vif y est. Alors je décide de m'arrêter de pleurer un instant. Mais je n'y arrive pas.

##

Je ne sais pas comment j'ai fais pour m'arrêter de pleurer. En tout cas, je n'ai pas eu le temps d'enlever les traces de sang, et sur ma manche, et sur mon parquet. Je suis dans la voiture avec les autres, le regard collé à la vitre. J'arrive à me voir dedans : une gamine blonde, presque blanche aux yeux bistrés et des joues rouges. Mes dents de devant m'empêche de fermer complètement ma bouche.

Personne ne parle. De toute façon, je n'ai aucune envie de parler. Alors papa fait le premier pas :

- Cébren... Tu... Tu n'as toujours pas soufflé ta bougie... se désole papa en me regardant dans le rétroviseur.

Je ne réponds pas. Blanche me regarde tristement, fait un petit sourire en coin et me caresse les cheveux. Blanche et moi sommes devant, tandis que les deux autres son dans le coffre. La place vide est celle de... Maman.

Les HooperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant