Chapitre 3 : Voix

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    - Iliana ?! m'écriais-je.

    - Adrien, tu es sûr que ça va ? s'inquiéta Lukas.

    Je le fis taire d'un geste de la main, concentré sur la voix.

    - Utilise la montre, Adrien ! La montre ! fit la voix, qui faiblissait déjà. Je ne pourrais pas rappeler. Tu n'aura que dix minutes.

    - Iliana ! Reviens !

    - Je ne peux pas, me répondit elle, et je dû tendre l'oreille pour entendre la fin. La montre, Adrien ! Tu aura dix minutes !

    La voix s'éteint, me laissant désemparé, sous le regard choqué de mes deux amis.

    - Adrien ? appela timidement Lukas, effrayé. Tout va bien ?

    Je les regardaient sans les voir, entendant presque mon cerveau bourdonner à cause des pensées qui se bousculaient dans ma tête. Iliana. Elle est vivante.
    Vous ne savez pas, je pense, de quelle montre ma petite sœur parlait ; il s'agit d'une montre à gousset ancienne, argenté avec des gravure tout autour.

     Elle ne s'ouvre pas, enfin, c'est ce que je croyais. Un jour, quand j'avais neuf ans, j'ai appuyé avec mon pouce au milieu de la montre. Et là, une lumière bleutée a illuminée la pièce.
    La montre s'est ouverte comme un bourgeon de rose. Sauf que les pétales en triangle se sont replié derrière, laissant apparaître une horloge banale.

    Une horloge banale à huit aiguille. Ayant neuf ans, je fut profondément effrayé par la lumière bleue et refermait la montre dès que je le pu.
    Un peu plus tard, je la montrais à Amélie, qui est très forte en mécanique, pour qu'elle voit la montre et me dise ce que c'était. Je lui expliquais qu'il fallait appuyer avec le pouce au centre.

    Il ne s'est rien passé quand elle l'a fait. Je ne compris pas et reparti tête basse. Je réussis à l'ouvrir le lendemain.

   Depuis, je n'en ai parlé à aucun de mes amis. Quand j'ai peur, parfois, je la sort et je contemple sa lumière bleutée.

     - Adrien ! répéta Lukas d'un ton nettement plus pressant.

    Je me rendis compte que mes deux amis me regardaient avec insistance et inquiétude. Ce qui est tout a fait normal étant donné que je viens de tenir une conversation avec une personne invisible, qui de plus est ma petite sœur décédée.
    Enfin bref, il y de quoi se demander se qui se passe dans ma tête.

    Je les regardais en tentant en vain d'avoir l'air sain d'esprit.

    - Ne vous inquiétez pas, marmonnais-je avec un sourire. Tout va très bien.

    Je crois que je ne les ai jamais vu aussi effrayés.

    La journée passa si lentement que c'est à se demander si toute les horloges ne s'étaient pas liguées contre moi, ou que quelqu'un jouait avec leurs aiguilles.
    Dès que je me disais : "Il doit être seize heures...", je découvrais avec horreur qu'il n'y avait que dix minutes d'écoulées. Alors, je patientais, me rongeais les ongles, me grattais la tête. Je ne pouvais pas m'éclipser tant que personne ne dormait : il fallait que je sois seul.

    Je ne pouvais pas non plus aller discrètement aux toilettes ou quelque chose comme ça, parce que Lukas ne me lâchait pas d'une semelle, et que Amélie aurait fait de même si elle n'avait pas ses stupides cours interdit aux garçons.
    Moi et Lukas, on pense que les filles vont devenir des super-soldats ou un truc comme ça. Elles ont sûrement des entraînement spéciaux avec des professionnels, où elles découvrent des techniques de combats !

    Une fois, on a écouté à la porte et on a entendu une dame donner des conseils pour bien se tenir assis et tout. Ça avait l'air ennuyant, mais Lukas m'a dit que c'était certainement une façon de s'asseoir sans se faire mal avec ses armes. Genre, ne pas se piquer avec ses dagues et tout.
    Quand Amélie en sort, elle a toujours l'air agacée, fatiguée. Elle s'énerve pour un rien, mais comme on est amis, elle part se calmer dans sa chambre avant qu'on lui parle. Elle construit des choses avec des clous et des petit morceau de métal ou de bois.

   Après ses cauchemars, aussi, elle construit des choses. Des petites voitures ou des petits avions. Elle les offres aux petits, ça les rends heureux, ils font des collections et des échanges. Nous, ça nous fait bien rire, parce qu'on peut en avoir quand on veut.
   Amélie nous le propose souvent, mais on refuse. Personnellement, ça ne m'intéresse pas vraiment, les petites voitures... Lukas aimait bien, mais il préfère me suivre et ne pas en demander.

   - Adrien ? m'a soudain appelé Lukas, coupant court à mes pensées.

  - Gni ?

   - La cloche va sonner, faut qu'on aille à la cantine...

   - Ah ? Ah oui... Oui, oui, on y va...

   Je fis demi-tour, Lukas marchant en silence  côté de moi. Même si lui et Amélie ne l'avoue, je sais bien qu'ils s'inquiètent pour moi... et pour ma santé mentale. Ce qui n'est pas très étonnant.  Je secouais la tête pour chasser les vilaines pensées et focalisa ma vision sur mes pieds
   Le déjeuner se passa dans un calme absolu. Ce n'était pas bien étonnant, puisque c'était Tête-de-Passoire qui était de garde. Tête-de-Passoire, c'est un gardien, bâti comme une armoire a glace, avec les le caractère d'un pitbull. 

   Ç'aurait  sûrement pu être un bel homme si il n'avait pas des centaines de cicatrice d'acné partout sur la figure. C'est pour ça que tout le monde l'appelle Tête-de-Passoire. L'année dernière, je m'en rappelle, Nathan McGraves l'a appelé par son surnom devant tout le monde. 
   Sans faire exprès, bien sûr. Mais Tête-de-Passoire n'a pas vraiment apprécié. Je crois que Nathan n'a toujours pas fini sa punition. Il doit avoir eu corvée de chiottes, ou bien épluchage de  légumes qui pues. Un truc bien sadique. 

  Quand on eu finis, Lucas se leva et je suivis le mouvement. En silence. Je remarquais quand même que Candice et Zélie me faisaient les yeux doux. Je m'obstinais à les ignorer. Elles sont toute les deux très jolies, sans doute, mais... Il leur manque un truc.
   Je sais pas moi, une étincelle dans les yeux ou quelque chose du style. Celle d'Amélie est éteinte depuis longtemps. Sûrement noyée dans ses anciens yeux noirs. Il n'y a pas longtemps, j'ai remarqué une cicatrice près de son menton. Je ne lui en ai pas parlé. 

   J'étais maintenant complètement sortis de la cantine et avais rangé mon assiette. Lukas aussi, il restait au même niveau que moi, s'adaptant a mon rythme. 

Je vous passe tout ce qui s'est passé entre ce moment et ça qui va suivre, car il n'y a rien d'intéressant à vous raconter ça, lecteurs, mais sachez que mes deux amis sont restés collés a moi toutes la journée. 


Fils du tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant