LE VOYAGE DE NOCE

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− Matty, tu dois apprendre à surmonter tes peurs !

Ma fiancée me sermonne comme une mère sermonne son enfant de dix ans.

− Il ne s’agit pas d’une simple peur chérie. Mais d’une vraie phobie de ces dangereux engins.

− Tu ne peux refuser notre cadeau de noce, mon amour.

− Ton père connaît mon appréhension. Alors, pourquoi choisit-il un voyage à Paris comme cadeau de noce ? Je connais son antipathie envers moi.

−  Arrête de dire n’importe quoi mon chéri, soupira Tracy au bord du désespoir.

   

Tracy et moi nous marions dans huit semaines. Mais, m’attend le supplice un mois avant le grand jour. J’aimerais visiter Paris, me promener sous la tour Eiffel, prendre de jolies photos, apporter de mignons souvenirs à tout le monde, passer de bons moments en amoureux. Mais, depuis mon enfance, remonte mon appréhension des avions. En prendre un s’avère irréalisable à mes yeux. Aucun de mes poches n’a été en danger à cause de l’un d’eux. Mais moi, du haut de mes 32 ans, mon aviophobie, me ronge et me pourrit la vie. Je n’arrive pas à la surmonter. Je refuse de consulter un thérapeute comme conseillé. Je ne me sens pas malade. J’abhorre même ces appareils !

En cas de maladie j’aurais interdit à tous mes proches d‘en prendre. Acte dont je me suis abstenu. Je garde mes opinions, je n’importune personne avec. Pourquoi tout le monde me pressure-t-il :

− Matty, je connais un bon psychothérapeute !

− Fais un effort, Matty !

− Matty, essaie juste une fois ! Je te promets qu’il ne t’arrivera rien ! »

J’ai tenté une expérience il y a deux ans : prendre ma mère à l’aéroport à son retour du Canada. Je me suis préparé. Après un trajet calme jusqu’à destination, je me garai à cent mètres. Pas question de pénétrer dans le parking ! L’avion atterrirait dans environ quinze minutes. Sans doute les plus longues de ma vie. Non sans une extrême tachycardie, je traversai la rue et me plaçai près du mur de l’entrée. Cette première fois s’annonce bien. Satisfait de moi-même, je lançais des regards enjoués partout. Des employés effectuaient des va-et-vient. Des parents patientaient. Des voyageurs arrivaient avec leurs bagages, le visage partagé entre la tristesse de quitter les êtres chers et la joie d’aller vers leurs sites touristiques ou s’envoler pour débuter une nouvelle vie.

Les quinze minutes s’écoulèrent rapidement.

Le son vibrant et brusque de l’engin déchirant le ciel, me tira de mon observation. Je bondis. Je sentis mes tympans se perforer violemment. Son bruit envahit ma tête prenant tout contrôle sur mon cerveau. Je fermai un instant les yeux. Lorsque je les rouvris mon regard tomba sur lui. Il se trouvait là. Il venait d’atterrir. Les battements de mon cœur s’accélérèrent. Je transpirais à grosses gouttes. Une envie irrépressible de vomir m’envahissait. Je décidai d’atteindre la voiture, de l’autre côté de la rue, malgré mon croissant vertige. Mais, un noir de jais m’entoura et des voix à peine audibles retentissaient au loin.

On me narra par la suite ma théâtrale syncope au beau milieu de la chaussée.

−Matty! Matty!

Je bondis à l’appellation de ma bien-aimée.

− Que se passe-t-il mon cœur ?  Tu restes planté là devant la porte pendant un siècle le regard dans le vide... Ça va ?

− Oui, mon amour ne t’inquiète pas répondis-je en portant les malles au coffre de la voiture.

L'Ange GabrielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant