Chapitre 1 (partie 1). Et on démarre une autre histoire.

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« Je fuirais laissant là mon passé sans aucun remords. Sans bagage et le cœur libéré en chantant très fort. » Emmenez-moi, Charles Aznavour.

Point de vue de Romy

Je l'ai fait. Bordel, je l'ai fait.

Sans même jeter un seul coup d'œil en arrière, je m'échappe de ma prison dorée. L'oisillon quitte le nid pour effectuer ses premiers battements d'ailes en solitaire. Je mentirais si je certifiais ne pas être morte de trouille. En réalité, je suis tétanisée, mais ça me fait un bien fou.

En plus de buter sur chaque malheureux caillou, ma valise pèse une tonne. Je suis chargée comme une mule et par-dessus le marché, la chaleur m'assomme. Tous les ingrédients sont réunis pour que ce soit une journée chaotique. Même mon sac à main s'y est mis en déversant l'intégralité de son contenu sur le trottoir. J'y ai vu un signe du destin, comme si Dieu en personne m'avait fait son plus beau doigt d'honneur.

Transpirante, j'atteins la rue annoncée par mon frère comme étant celle à suivre. Contrairement à toutes celles que j'ai traversées pour arriver ici, elle est plutôt calme. Les grands immeubles qui bordent la route m'apportent un peu d'ombre. Il n'y a pas un chat. Enfin si, il y en a bien un caché sous une voiture garée. Je me retiens d'ailleurs fermement pour ne pas me ruer vers lui et le couvrir de caresses. Il ressemble à Gribouille, en beaucoup moins gros.

Voilà, mon Gribouille me manque.

Au loin, j'aperçois Oscar faire le pied de grue devant le perron d'un immeuble. Il scrute sa montre, puis son portable, puis de nouveau sa montre. J'imagine que mon retard l'irrite. Pour qu'il pose son regard sur moi, je hurle son prénom en faisant résonner ma voix criarde entre les édifices. Il secoue sa main dans ma direction, tout sourire.

Si je n'étais pas encombrée, j'aurais couru vers lui pour vite me réfugier dans ses grands bras rassurants. Je ne l'ai pas vu depuis des mois, depuis qu'il a abandonné notre belle Bretagne pluvieuse et tranquille pour le soleil éclatant de Calfort. Aujourd'hui, je ne peux qu'approuver sa décision.

Avec difficulté, j'arrive à sa hauteur et abandonne mes bagages sur le goudron.

— Alors ? Le voyage en train s'est bien passé ? se renseigne-t-il, enjoué.

Pour seule réponse, je fonds en larmes comme une fillette chagrinée à qui on aurait dérobé le jouet fétiche. C'est dingue. Il faut toujours que je pleurniche dès que je me sens un peu vulnérable.

Bon sang, ce que je peux être pathétique.

Mi-amusé, mi-attendri, mon jumeau me serre contre lui en me frictionnant le dos.

— Combien de fois je t'ai dit que les parents étaient des gros cons psychorigides, hein ? Je comprends même pas que tu sois restée aussi longtemps à la maison sans péter une durite.

Je reste silencieuse, me contentant de sangloter contre son tee-shirt.

— Tu leur as dit que tu venais ici ?

— T'es malade. La semaine dernière, je leur ai annoncé que je partais et ils m'ont juste demandé si j'avais besoin de fric.

— Typique, soupire-t-il. Ils n'ont pas à savoir que tu m'as rejoint. Laisse-les gamberger, ça leur fera les pieds.

Je hoche la tête, pourtant peu convaincue par cette idée. Si les parents apprennent que j'ai pris le large pour rejoindre mon jumeau, ça va être ma fête. Ils pensent naïvement que j'ai intégré la faculté de droit de La Sorbonne et que je vis dans le seizième chez une amie qui m'a accueillie. Je ne connais personne sur Paris, ils le savent. Alors soit ils se fichent de ma vie comme de leur première grippe, soit... Non, c'est sûr même. Ils s'en moquent royalement.

Harmonie (SOUS CONTRAT D'ÉDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant