Chapitre 2.

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Loïc et Cléo avaient enfin pris le chemin pour retrouver des amis du jeune homme à l'arrêt de bus le plus proche. Celui-ci eut l'impression d'attendre durant des heures que sa petite sœur daigne finalement à sortir de la salle de bain. Que pouvait-elle faire durant tout ce temps ? Elle n'avait pas pris de douche ce matin, elle s'était juste habillée normalement et maquillée quelque peu. Il aura beau dire aux gens qu'il connait sa sœur par cœur, une part de mystère restait bien ancrée au milieu des deux jeunes gens, comme une barrière insurmontable. Il aimerait tant comprendre ce qu'il se passe dans la tête de Cléo, par moment il la sentait totalement perdue et déboussolée. Cela lui brisait le cœur. Comme à cet instant, alors que le jeune homme parle et plaisante avec ses amis, Cléo s'est isolée dans un coin de l'arrêt de bus, les écouteurs vissés dans les oreilles, regardant le sol, absorbée par quelque chose qui semblait si noir, si effrayant. Il pouvait le lire dans ses yeux, dans son expression, sa petite sœur n'allait pas bien. Alors, il jonglait entre ses camarades qui essayaient, tant bien que mal, de capter son attention, et la jeune femme qui était si loin et si proche à la fois. Quelques vannes douteuses, et ils réussissaient à décrocher un sourire au beau brun qui essaya de ne plus trop s'inquiéter du comportement de sa sœur, même si cela l'angoissait de plus en plus. 

Au bout d'une quinzaine de minutes, le bus de ville arriva à l'arrêt, emportant avec lui les quatre jeunes personnes qui l'attendait. Cléo se plaça au fond, sans concerter son frère. Elle semblait vouloir rester un peu seule. Il décida de la suivre et de s'installer non loin de là mais d'une certaine distance, avec ses deux amis, jetant tout de même par moment, un œil protecteur sur sa petite sœur. 

Durant le trajet, Cléo ne décrocha pas un mot, elle se contentait de regarder le paysage de cette petite ville défiler sous ses yeux bleutés. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle était ainsi, toujours avec ce goût d'amertume embaumant son cœur, alors que son frère paraissait s'épanouir et effacer ce qui aurait pu le tourmenter. Elle ne le disait pas, mais elle était vraiment fière de lui. Elle aurait aimé avoir sa force et son courage pour tout vaincre comme il le faisait chaque jour passant.

Après moins de dix minutes de bus, ils étaient arrivés à bon port. Quand ils descendirent du bus, ils marchèrent un tantinet pour faire face à un bâtiment en pierres blanches. C'était un lieu fréquemment visités par les jeunes gens, encore plus par Cléo, qui s'y rendait quotidiennement. C'était un lieu bien connu de tout le monde ici, signe de retrouvailles et de bon temps. Mais pour la jeune femme, c'était bien plus que cela. Ce lieu constituait pour elle un endroit d'épanouissement et d'expressions. En effet, il s'agissait de l'association des jeunes artistes de la ville. Dans le hall d'entrée, plusieurs arts figuraient : la photographie, la peinture, le dessin, la poterie... Cependant, la sculpture demeurait la passion première de Cléo. En sculptant la cire, l'argile, et surtout la pierre, la jeune femme se sentait revivre, c'était son moyen d'évacuation, sans cela elle perdrait totalement le contrôle de ses émotions et donc d'elle-même. Son frère, quand à lui, préférait de loin la photographie. De toute manière, et il le savait que trop bien, il n'avait pas la patience et la dextérité pour effectuer des travaux aussi manuels que la sculpture.

En avançant encore un peu dans le bâtiment, un petit groupe attendait patiemment devant une grande porte en bois, en discutant dans le calme. Il y avait une vingtaine de personnes, comprenant Cléo, Loïc et ses amis. Au bout de quelques minutes, la porte s'ouvrit, et un petit homme grisonnant avec des lunettes placées au bout de son nez, habillé d'une chemise à carreaux, d'un pantalon en velours, et de vieilles bottes marrons, fit son apparition. Mr Jean était à l'origine de cette association, trouvant les écoles d'arts hors de prix, il avait mis tout son temps, toute son énergie mais surtout tout son amour dans ce projet il y a maintenant vingt ans. Son travail fut payant, car quelques uns de ses élèves avaient trouvé le succès grâce à celle-ci. Désormais à la retraite, il y consacrait chaque seconde de sa vie. Ce vieil homme encourageait énormément Cléo, et lui redonnait espoir. Il croyait en elle, et la trouvait vraiment douée dans son art. Pour la jeune femme, il constituait une figure paternelle. Alors oui, ce lieu représentait beaucoup pour elle mais Mr Jean également. Ainsi, elle ne pouvait se résigner à ne plus y aller chaque jour.

