Rendez- vous

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Durant les trois jours qui me séparaient de mon rendez- vous avec Shuu, j'ai changé plus de fois d'avis que dans toute ma vie. Après qu'il m'ait laissée partir, tard dans la nuit du jeudi, je réfléchissais déjà à la tenue que j'allais porter pour aller le retrouver dimanche. Puis le vendredi, je me suis réveillée en me maudissant moi- même:

"Mais qu'est- ce que tu t'imagines, ma pauvre fille? Cet homme est une ghoule! Ce rendez- vous est juste un piège! Je n'irais pas!" avais- je déclaré devant mon miroir.

Et puis vendredi soir, j'avais choisi une autre tenue à porter dimanche.

Et ce manège continua jusqu'au dimanche après- midi. Comme j'ai une force mentale qui résiste à toute épreuve et que je suis une jeune femme forte et indépendante, j'ai finalement décidé... d'aller au rendez- vous. Oui. C'est complètement fou, mais je devais y aller. J'avais besoin de le revoir.

Je partis donc de chez moi une demi heure avant l'heure convenue, bien que le parc fut à cinq minutes à pied de mon appartement. Et finalement, j'avais choisi de porter ma robe bleue, la même que lors de notre première rencontre. (Si on peut appeler ça une rencontre...)

Le parc était presque désert. Les seules personnes qui restaient n'avaient pas l'air de savoir ce qu'ils faisaient ici. Le soleil commençait doucement à descendre, mais le ciel n'avait pas encore pris cette couleur orangée que j'aime tant.

Tsukiyama Shuu était déjà là, malgré mon avance. Il était assis sur un banc, les jambes et bras croisés, à l'ombre d'un cerisier en fleur. Cette fois, il portait une chemise bleue indigo et un pantalon sombre. (J'étais heureuse d'avoir finalement opté pour la robe bleue!) Il regardait les feuilles d'arbre tomber d'un air pensif. Mon coeur s'accélera. Il était tout aussi séduisant que la première fois!

Lorsqu'il me vit arriver, il se leva par politesse en m'adressant un sourire enjoleur.

"Bonsoir, blue bird."

Il s'inclina comme si il me faisait la révérence. Quel gentleman! J'espérais que mon enbaras passerait inaperçu, mais je me sentis rougir.

"J'étais sûr que tu viendrais, ajouta- t- il en se rassayant.

- Comment pouviez vous en être aussi sûr? demandais- je en m'assayant à mon tout à côté de lui.
- N'importe quelle autre personne m'aurait fui. Qu'est- ce qui t'a poussé à venir?
- Je... je ne sais pas trop, repondis- je, embarrassée. J'avoue que j'avais envie de vous revoir, monsieur Shuu. Vous, comment dire... vous m'intriguez."

Shuu croisa de nouveau les jambes et sourit d'un air amusé.

" Généralement, je n' "intrigue" pas les gens. Je les ennuie. La plupart des ghoules considèrent les humains uniquement comme de la nourriture, et ne prennent pas temps de les comprendre ou de discuter avec eux."

Shuu regarda une feuille d'arbre tomber à ses pieds. J'étais un peu gênée par sa présence. Me trouver ainsi à ses côtés me mettait mal à l'aise. C'était peut être pour cette raison qu'il "ennuyait" les gens. A moins que je ne sois pas la première personne qu'il ait kidnappé et séquestré... Dans ce cas là, je comprendrai tout à fait le point de vue des gens.

Au bout d'un moment, Shuu soupira et se retourna vers moi.

"Alors, my little european girl. Ça fait longtemps que tu es à Tokyo?
- Oh, heu, ça fait seulement deux ans. J'ai quitté la France pour poursuivre mes études.
- Et, sans vouloir être indiscret... Quand tu étais... chez moi... tu m'as dis que si je comptais te demander une rançon, tu n'avais personne qui pourrait la payer. Tu as des problèmes d'argent?"

C'est incroyable. C'est incroyable qu'il arrive à se souvenir de si petits détails, si insignifiants, mais qui ont tout de même leur importance. J'avais presque moi- même oublié avoir dit ça.

"Non, je n'ai pas vraiment de problème financiers, repondis- je. C'est juste que je ne roule pas sur l'or. Et puis, comme ma famille est restée en France, je dois me débrouiller seule..."

Tsukiyama me regardait d'un air intéressé. Je remarquais alors que, si j'avais répondu à ses questions, de mon côté, je ne connaissais rien de lui.

"Et vous? Vous vivez seul? Vous n'avez pas l'air de manquer de quelque chose..."
- Non, je n'ai rien à envier à qui que ce soit, repondit- il en riant. Je suis héritier d'une famille extrêmement influente. Je n'ai jamais manqué de rien. Sauf peut- être..."

Shuu sembla hésiter une seconde, puis il reprit en fixant ses mains:

"...Ma mère est morte lorsque j'étais très jeune. Mon père a essayer de compenser son amour en étant toujours très présent pour moi. J'avais aussi des servantes que je considérais presque comme des grandes soeurs. Mais sorti du contexte familial, j'ai très peu d'amis. Les gens me trouvent... différent. Même les ghoules."

Il s'arrêta et ferma les yeux. Je n'aurais pas imaginé un passé pareil à un tel homme. Il était peut être très riche, mais il a perdu sa mère alors qu'il était enfant. Je ne comprenais pas pourquoi on le mettait à part. Il avait l'air d'un homme en qui on peut avoir confiance, pourtant.

Après quelques minutes de silence, Shuu releva la tête et sourit.

"C'est étrange. D'ordinaire, je ne me livre pas aussi facilement. Il doit y avoir quelque chose chez toi qui me met en confiance."

Je ne savais pas quoi répondre. Il me fait confiance après si peu de temps passé ensemble? Et moi, étais- je prête à lui faire confiance?

"Est- ce que toutes les ghoules sont comme vous?" demandais- je, toujours à moitié sous le choc.

Shuu n'eut pas l'air étonné par cette question soudaine. Il semblait même s'y être attendu.

"Ça, ce serait à toi d'en juger. J'ai rencontré beaucoup d'humains, et je peux te dire que très peu sont comme toi. Il faudrait que tu rencontres des ghoules et fréquente leur milieux pour te faire ta propre opinion d'elles.
- Il existe des endroits réservés aux ghoules? Ici, à Tokyo?
- Bien sûr! Il y a même des commerces dirigés par des ghoules fréquentés par des humains! On sait se fondre dans la masse..."

Il réfléchit un instant, puis il se leva et ajouta:

"J'aimerai que tu découvres le monde des ghoules. Tu as envie d'en savoir plus, ça se voit sans tes yeux. Alors je vais t'emmener dans un lieu réservé aux ghoules les plus privilégiées! Tu seras le premier humain à y entrer! Tu es d'accord?
- Oui, carrément! repondis- je folle de joie. Mais... Ça ne risque rien? Ni pour moi, ni pour vous?
- C'est vrai que tu risques de te faire remarquer à cause de ton odeur..."

Il fit les cents pas devant moi, l'air pensif. Soudain, il se tourna vers moi, le visage illuminé par la folie et l'excitation.
"Il te faut un masque!"

Tsukiyama Shuu x readerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant