AMOUR IMPOSSIBLE

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Monsieur le gouverneur,

Je vous félicite pour votre excellent travail au sein de la société et surtout en ce qui a trait à la sauvegarde de la pureté de notre race et de notre honneur en tant que blancs.

Je vous révèle à présent une situation qui nuirait à la conservation de votre bonne réputation et de notre santé mentale à tous.

Depuis environ six mois, j'assiste à une scène abominable au niveau de mon quartier.

En effet, M. Smith Cowell, un de mes voisins, commençait à agir bizarrement. Il ne sortait presque plus, ni ne recevait. Un homme d'ordinaire convenable. On effectua une petite surveillance, sans espionnage, bien sûr. On découvrit avec émoi, déception, et consternation que M. Cowell vivait avec une négresse ! Quelle horreur !

Elle demeure chez elle 24 heures sur 24. Et d'après ce que l'on relate, elle y règne en reine. Quelle abomination ! M. Cowell l'admire comme une déesse et se plie à ses quatre volontés. Il rate même son travail pour passer tout son temps libre avec elle. Il lui acquiert des vêtements dans les plus grands magasins. Quelle humiliation pour nos belles femmes blanches ! Notre race pure et supérieure mérite le meilleur de cette planète. Le bon Dieu nous créa blancs pour une raison.

Je parle non seulement au nom de tous les blancs du quartier qui se sentent mal à l'aise mais encore au nom de tous mes frères blancs des Etats-Unis. Cette situation nous révolte et sème de la panique dans le district.

Que se passera-t-il ensuite ? Des enfants ? Un mariage ? Ils vont se croire tout permis. Ils violent la loi de Jim Crow et ceci nécessite la punition adéquate.

Les races inférieures doivent demeurer à leur place.

M. Cowell fut jadis mon ami. Mais mon devoir me dicte de dénoncer le mal et les mauvaises conduites. Cet affront et ce manque de respect ne peuvent rester impunis.

M. le gouverneur, comptant sur votre dévouement à la communauté, je vous renouvelle l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Richard Sims













Dolores, debout dans le salon aux rideaux tirés, tenait entre des doigts tremblants la feuille que son compagnon lui soumit. Après une lecture rapide comme celle d'un texte connu par cœur, elle se tenait coite.

D'une vision à présent floue elle apercevait Smith, effondré dans un canapé la tête entre les mains.

-Qu'allons-nous faire ?

Sa voix douloureuse, vacillait. Les battements de son cœur s'accéléraient. Quel forfait peut émaner de leur amour ? Une couleur de peau définit-elle la supériorité ou l'infériorité ? Représentons-nous tous des êtres humains, ou de simples enveloppes ? Pourquoi tant de haine envers des êtres débordant d'amour ?

-Je peux compter sur la fidèle amitié du gouverneur. Il n'entreprendra rien sans me prévenir, ni tenter de nous nuire. Il nous exhorte à la prudence cependant.

-Encore plus mon amour ? J'éprouve beaucoup de peine de te mettre dans une telle situation. Je comprendrais si tu sollicitais mon départ...

-Ne répète plus jamais ça. Je t'aime Dolores. Rien ni personne ne pourra le modifier. En dépit de tout, je resterai avec toi, je te protègerai toujours. Je m'y engage par serment. Aucun prêtre n'ose nous marier. Sinon je t'épouserais devant Dieu depuis un bon moment. Je sacrifierais ma vie pour toi, si nécessaire.

L'Ange GabrielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant