• t r o i s •

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Le réveil était toujours une étape difficile lorsqu'elle était hors de son domicile. Dès que ses yeux s'ouvraient et qu'elle réalisait qu'elle n'était pas chez elle, elle était prise d'un sentiment de panique. Elle oubliait tout de la situation dans laquelle elle se trouvait, des raisons, d'elle-même. La fréquence de ses battements cardiaques augmentait de plus belle, jusqu'à ce qu'elle reprenne ses esprits - rarement par elle-même.

Seulement, cette fois-ci, ce n'était pas le cas. Le sentiment était loin d'être agréable - elle avait l'impression d'être une autre personne. Elle voyait le monde d'un œil inconnu, mais son esprit était calme, beaucoup trop calme. C'en était terrifiant, mais étrangement apaisant. Un désagréable bien-être.

« Julian ? » se permit-elle d'appeler.

Elle avait cette naïveté d'espérer qu'il serait peut-être là, quelque part dans cette chambre d'hôtel bien trop luxueuse pour elle. Cette candeur quitta bien rapidement son esprit meurtri, et elle se résigna à se lever, seule à nouveau.

Ce manque de repère et d'éléments familiers la consumait à petit feu. Ce n'était pas du regret qu'elle éprouvait en pensant à tout ce parcours musical qu'elle était parvenue à construire en à peine quelques années, plutôt de la tristesse. Elle était triste de ne pas s'avoir de relever par elle-même et de devoir constamment se reposer sur les autres. Elle était fatiguée de cette dépendance à toutes ces illusions qui la faisaient passer pour quelqu'un de bien dans sa peau, quelqu'un de fort, alors qu'elle souffrait en permanence de cette autre personne qui habitait son corps.

Elle ne prit même pas la peine de quitter cet énorme t-shirt qui lui servait de pyjama, ni de dompter ses cheveux s'apparentant majoritairement à de la paille qu'à une chevelure, avant de quitter cette chambre cruellement impersonnelle afin d'aller prendre son petit déjeuner. Elle était si déboussolée qu'elle se fichait complètement du regard que les gens allaient bien pouvoir poser sur elle, ou même de ces paparazzis et fans qui l'attendaient sûrement déjà devant les vitres de ce somptueux hôtel. Cependant, tout cela la dépassait complètement.

Dans cette dégaine affreuse, Aubrey devait s'apparenter à un zombie, ou bien à une bonne femme en deuil, peut-être. Cela paraissait peut-être excessif, en vue de tout le prestige qui lui était accordé, et bien des gens devaient trouver ça capricieux et puéril. Seulement, la souffrance de la blonde, elle, était réelle. Cette anxiété qui consumaient la totalité de ses membres et l'empêchaient de vivre, en quelque sorte, était plus qu'importante dans chacune des actions de cette jeune femme.

« Aubrey ? l'interpella cette voix qu'elle connaissait bien trop.

Instinctivement, elle sortit de sa bulle et posa les yeux sur le garçon à l'origine de ce son. De son regard inquiet, Julian s'approcha de son amie tandis que celle-ci lui sauta dessus comme un koala sur son arbre. Elle enfouit son visage dans le creux de son cou et profita de cette odeur bien particulière propre au chanteur.

- Qu'est-ce que tu fous comme ça ? s'inquièta-t-il. Bon sang, Aubrey, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Il s'écarta et dévisagea la jeune fille de haut en bas. Les timides yeux bleus d'Aubrey rencontrèrent son reflet dans un des innombrables miroirs de la salle, et descendirent le long de son corps faiblement couvert par ce t-shirt ne lui appartenant même pas. Elle pressa ses paupières, impuissante, en remarquant le tremblement incessant de ses jambes, et se retourna vers Julian.

- Ça ne va pas le faire longtemps, ce comportement, soupira ce dernier en tirant la soi-disant adulte par le bras en direction de l'ascenseur.

Ils s'engouffrèrent dans la petite cabine et le garçon affligea Aubrey d'un regard triste et incompris. Elle se sentait honteuse de se montrer aussi faible, mais elle savait que ce n'était pas la raison de l'énervement de son ami. Il était énervé contre lui-même, de ne pas suffire à son amie aussi malheureuse.

Il encadra le visage de la blonde de ses deux grandes mains et se força à lui adresser un sourire rassurant:

- Eh, ça va aller, n'est-ce pas ? Comme toujours.

Aubrey força les deux commissures de ses fines lèvres à se relever, sans beaucoup de sincérité.

- Tu n'es pas obligée d'assurer ces concerts, lui rappela le brun en s'écartant de la jeune femme. Ta santé mentale passera toujours avant tout.

- Julian, l'arrêta-t-elle avec une pointe de tristesse dans la voix.

Pour la première fois de la journée, il entendait sa petite voix brisée et fatiguée. Ses prunelles claires reflétaient tant de sentiments différents, mais surtout de la sincérité.

- Je veux faire des concerts. Ça ne me fera pas de mal, bien au contraire.

Elle aimait se convaincre que la musique la sauverait véritablement, un jour, et en somme, elle avait raison. Seulement, Julian était persuadé que ce ne serait pas de cette façon: Les concerts la détruisaient encore plus. A chaque fois qu'elle se retrouvait devant ces salles bondées de personnes criant à s'en déchirer les cordes vocales ces quelques syllabes qui constituaient son nom, elle était prise de crises d'angoisse incontrôlables. Elle perdait le contrôle dès qu'elle réalisait le phénomène qu'elle avait créé, bien malgré elle.

- Tu es assez grande pour savoir ce que tu veux faire. » répondit le garçon, impuissant.

Il ne pouvait se pardonner qu'il allait bientôt la laisser seule, il ne pouvait même pas l'imaginer, en vérité. Il n'arrivait pas à imager cette jolie blonde, perdue seule au milieu de cette équipe qu'elle n'a jamais pris la peine d'apprécier. Sans aucun repère dans ces hôtels tous plus beaux les uns que les autres, mais si différents de son modeste appartement aussi dérangé qu'elle. Souriant à tous ces fans qui la font trembler de peur chaque fois qu'ils la prennent dans leurs bras.

Arrivés devant sa chambre, Julian la poussa à aller se changer en vitesse avant d'aller manger un important petit déjeuner. La journée s'annonçait particulièrement importante.

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petit update sur votre semaine? je suis toute ouïe (:

perso pour l'instant ça va mais j'espère réussir à me faire des potes - si j'arrive déjà à aller vers les gens.

NOS CŒURS EN FUITEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant