"Dis donc miss Chase... Aurais-tu peur de l'eau ?"
Comment avait-il su ?
"Dis donc miss Chase... Aurais-tu peur de l'eau ?"
Oui. Oui elle avait peur de l'eau.
"Dis donc miss Chase... Aurais-tu peur de l'eau ?"
Son secret... Son si lourd secret...
Le garçon brun devant elle lui souriait effrontément, la regardant comme une égale.
-J'ai touché juste ?
Elle hocha doucement la tête.
-Tu as encore ton maillot sur toi ?
Nouveau hochement de tête. Elle n'avait pas pu se changer dans les vestiaires : trop de bruit, de monde, de corps serrés les un contre les autres. Elle n'avait fait qu'enfiler un tee-shirt et un short par dessus le tissu humide.
Une main se glissa dans la sienne. Paume chaude contre ses doigts engourdis par le froid.
-Viens ! lui cria-t-il en la tirant pas le bras.
Il partit en courant. Elle le suivit. Ses converses galopaient sur le bitume, comme munie d'une volonté propre. À ce moment, elle aurait suivi Percy jusqu'au bout du monde. Leurs doigts enlacés comme seule attache à la réalité.
Il n'y avait plus que lui et elle. Elle et lui. Eux et leurs cheveux qui volaient dans le vent puissant de fin d'après midi.
Ils arrivèrent bientôt devant le club de voile.
Fermé.
Sans aucune hésitation, Percy sortit une clé de sa poche et ouvrit le portail. Annabeth ne parlait pas, les pupilles rivés sur les longs cils noirs de Percy, son nez droit, la courbe de son menton, la forme délicate de ses lèvres... Elle rougit brusquement et détourna les yeux.
De l'autre côté de l'allée, le garçon lui faisait de grands signes de la main. Elle courut pour le rejoindre. Il lui lança un gilet de sauvetage.
Toute couleur déserta ses joues. Ils n'allaient quand même pas partir en mer maintenant ? Sans personne pour assurer leur sécurité ?
Elle eut bientôt sa réponse en voyant Percy gréer un TwinCat 15. Un petit gémissement s'échappa de ses lèvres. Il se tourna vers elle.
-Tu me fais confiance ? lui demanda-t-il.
Elle secoua la tête. Non. Non, elle ne lui faisait pas confiance. Elle ne le connaissait pas.
Mais il y avait ce petit je-ne-sais-quoi dans son regard qui lui donnait envie de se blottir dans ses bras pour s'endormir.
Alors, elle l'aida calmement à monter l'embarcation jusqu'à la cale. Elle ôta doucement son tee-shirt et son short pour se retrouver en maillot une pièce devant le brun aux yeux d'écume. La mer rugissait. Elle avait peur.
Mais pourtant, elle enfila le gilet de sauvetage.
Percy tira le catamaran jusqu'à l'eau.
Mais pourtant, elle monta sur le frêle bateau.
Percy grimpa à ses côtés.
Elle avait peur. Elle trembla violemment. Un bras se posa sur ses épaules frêles et grelottantes. Les flots noirs se mouvaient, mus par une force inconnue. Elle se mordit la lèvre pour ne pas se mettre à pleurer devant les vagues qui lui rappelaient combien son père ne faisait pas attention à elle, combien sa mère lui manquait, combien elle était insignifiante. Comme une feuille morte, qui vole un jour pour disparaître le lendemain. Elle n'était que de passage sur cette terre et son séjour avait failli être plus court que prévu. Elle ne voulait pas laisser les larmes rouler sur ses joues, parce qu'elle ne voulait pas perdre la face devant ce garçon dont la passion était sa plus grande peur.
-Pleure, murmura une haleine chaude devant son oreille. Pleure, ça fait du bien. Parfois c'est la seule solution.
Elle éclata en sanglots. L'embarcation se mit en branle. Une main se glissa autour de sa taille pour la serrer contre un gilet de sauvetage à l'odeur des embruns. Elle se laissa faire. Les larmes roulaient en cascades salées sur ses joues, pleines de peine, de tristesse, de colère et de peur.
Quand elle se fut calmer, elle leva les yeux. Percy la regardait d'un air bienveillant.
-C'est bon ?
Elle hocha la tête et s'essuya le nez du dos de sa main.
-Maintenant regarde et sens, lui intima-t-il. Ne t'arrête pas à ce que tu vois. Ressens tout. Et borde la voile.
Elle tira sur l'écoute. Le catamaran fit une violente embardée. Presque aussitôt, elle la lâcha. Le garçon la rattrapa et la lui rendit. Ils n'étaient qu'à quelques mètres de la cale.
-Réessaie.
Il posa sa main par dessus celle de la jeune fille aux yeux anthracites et tira avec elle sur l'écoute. Doucement, le bateau accéléra. Puis de plus en plus vite. Les vagues s'écrasaient sur le trampoline, trempant les deux passagers. La coque où ils étaient assis commença à se lever. Annabeth ferma les yeux.
Elle ne voyait plus rien. Elle ne faisait que ressentir. Le vent dans ses cheveux. Le puissant roulis des flots bleu, le goût salé de ses lèvres, la coque qui se soulevait au-dessous d'elle, l'épaule chaude de Percy contre la sienne, sa paume sur ses doigts...
Pour la première fois depuis longtemps, elle n'avait pas peur. Les sons et les odeurs l'enivraient. Elle ne voulait pas que cela s'arrête. Elle vivait. Vraiment. Et cela lui plaisait.
Elle ouvrit les yeux.
Devant eux se dressait une immense vague.
Elle cria. Percy la plaqua contre lui. Ils atterrirent violemment dans la voile alors que le catamaran chavirait. L'eau les attrapait comme s'ils n'étaient que de vulgaires jouets. Comme si elle avait tout le pouvoir du monde. Le froid s'infiltrait sous leur peau comme mille et mille aiguilles glacées.
Elle flottait. Lui aussi. Serrés l'un contre l'autre, deux ados qui ne se connaissaient pas.
Doucement Percy nagea et grimpa sur une des coques avant de la hisser. Agrippant le bout de dessalage, il lui cria.
-Je vais remettre le cata droit, mais pour ça je vais te lâcher. Reste contre le trampoline et surtout n'essaie pas de t'écarter.
Il ne la laissa pas répondre et tira sur la corde. Le bateau se redressa doucement avant d'atterrir avec fracas sur ses deux coques. Annabeth se retrouva sous le catamaran, immergée jusqu'au cou. Percy l'attrapa et lui fit faire le tour avant de la faire monter. Il se hissa ensuite à ses côtés. Elle ne bougea pas. Mille et mille pensées tourbillonnaient dans sa tête. Ils virèrent de bord et repartir vers la cale. Le garçon ne lâcha pas un mot de tout le retour, et Annabeth finit par conclure qu'il s'en voulait.
Le visage fermé, il redescendit le bateau jusqu'au club.
Les lèvres pincées, il récupéra son gilet.
Et puis, alors qu'elle allait partir, il agrippa son poignet.
-Annabeth ! lança-t-il. Je... Je suis vraiment désolé. Je voulais pas que ça se passe comme ça et...
Elle lui sourit. Il se tut, étonné.
-Merci, dit-elle. C'était formidable.
Elle l'embrassa sur la joue et tourna les talons.
Elle n'avait plus peur.
VOUS LISEZ
Un aller simple pour mon cœur [PERCABETH AU]
FanfictionAnnabeth part en vacances avec ses amis. Elle a été rejetée. Par son père. Par sa belle-mère. Elle était venue en France pour vivre, pas pour souffrir. Elle était venue en France pour rire, pas pour pleurer. Elle était venue en France pour s'amuse...