Sous ta plume (BxB)

Livre n°30

Je me souviens encore de ma première cuite. J'avais 14 ans et j'ai juré de ne plus jamais retoucher à une goutte d'alcool de ma vie. Je me sentais tellement mal, à la fois nauséeux, à bout de force comme drainé de vie, le cœur compressé, le corps engourdi, lourd. Malheureusement, je n'ai pas tenu cette promesse bien longtemps, car dès que Georges eu fêté ses 16 ans, j'ai remis le nez dedans, mais avec modération cette fois. J'ai réalisé avec le temps et les années que j'avais l'alcool mauvais.

Par contre, si j'ai oublié cette promesse faite à moi-même, je n'ai pas oublié cet ensemble de sensations désagréables. Parce que c'est exactement comme ça que je me sens maintenant : mal.

Je ne sais pas si j'exagérerais en disant que j'ai l'impression d'avoir passé la nuit dans une machine à laver, mais la comparaison est de loin la mieux que je peux trouver pour décrire ce que je ressens exactement. Je me sens tout retourné, ayant un mal de crâne incroyable comme si je m'étais cogné violemment quelque part et je...

- Bienvenue parmi les vivants.

Tel un focus d'appareil photo, mes yeux font le point sur ce qui m'entoure quand je remarque seulement maintenant la présence de Lucas à côté de moi, l'air exténué, mais à la fois rassuré à partir du moment à nos yeux se croisent.

- Tu m'as foutu une de ces trouilles. Petit enfoiré de merde, ne recommence plus jamais ça.

- Qu'est-ce que...

- Tu ne te souviens pas ? Tu es tombé de la falaise Léon.

La falaise ? Quelle...

- Ah !

Toutes les images se remettent alors progressivement en place dans ma tête cabossée. Le guide qui se liquéfie sur place, l'appareil photo qui vol, mes jambes qui se dérobent sous mon corps et...et...la main d'Hugo tentant dans un geste dès plus désespéré d'attraper la mienne...et le reste ? Non. Le reste est noir. Complètement noir.

- N'ayant pas de vos nouvelles depuis 3 jours, j'ai trouvé cela inquiétant et j'ai donc sauté dans le premier avion que je trouvais. Une fois à l'hôtel, en demandant de vos nouvelles, c'est là que j'ai appris ce qu'il s'était passé, me raconte Lucas

- Si Hugo n'avait pas été là, je serais sûrement tombé bien bas ! plaisanté-je alors, D'ailleurs où est-il ?

- Il faut qu'on parle Léon et ce que j'ai à te dire...ne va certainement pas te plaire.

Et je n'ai jamais été aussi prêt d'une vérité aussi morbide que celle que je m'apprêtais à me prendre en pleine face : "Si Hugo n'avait pas été là, je serais sûrement tombé bien bas" dieu que j'aurais dû fermer ma gueule pour une fois dans ma vie.

Effectivement, Hugo a été là, mais dans sa tentative de s'approcher pour me sauver, l'élan de ma chute l'a entraîné avec lui. Par je ne sais quel miracle, des arbres aux alentours selon Lucas, nous avons atterri seulement quelques mètres plus bas en piteux état, lui plus que moi. Hugo a littéralement amorti ma chute, me prenant dans ses bras.

Et le pire c'est que je ne m'en souviens pas. Je ne revois pas la scène, j'en suis incapable.

- Il a passé les premières quarante-huit heures en observation et à regagner connaissance hier.

- Donc, il va bien ?

À la grimace que fait Lucas, je devine déjà sa réponse. Il y a quelque chose en plus, quelque chose qu'il ne me dit pas ou qu'il se refuse à me dire.

- Dans un certain sens, il va bien oui, mais...Le choc semble lui avoir causé de plus gros dommages internes. Hugo ne sait pas qui il est, ni ce qu'il fait là et encore moins qui je suis. Il a tout oublié. Effacé. Zappé. Les médecins disent que c'est normal après un tel traumatisme et qu'il s'en remettra avec le temps.