Démons

Chap4.C'est mon royaume qui vient

This is my kingdom come

Il était tard, dans la chambre aux rideaux de brumes  où Drago Malefoy se reposait.
C'était le silence absolu dans la vieille demeure familiale, seul l'air de la fenêtre entrouverte apportait les rumeurs de la nuit. La fraicheur, l'odeur des feuilles et le bruit des bêtes qui se mouvaient.

Drago ressentait un grand calme mêlé d'un sentiment qu'il ne connaissait pas. Et qu'il n'aurait su définir. Il sentait qu'il pouvait reprendre peu à peu possession de lui. On avait toujours attendu qu'il soit ce qu'il semblait être.  Le droit héritier malfoy aux colères de glace et aux plaintes inaudibles.  Aux habits précieux et aux sentiments éteints.  Il s'y était collé sans s'en rendre compte,comme la main qu'effleure la peinture fraîche. Et il était devenu ce que l on avait voulu de lui.

Attentif aux bruits de sa respiration et de la nuit qui venait amplir la pièce comme un vaste tambour. Il se sentit pour la première fois en sécurité en sa propre présence.  Il n'était pas nauséeux ou indifférent. Il contemplait avec une attention neuve ce qu'il pouvait bien faire de lui.
Et pour la première fois depuis un temps très lointain,il aperçut une lumière.  Il POUVAIT changer.

Il  avait la sensation étrange que tout son être lui était étranger et neuf en même temps.  Il se prit soudain à espérer recouvrer des sensations qui seraient les siennes, et non plus ce que l'on attendait de lui. Il voulait trouver sa liberté.  Dans cet étrange moment, il se leva et regarda par la fenêtre ouverte.
Il sentait l'air bleu de la nuit lui caresser le visage et le rassasier d'une soif qu'il n'avait pas conscience d'avoir perdue. L'envie de vivre. Attentif à tous les petits bruits qui agitaient le grand parc, il sentait dans cette nuit immense les bruits des animaux qui chassaient, les proies, le bruit des feuilles qu'agitait le souffle du vent.

Cette sensation était la première depuis bien longtemps. Drago malefoy semblait se réveiller d'une longue torpeur. Et assis sur le rebord de la haute fenêtre, attentif à cette sensation nouvelle qui l'appelait, il pencha sa tête ensommeillée contre la chambranle, et seconde après seconde, ouvert à cette nuit qui paraissait pour lui un nouveau jour, il se sentit glisser dans un sommeil sans rêve mais peuplé d'une sensation bien réelle : la liberté.

Au loin dans le parc , on aurait pu distinguer dans cette nuit trop bleue le halo blanc de cheveux que couronnait la tête assoupie du jeune homme

Loin de là

Hermione n'aimait pas la nuit, elle n'aimait pas ce long glissement de l'ombre sur les choses connues. La nuit les modifiait, les rendaient differentes, menaçantes et cachées. Elle ne s'endormait jamais sans une veilleuse qui projetait le long des murs de sa chambre la silhouette longue et vaguement difforme de baleines et d'autres animaux marins.

Elle avait essayé parfois de l'éteindre mais elle n'avait jamais réussi plus que quelques minutes. La terreur sans nom s'mparait d'elle. Et la nuit recouvrait sa chambre chérie et avec elle tout ce qui lui paraissait familier et rassurant.

Elle avait peur de ce grand lampadaire qui devenait, le noir venu, un monstre immense qui la menaçait.

Elle avait peur du bruit unique, de la grande rumeur nocturne qui ne ressemblait à aucun bruit connu .

Hermione aurait eu peur d'elle-même si elle avait été engloutie par les ténèbres.

Aussi laissait elle la veilleuse allumée  et les animaux marins dansaient une ronde désuète qui la confortait dans sa fragile sécurité contre les ténèbres honnies.

D'une main elle lisait un traité sur les animaux disparus lors du dernier siècle, de l'autre elle mangeait avec soin ( Hermione était soigneuse dans tout ce qu elle faisait) un cookie industriel dont elle ne sentait pas le goût.

Puis, lasse de contempler les rayures d'un énième animal disparu qu'on ne pourrait pas ressuciter. Elle ferma le livre avec un geste brusque.
Elle repensa à Malefoy, à son sourire qui lui était adressé. Dans son for interieur, hermione savit qu'il la manipulait. Il n'aurait pu en être autrement, puisque lui-même avait toujours été ainsi. Manipulateur, meprisant, inconséquent et cruel jusque dans ses rares marques d humanité.

Tout était chez lui calculé, mûri et achevé. Il n'avait pas en lui la place pour lui adresser un sourire qui fût réel.  Non, Hermione en avait la certitude, ce n'était qu'une nouvelle perversion, plus insidieuse que les précédentes car elle se révélait nouvelle et plus proche d"elle, dans un sens.

Plus proche de ses valeurs et d'autant plus pernicieuse.

Dans la chambre où continuait le lent manège  d'animaux marins qui ne faisaient que se croiser, Hermione revit le sourire qu il lui avait adressé.

Franc, doux et parfait. L'instant avait des allures de grâce et tout ce qui était autour de ce sourire, elle y compris, avait perdu de la teneur et s'était effacé pour qu'il ne reste que ce sourire qui emplissait l espace.

Cela n'avait duré qu'une seconde mais elle en avait apprécié intensément toute l'intensité.  Comme si un monde se logeait là, dans cette seconde ténue.

Hermione comprit alors dans la froide passion de son esprit obstiné que Drago était un danger terrible. Plus que Voldemort et que la Mort elle elle-même.

Car un être capable de créer un si bel instant pour de sombres dessins était bien plus à craindre que les ténèbres les plus sombres.

Et soudain, plus que tout autre ennemi elle eut dans son esprit la certitude que Drago était le plus malfaisant .

Il ne fallait pas qu'elle craigne le grand mage noir, mais le serpent invisible à ses pieds. Tapis dans la noirceur comme dans un cocon.

Et ce serpent, invisible et changeant c'était lui. Drago Malefoy.

A cette pensée hermione trembla et alors que sa peur grandissait en elle, tout son univers familier lui sembla lointain et comme tâché par cette menace sourde qui la guettait.

Et les baleines de sa vieilleuse qui bougeaient toujours lui semblèrent d' or sale et leurs faces, grimaçantes et hostiles.

Même sa douce lumière lui semblait mauvaise et toute la nuit, elle lutta contre ce sentiment de terreur irraisonnée qui lui battait les tempes et le coeur.

Et ce n'est qu'à l'aube lorsque la lumière d'un soleil obstiné  filtra à travers les volets, que vaincue, elle s'endormit.