"Pensées nocturnes"

"Mon coeur vous écrit."

Il est 22h26.
Et ce soir, j'écris avec mon coeur.
Devrais je plutôt dire que mon coeur prend possession de mes mots.

Il se sentait seul, lourd, anéanti alors il s'est mis à écrire. Une parcelle de lui même, qu'il pensait éteinte, s'est mise à pleurer des mots, à cracher des lettres, à mimer des vies.

En ce moment, il se laisse bercer par le silence de la nuit, seuls ses battements le maintiennent éveillés contre les figures, qui, avec style s'emparent de ses pensées. Il s'ennivre des souffles du vent, se plie sous l'obscurité de l'horizon et courbe le dos sous le poids des mots.

Il est 22h27.
Et mon coeur est fatigué, il me le fait bien comprendre, en réalité, ça fait 3 jours qu'il écrit mais ses brouillons finissent jetés, loin.

Cette personnification du coeur peut vous faire croire que je suis folle. Mais je l'écoute, moi, quand il me chuchotte son désespoir, quand il murmure que c'en est trop, quand il soupire au creux de mon cou.

Il me parle vous savez, comme une mère à son enfant, Dieu aux croyants, un jeune homme à sa fiancée.

Et parfois il me ment. Alors je trébuche contre mon alphabet, j'égratine mon champs lexical et je fais saigner ma plume.

Il est 22h28.
Et je ne sais plus qui écrit, lui ou moi. Je me cogne à mes ratures, je me dispute avec mes consonnes, frappe mes voyelles et j'oublie le temps, envoyant valser virgules et ponctuations de ma vie.

Mon coeur reprend alors son ton monocorde, son monologue sans fin, sa fable sans morale, vers sur vers, il enchaîne les strophes.

Mais même en alexandrins, ces mots ne riment à rien, ils sont riches de sens, suffisants en morale mais pauvres de joies.

Il est 22h29.
Mon coeur tente d'écrire, à nouveau.

Il est 22h30.
Il a jeté la lettre, chiffonné versets, tourné la page. Pourtant, il avait griffonné une oeuvre.

Il est 22h31 et mon coeur s'endort. Sans titre à sa vie, les sonnets ne valent pas de l'or.

Ce soir, mon coeur vous a écrit.