L'homme grisonnant laissa entrer et s'installer les personnes présentes, la salle ressemblait à un petit amphithéâtre, semblable à une classe universitaire. Une fois tout le monde assis, le silence ne se fit pas prier. En effet, tous trépignaient d'impatience de savoir ce qu'allait annoncer Mr Jean. Quand hier il avait prévenu de cette réunion de dernière minute, il parut si sérieux et si enthousiaste à la fois, qu'il suscitait la curiosité de chacun. Il se plaça sur l'estrade, en mettant ses mains de part et autre de ses hanches et regarda l'assemblée. La tension était palpable. Il attendit quelques secondes, faisant languir son public. Il se racla la gorge puis daigna enfin à prendre la parole :

« - Bon, jeunes gens, l'instant est crucial pour notre très chère association... »

Le silence se fit encore entendre, les élèves attendant la suite. Une personne toussa, et Mr Jean reprit :

« - J'ai une grande nouvelle à vous annoncer. J'ai été contacté par l'agent de Natalia Stanvisky hier matin, elle désire rendre visite à notre association pour un futur projet des plus promettant.»

Cléo sentit les bouches grandes ouvertes et l'excitation des jeunes gens se trouvant autour d'elle, y compris son frère. En effet, Natalia Stanvisky, native de cette petite ville et d'une riche famille, connue pour ses nombreux rôles au cinéma, puis pour sa grande agence de mode, allait refaire son apparition après des années dans l'agglomération. Cela n'emballait guère Cléo, qui n'en avait rien à faire de toute cette célébrité, considérant tous les people comme des personnes lambda. Elle ne comprenait donc pas l'enthousiasme qui émanait de la salle de cour. Trouvant même cela complètement ridicule, à la limite de l'agaçant.

 « - Tu te rends compte ? Natalia Stanvisky ! Le truc de fou ! »

Cléo donna un regard méprisant et dédaigneux en guise de réponse à Loïc.

« - Quoi ? T'es pas contente ? (Il semble surpris par le peu de réaction de sa sœur.)

- Qu'est ce que tu veux que cela me fasse ? C'est une personne comme toi et moi, sauf qu'elle, elle pète plus haut que son cul. »

Loïc manqua de s'étouffer puis rigola fortement. Il ne s'attendait pas à cela de sa sœur, ce n'était vraiment pas dans ses habitudes de s'exprimer ainsi. Mr Jean se racla encore une fois la gorge, cette fois en regardant le jeune homme afin qu'il se calme un peu.

Natalia Stanvisky était une célébrité de trente cinq ans de cette petite ville. Elle régnait dans la presse, à la télévision, à la radio... Bref à tout ce qui pouvait faire parler d'elle. Et c'est bien pour cela que Cléo n'aimait pas que la célébrité fasse son retour. Elle n'avait pas pour habitude de croire ce que disent les journaux, mais après avoir regardé quelques interviews de la star en herbe, elle l'avait trouvé très hautaine, avec des idées que la jeune femme ne partageait pas et qui la révoltait. Alors oui, en effet, à son sens sa répartie s'adressant à son frère était méritée.

« - Tu es complètement folle soeurette, t'imagine pas l'ascension que cela va avoir sur l'association. Finit-il par dire sérieusement. »

Loïc se tut, laissant Mr Jean reprendre là où il en était :

« - Elle viendra nous voir demain, à quinze heures, alors s'il vous plait soyez tous présents avec une de vos œuvres à lui présenter. Je vous laisse repartir, ne laissez pas l'enthousiasme laisser place à l'anxiété, tout se passera bien. »

Alors c'était pour cela cette "fameuse" réunion ? Pensa Cléo. Elle était un peu déçue, elle s'attendait à tout sauf à cela. Demain après-midi, ce sera surement la folie dehors, du monde qui court partout, des flashs de photographes, des journalistes intrusifs... Elle n'aimait pas cela, la foule. Et en plus de cela, il va falloir lui présenter une œuvre ? Elle qui déteste être au centre de l'attention. La journée du lendemain risque d'être compliquée pour Cléo, qui avait trouvé en ce lieu un havre de paix et de sérénité.

Natalia StanviskyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant