Maman n'était toujours pas revenue et je commençais à m'inquiéter. Certes la petite comédie de Lala Aïcha m'avait beaucoup fait rire, mais là ce n'est plus drôle. Elle dérange maman pour une fausse maladie et en plus de tout cela elle pourrait payer des frais de consultations. Et ces derniers pourraient lui coûter chers. Je commence à vraiment lui en vouloir. Lala Aïcha ne se rend pas compte de tout ce que maman endure.
En vérité, j'ai remarqué qu'il n y avait pas grand-chose à manger et je me demande ce qu'il y aurait pour le déjeuner. Et je m'en veux beaucoup de laisser maman ici avec ma petite Zahra, dans cette précarité. Dire qu'à la maison on mange à notre faim et tout ce qu'on veut en plus. Et il y en avait toujours beaucoup, si bien que mon père nous demandait d'amener un bol bien rempli à une dame qui habitait un peu plus loin et qui n'arrivait pas à joindre les deux bouts. A cet instant, je le trouve bien hypocrite de faire ça sachant que maman et Zahra n'avaient peut-être pas de quoi se mettre sous la dent. Cette idée me fendait le cœur. Je me rends compte que pendant qu'on jetait les repas parfois, maman et Zahra se couchaient parfois sans rien manger. Mon père n'envoyait rien à maman pour Zahra or il sait que maman ne travaille pas. Mais elle faisait beaucoup d'efforts pour s'en sortir dignement. Maman vendait des crèmes et des sachets d'eau glacés les soirs, en plus des stages qu'elle faisait. Et comme c'était difficile de trouver un stage bien rémunéré surtout à son âge, elle se contentait de soixante mille francs par mois. Et parfois même certains se permettaient de ne pas lui payer trois mois d'affilés et elle n'avait nulle part où réclamait ses droits vu qu'elle acceptait parfois des contrats plutôt douteux rien que pour avoir un boulot. Pire encore, elle comptait sur la vente des crèmes et sachets d'eau glacés pour avoir de quoi préparer ses repas et payer son transport pour les stages.
Un jour, elle avait mis beaucoup de sachets d'eau glacés dans deux bassines, elle portait l'une et moi l'autre.
_ Ma chérie j'espère que c'est pas trop lourd pour toi ? Me disait-elle en me scrutant avec des yeux remplis de tendresse
_ Non maman, t'inquiètes pas.
Certes c'était super lourd, et j'étais bien maigrichonne à cette époque. Mais ça me faisait plaisir de l'aider autant. Je voyais qu'elle se démenait comme une folle pour qu'on ait de quoi manger. Et en dépit de tous ses efforts, un de ses grands frères est allé dire à mon père que maman ne prenait pas bien soin de nous et qu'il faudrait qu'il nous reprenne. Dire qu'il avait le même père et la même mère que maman. Je ne comprenais pas pourquoi mon oncle Ousseynou Sall témoignait autant de méchanceté à maman. Dire qu'il aurait dû faire comprendre à mon père qu'il devait aider sa sœur. Et voilà pourquoi maman ne pouvait jamais compter sur eux. D'ailleurs, elle ne lui demandait jamais de l'aide. Et je me souviens pourtant quand maman était encore marié à mon père, mon oncle Ousseynou venait tout le temps pour que maman lui donne quelque chose quand sa femme devait préparer le repas pour trois jours dans la grande maison. Et aujourd'hui au lieu de la soutenir même moralement, il lui met des bâtons dans les roues.
En vérité, pour les deux bassines de sachets d'eau glacés, maman comptait les vendre aux braves dames qui vendaient des poissons au marché. Et malheureusement, ce jour là on avait pas beaucoup vendus et les sachets commençaient à fondre vu qu'on avait marché plus de 5 km, les bassines sur la tête. Aussi, maman essaya de vendre le reste à un boutiquier à côté. Car c'est à travers ces bénéfices qu'on devait se trouver quoi manger. Parfois y en avait pas assez, et on se contentait de deux repas, et encore c'était pas aussi copieux que cela.
_ Salam aleykoum, monsieur avez vous besoin de sachets d'eau glacés ?
_ Oui bien sûr, pourrais-je voir les sachets ? Et c'est à combien ?
_ Oui bien sûr, lui répondit maman en tirant un sachet de ma bassine. C'est à 75 francs, déclara t-elle.
_ Mais ça commence à fondre! Je les prendrai tous pour 25 francs si vous voulez, sinon je laisse tomber.
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Le récit de mes tourments ...
Non-FictionLa grande romancière, Mariama BA, disait que la confidence noie la douleur. Et je voudrais la prendre au mot et vous partager mes peines. Cela ne saurait être facile, car ma conscience me torture, et je m'en veux beaucoup. Mais j'ai espoir que le Se...