Chapitre 3

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Lou

Ça n'avance pas. J'ai l'impression de m'enliser. Je ne suis pas faite pour lui, c'est d'une évidence frappante. Cette fille, si différente de moi, était dans son lit. Quand ? Hier ? Il y a une semaine ? Deux peut-être ? Comment rivaliser ? Combien y en a-t-il eu ? Je sais pertinemment qu'il y en a eu beaucoup mais ça a du mal à passer. Pauvre vierge que je suis. Quand je revoie son expression dans la cuisine, j'ai mal. Je ne m'attendais pas à une telle réaction. Il était tétanisé, presque effrayé. Après tout, ce n'est peut-être pas plus mal. Il ne sait pas dans quoi il s'embarque avec moi. Une fois, j'ai failli tout lui dire, il m'avait proposé son aide mais je n'avais pas réussi à l'accepter. Je n'avais pas pu.

J'avais 15 ans, je crois. J'étais sortie dehors, en plein mois de décembre, quelques jours avant noël. Le froid était saisissant. Je fixais mon vieux téléphone, un nouveau SMS de ma mère. Les larmes coulaient silencieusement sur mes joues, je me raccrochais comme d'habitude à mon pendentif, seul réel réconfort face à elle.

- Tu devrais rentrer puceron, il fait froid, tu n'as même pas pris de manteau. Qu'est ce que tu fais là ? Tu me suis, psychopathe que tu es ?

Cameron. Il avait son ton moqueur mais gentil quand même. Après avoir repris le contrôle de moi-même et essuyé discrètement mes yeux, il était hors de question qu'il me voit pleurer, je m'étais retournée. Il était adossé au mur et fumait une cigarette ou autre chose vu l'odeur.

- Tu as plus de réparti que ça d'habitude petite. Ça va pas ?

Il y avait une légère trace d'inquiétude dans sa voix, s'il savait...Il avait écrasé son joint par terre puis récupéré son mégot. Il ne laissait pas de preuve, jamais. Ses jambes l'avaient mené si près que nos chaussures se touchaient presque. Il se tenait devant moi, ses sourcils froncés montraient son inquiétude.

- Tu as un problème ?

Je voulais tout déballer, j'en avais besoin. J'allais le faire puis me suis ravisée, j'allais bientôt revoir Arthur, ça pouvait attendre. Et puis, je ne voulais pas que son regard sur moi change et qu'il m'éjecte de sa vie. Car, même s'il en était inconscient, il me plaisait énormément.

- Lou, qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu crois vraiment qu'avec ton petit quotient intellectuel, tu peux te permettre de détruire le peu de neurones qui te sont encore utiles ? Pourquoi tu fumes cette merde ?

Un petit sourire en coin était apparu sur ses lèvres si parfaites, nous jouions, la partie était engagée.

- OK... Qu'est ce qu'il y a pisseuse ? Tu as besoin de te trouver un mec ? Avec ta petite tête de fouine ça doit pas être facile de te regarder dans un miroir, alors draguer, j'aimerais bien voir ça !

C'est à ce moment là que j'avais décidé de lâcher la bombe. J'en avais parlé avec Léo mais il voulait y réfléchir. Comme d'habitude, je n'en avais fait qu'à ma tête.

- J'ai un petit ami.

Il s'était raidi.

- Qui ?

Il l'avait dit de façon décontractée en total contradiction avec son attitude.

- Ton frère. Et il ne se plaint pas de ma laideur apparente.

Je lui avait coupé le sifflet. Il ne bougeait plus, les poings serrés contre son corps. Je n'arrivais pas à déchiffrer l'expression de son visage, il ne me regardait pas. Les yeux perdus dans le vide. Je savais que Léo méritait une meilleure petite amie que moi, mais, j'étais la seule à pouvoir préserver son secret.

- Houhou, Cameron ! Y'a encore quelqu'un là haut ?

Une voiture était alors arrivé. Il avait baissé les yeux sur moi et avait scruté chaque recoin de mon visage pendant une longue minute. Puis, après un hochement de tête grave, il était parti.

Amour tronquéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant