« Je suis amoureux de quelqu’un d’autre. Je suis désolé, mais c’est comme ça. »
Cette phrase amère résonnait dans ma tête, comme un écho dans une salle vide. Je n’arrivais pas à l’oublier. Je ne pouvais penser à autre chose. Surtout, lorsque je plonge le regard dans le miroir en pied. Mon abdomen ressemblait de plus en plus à celui de ce vieux bedonnant qui habitait en face de chez moi. Il dormait à longueur de journée, le ventre à l’air, aviné. Cette montagne qui augmentait de volume, m’horripilait. Je ne pouvais plus admirer mes orteils ! Que dis-je ? Mes orteils délaissés ne méritaient même plus mon admiration… Cinq mois se sont écoulés. Au fond de moi, j’attendais encore. Je nourrissais un espoir, que je savais dérisoire, tout au fond de moi. J’attendais un e-mail, un appel, une visite inopinee. Je ne reçus rien. Je me retrouvais seule. Seule, avec en moi un petit être qui grandissait. Il se manifestait de temps en temps. Pour me rappeler sa présence. Je n’avais pas besoin de cette compagnie. Je n’avais pas besoin de SA compagnie. Il me rappelait par contre, mes désillusions, ma déconvenue, mon aversion de l’existence. Cette existence que seule une bribe d’éducation religieuse maintenait. Car, oui, l’envie d’en finir m’attirait. Je souffrais. Dans mon corps. Dans mon âme.
Je voulus en vain arrêter cette croissance indésirable. Je me persuadais que je ne serais pas pour autant considérée comme criminelle. Cet acte forfaitaire commis en cachette me hanterait-il toute ma vie ? Je ne le saurai jamais. J’acceptai donc mon sort, résignée et affligée.
Ironiquement, le jour où j’appris la triste nouvelle, j’aperçus dans une maison, une fête d’anniversaire. Une jeune fille de mon âge, fêtait. L’air heureuse, le regard illuminé par les flammes des seize bougies qu’elle soufflait, elle irradiait. Tout le monde l’embrassait. Les vœux fusaient des lèvres souriantes. Des papiers-cadeaux jonchaient le sol. Elle nageait dans le bonheur, rayonnante. Que se passerait-il si, en ce moment même, elle annonçait à cette foule joyeuse qu’elle portait en elle… un bébé ? Le fruit d’un amour chimérique, illusoire. Elle, comment réagirait-elle ? Quand elle verrait sa jeunesse voler en mille éclats. Cette jeunesse si fragile... Serait-elle aussi perdue et anéantie que moi en cet instant ?
Je déambulais comme une automate, les yeux fixant le sol, comme à la recherche d’une bonne nouvelle, d’une idée de génie, d’une sortie de secours. J’avais 16ans aussi. Mais, j’étais enceinte. Et, mes rêves, brisés.
« Cet homme pourrait être ton père, Stella ! Me hurlait ma mère, comme à une folle. » Impassible devant ces mœurs caduques, je l’ignorais. Ces longues diatribes duraient jours et nuits. Le même discours me venait aussi d’amis, et même de notre ivrogne de voisin. Tous me mettaient continuellement en garde. Mais, trop heureuse, je ne me rendais compte de rien. Le bonheur m’assourdissait, m’aveuglait et m’enlevait tout bon sens. Allez donc faire entendre raison à une adolescente amoureuse !
Nos sorties exclusivement nocturnes, ne me dérangeaient pas. Pour moi, c’était tellement romantique ! Je ne connaissais aucun de ses amis, ni lui les miens. Je le croyais amoureux et jaloux. C’était si mignon ! Rien ne clochait pour moi. Discret, il me couvrait de cadeaux. Notre relation n’avait rien de ludique. J’étais la plus heureuse des femmes. Oui, Car, avec lui, je n’étais pas une ado, mais, une femme, une vraie !
Les jours s’écoulaient les uns après les autres, interminables, effroyables. En moi grandissait le bébé, et ma honte.
Le jour inéluctable arriva enfin. Une douleur épouvantable me transperçait le corps. On dirait que j’avais les deux fémurs fracturés ! Mon bassin se pourfendait. C’était insoutenable, atroce. J’étais révoltée! Mais je poussais de toutes mes forces, avec pour objectif, de l’expulser sur une autre planete...
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L'Ange Gabriel
Short StoryAmour, désillusions, drame, trahisons.... Vous trouverez de tout dans ce livre. Un véritable pot-pourri!!! Bonne dégustation ; -)