q u a t r e

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Une semaine après le Test complet – pendant lequel te n'as pas arrêté de psychoter en imaginant vingt mille scénarios tous pires les uns que les autres –, M. Muller te fait retomber à nouveau dans son bureau.

– Vous savez, tu tentes après l'avoir salué, je pense que c'était juste un coup de mou. Regardez, les résultats s'améliorent déjà : en deux semaines, je n'ai utilisé mon Alibi que deux fois !

– Et c'est pourtant énorme. Bien tenté, Mae, mais j'ai analysé ton dossier en profondeur et je pense savoir où est le problème.

Tes mains tremblent, tes joues rougissent. Depuis que tu as compris que c'était lui le problème, tu n'arrives plus à dormir. Pourtant, tu sais que d'autres n'en seraient pas gênées... Mais toi, ça te hante – et ce même si Justine t'a juré qu'il serait délicat.

Il appuie sur une télécommande et derrière lui apparaît des lignes et des lignes de jargon incompréhensible.

Il zappe et apparaît alors sa photo. Cheveux blonds bien coiffés, yeux noisette intelligents derrière des lunettes à monture noire et visage bien proportionné.

Tu rougis, bégaies quelques mots, n'arrives pas à soutenir le regard du père de Justine.

Tu repenses à ton amie, elle qui le traitait de coincé, qui l'accusait d'avoir « un balai dans le cul ». Pour elle qui préfère ces héros rebelles de romans, aux cheveux ébouriffés et au regard de braise, il est loin d'être son genre.

– Mmh, j'avoue que ce n'est pas un sujet facile à aborder, commence son père, aussi rouge que toi.

Pitié, sortez-moi de là, tu supplies.

– OK, dit-il en se raclant la gorge et en joignant ses mains sur le bureau. Avec le Test complet, je sais que ce garçon te plaît. Maintenant, tu as un blocage avec lui. C'est là le cœur du problème de ta timidité persistante et de l'usage excessif de ton Alibi : tu as peur qu'il ne te remarque, que tu passes pour une idiote devant lui – alors que ce ne serait certainement pas le cas si tu n'appuyais pas sur le bouton de ta montre à gousset, je t'assure.

– Et comment je fais pour débloquer ça ? tu demandes, pressée d'en finir afin que tu puisses mourir en paix.

– Tu vas aller lui parler.

Tu hésites entre te cacher sous la table – lui parler, quelle épreuve ! – ou soupirer de soulagement – après tout, tu n'es pas obligée de lui avouer tes sentiments !

– C'est simple, dit-il. Je vais bloquer le bouton de ton Alibi, tu ne pourras plus l'utiliser. Je te laisse une semaine. Si au bout de cette semaine tu n'es pas allée le voir – toi – pour engager la conversation – et une vraie conversation –, je serai dans l'obligation de te retirer pour de bon ta montre à gousset.

Tu baisses la tête, oppressée par cet ultimatum qui sonne pour toi comme une condamnation à mort.

– OK, tu acceptes pourtant, les mains moites d'avance.

La Montre à GoussetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant