Chapitre 9. 1/2

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Près d'une semaine a passé. Le week-end approche à grand pas et je suis de plus en plus proche des garçons. Ça fait trois semaines que je les côtoie quasiment tout les jours alors les liens se développent forcément. Je ne suis pas encore retournée voir ma mère, mais je ne pense pas avoir encore le courage pour affronter ma maison, après que je l'ai fui pendant si longtemps. Je ne me sens pas capable d'y retourner, c'est impossible.

Ma dernière journée de la semaine se finit lentement et Chad m'envoie un message pour s'excuser car personne ne pourra me récupérer ce soir. Je soupire en observant les trombes d'eau qui tombent dehors et fait la moue. Il fallait forcément que ça tombe aujourd'hui.

Lorsque le cours se finit enfin, Gaëlle me fait rapidement un signe avant de s'éloigner en courant sous son parapluie. J'observe, pensive, l'eau exploser autour d'elle tandis que je reste sous le bâtiment pour me protéger encore un instant. Sentant mon téléphone vibrer, je le retire de ma poche et fronce les sourcils en voyant un numéro que je ne connais pas. Je me demande un instant si c'est une réponse pour le stage que je dois réaliser pour l'école, alors forcée d'y répondre, je décroche.

-Allô ?

-Bonjour. Ceci est une liaison téléphonique provenant de la Maison Centrale d'Arles. Souhaitez-vous prendre l'appel ?

Ma respiration se suspend lentement et silencieuse, je retire lentement le téléphone de mon oreille et appuie lentement sur l'écran pour raccrocher.

Je ne bouge même pas quand le vent change de direction et que je suis aspergée de gouttes d'eau. J'observe pensivement les gouttes d'eau glisser sur l'écran de mon téléphone, puis, je range lentement le téléphone dans ma poche. Je replace correctement mon sac sur l'épaule et commence à marcher.

Ma marche est lente et j'ai l'impression que mes jambes vont me lâcher à chaque pas que je fais. Je descend lentement les marches et laisse l'eau glacée s'abattre sur moi de toute sa puissance. J'ai l'impression qu'une seule de ses gouttes d'eau pourraient me faire tomber. Après cinq minutes de marche, j'observe la rue dans laquelle je suis. Il n'y a personne, à cause de cette pluie, et les routes commencent peu à peu à être inondées. Le ciel est sombre et les lampadaires s'allument. Je sais que mes larmes se fondent aux gouttes d'eau et je les sens s'infiltrer sous mes vêtements.

C'est en repensant à cette voix au bout du fil qu'un sanglot éclate dans ma gorge et que mon visage se tord de douleur. Je me laisse tomber sur le sol trempé et laisse mes pleurs se fondre dans le boucan de l'orage.

Je revois son visage, son sourire qui pouvait être si tordu la nuit et si touchant le jour. Ses gestes, aussi doux que violent. Sa voix aussi agressive que calme. J'ai envie de m'arracher les cheveux, d'hurler, de le tuer et de l'effacer de mes souvenirs, l'empêcher de continuer à me faire du mal alors que j'ai tout fait pour que ça s'arrête.

Je l'ai frappé, je l'ai arrêté, envoyé en prison, mais il est toujours là. Dans mes foutues pensées, en train de me hanter, avec son sourire de vainqueur. Il le sait. Il le sait pertinemment. Il est en train de me détruire à petits feux et cet appel n'était là que pour me rappeler qu'il est toujours là, et qu'il le serait toujours.

Dans un état second, je ne sais combien de temps j'ai passé à déverser cette douleur, et cette haine incommensurable.



Je pousse silencieusement la porte de l'appartement. Mes yeux sont rouges, gonflés par les pleurs, et mes vêtements trempés gouttent sur le sol. Mes cheveux me collent sur le visage tandis que mes pas sont lents. J'ai l'impression d'avoir tout perdu une seconde fois. Dans le même état que lors du procès : éloignée de toute émotion, bloquée dans mes souvenirs, incapable d'en sortir et de me réveiller, de m'extirper de ce sable mouvant qui m'emporte peu à peu.

LEENAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant