Ce recueil est publié aux éditions du Panthéon. Pour te donner envie, la première nouvelle est disponible gratuitement.
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Félicie regarda par la fenêtre donnant sur le minuscule jardin de sa petite maison encastrée entre deux autres édifices. Elle remarqua que quelques mauvaises herbes poussaient ici et là.
« Ils ne sont même pas capables de tondre correctement la pelouse » , marmonna-t-elle entre ses dents serrées.
Elle détourna son regard et fixa son vieux téléviseur datant des années septante. Les images y étaient grisées et l'écran clignotait, montrant qu'il était prêt à rendre l'âme d'un moment à l'autre. Un nouvel épisode de Dallas commença et Félicie chantonna avec joie le générique culte qu'elle connaissait par cœur, à force de passer sa journée à fixer ce maudit téléviseur dans cette pièce exiguë. C'était le 288e épisode et Félicie en avait mémorisé toutes les répliques. Après tout, ce n'était que la vingt-deuxième fois qu'elle le voyait... Elle était même parfois surprise que cette série soit encore diffusée en 2012. Les jeunes ne s'intéressaient plus à ce genre de feuilletons épiques, tout droit venus d'une autre époque, selon eux. Ils préféraient regarder leurs séries abrutissantes ou fixer leur cellulaire.
Un plan montra le fameux Jock et Miss Elie, amoureux et heureux. Félicie sentit son cœur se serrer. Elle aussi eut un Jock à une époque. Elle l'avait aimé corps et âme, mais la vie avait décidé de le lui enlever. Elle chassa cette pensée et se concentra sur son feuilleton. Bobby venait d'entrer en scène et Félicie voulait absolument entendre l'annonce décisive qui n'allait pas tarder à arriver.
Son regard coula vers l'antique horloge qui trônait tout en haut du mur du fond. Elle était là depuis des années et n'avait jamais cessé de fonctionner, contrairement à tout ce qu'on achetait de nos jours. Les aiguilles rouillées et rongées par le temps indiquaient qu'il serait bientôt trois heures vingt, l'heure où sa petite-nièce venait lui rendre visite avec sa jeune fille insolente. Elle grimaça et se leva en pestant.
« De mon temps, les enfants n'auraient jamais été éduqués ainsi ! »
Elle éteignit la télévision et reposa la télécommande sur la table. À cet instant, elle sentit sa jambe gauche fléchir et crouler sous son poids. Elle tomba à la renverse, mais se rattrapa heureusement à son fauteuil, sans se faire mal. Elle renauda. C'était la deuxième fois qu'elle tombait, aujourd'hui. La première fois, ça avait été dans sa cave étroite, taillée à même la roche, humide et poisseuse. Elle avait heurté son bras sur la pierre dure et avait éraflé sa joue. Un énorme hématome violacé apparaissait déjà. La deuxième fois, c'était à l'instant. Il n'était pas rare que Félicie perde l'équilibre. C'était normal, pour son grand âge. À quatre-vingt-neuf ans, elle était encore reconnaissante d'être en bonne santé, autonome, et d'avoir toute sa tête. Enfin, ou presque.
Elle tenta de se relever à nouveau et attendit. Une fois certaine d'être bien à l'aise sur ses deux jambes, elle se dirigea vers sa kitchenette et prépara du café, pour elle bien sûre, pas pour sa petite-nièce, ni sa fille. Elles ne connaissaient pas le goût des bonnes choses, de toute façon. Félicie, elle, aimait le café bien noir avec très peu de sucre. Comme à la guerre. Elle retourna vers son salon, posa la cafetière sur la table et sortit des mignonnettes au chocolat. À nouveau, c'était pour elle, pas pour les deux autres qui n'aimaient, ni l'une ni l'autre, le chocolat.
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S'évader de A à Z [Publié aux Éditions du Panthéon]
Cerita Pendek« Félicie sourit. Oui, elle avait eu une grande vie. Elle avait vécu la guerre, avait fait partie de la Résistance belge, avait épousé un homme, s'était retrouvée veuve, avait continué sa vie, seule, avait fréquenté d'autres hommes - ce qui ne se fa...